Signe religieux ou patrimoine culturel?

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L’actuel débat sur la présence d’un crucifix à l’Assemblée nationale (précédé de celui en rapport avec le hall d’entrée de l’hôpital Saint-Sacrement à Québec en 2017) entraîne des déchirements publics quant au fait de le maintenir en place ou non. Plusieurs ont même remis en question le fait qu’il soit, ou puisse être, considéré comme un objet patrimonial.


Qu’en est-il vraiment ?


Situons d’abord le contexte législatif lié au concept de patrimoine. Dans les dernières décennies au Québec, la compréhension de ce qu’est notre patrimoine a évolué. Nous sommes passés de la notion de monument historique dans la décennie 1960, entendu au sens d’édifice exceptionnel, à la notion de biens culturels dans la décennie 1980, notion plutôt liée à la culture matérielle d’une société puis, tout récemment, à la notion de patrimoine culturel, notion plus large car englobant désormais la culture immatérielle, des personnages, des lieux et des événements. Cette notion plus large se trouve ainsi formulée dans cet énoncé du préambule de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec : « Le patrimoine culturel est constitué de personnages historiques décédés, de lieux et d’événements historiques, de documents, d’immeubles, d’objets et de sites patrimoniaux, de paysages culturels patrimoniaux et de patrimoine immatériel. »


Un objet comme le crucifix peut être reconnu d’intérêt patrimonial et conséquemment posséder le statut de bien patrimonial en vertu de la loi québécoise. Mais il peut aussi ne faire l’objet d’aucune reconnaissance ou protection et présenter une valeur culturelle. Dans cette éventualité, ce n’est pas l’objet en lui-même et son utilisation qui détermine s’il est patrimonial ou non, religieux ou non. C’est la relation que nous avons avec cet objet qui le détermine. On peut ainsi poser un regard essentiellement religieux (de croyant) sur un crucifix, mais on peut aussi poser le seul regard de la connaissance. Que signifie cet objet dans notre histoire, notre culture ? Qui en est l’artiste ? Et ce regard qui est celui de la connaissance raisonnée (ou regard scientifique) n’exclut pas nécessairement le regard de croyance.


Le cas des cimetières


Il suffit, à titre d’exemple, de rappeler l’importance des cimetières dans le paysage urbain ou rural québécois, lieux si lourds de symbolique et de culture. Les préoccupations d’une société envers ses morts, les croyances religieuses, et même l’évolution des techniques, les progrès scientifiques, les mouvements architecturaux, les contraintes urbanistiques et juridiques, tout cela se retrouve dans un même lieu de mémoire et peut faire l’objet d’une interprétation, d’une explication portant sur le signifiant culturel. Au Québec, des cimetières ont un statut patrimonial.


De même, le crucifix, ou tout autre objet religieux — car nous pourrions aussi parler de calvaires et de croix de chemins dans le paysage rural — peuvent être considérés comme objets patrimoniaux, protégés ou non en vertu de la loi, et par conséquent faire l’objet d’une démarche de connaissance et d’une présentation didactique conséquente par leur propriétaire.


Dans ces cas d’objets, le lieu et la présentation indiqueront au spectateur comment ils sont perçus par leur propriétaire. Un lieu accessible à tous, pas nécessairement un musée, sera indiqué. L’interprétation historique d’un crucifix requerra un ou des textes explicatifs, des photos d’époque, quelquefois une carte géographique, et peut-être d’autres documents. Présenté de cette façon par son propriétaire, le crucifix acquerra ainsi aux yeux de tous son statut d’objet culturel, d’élément de patrimoine, puisque sa signification historique sera clairement expliquée.


> La suite sur Le Devoir.



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