Après le Cirque du Soleil et Rona, vendus à des groupes américains, voici que St-Hubert passe à des intérêts torontois. Combien d'autres encore, demande-t-on à chaque transaction? Qui est la prochaine à être achetée par une société de Londres, de New York, de Toronto ou d'Asie? Dollarama? La Banque Nationale? Qui encore?
La véritable question fondamentale qui se pose est simple : que fait le gouvernement Couillard pour aider les entreprises d'ici à demeurer entre les mains d'intérêts québécois? C'est la seule question pertinente parce que, dans les faits, Jean-Pierre Léger, le patron des Rôtisseries St-Hubert, vient de réaliser la meilleure transaction qu'il pouvait mettre en oeuvre dans son intérêt, dans celui de son entreprise, de son avenir et de ses employés. Jean-Pierre Léger a choisi de vendre à des experts de la restauration, le groupe Cara.
Saint-Hubert pourra tenter, cette fois-ci avec de vraies chances de succès, de percer le marché ontarien et Cara pourra intégrer, en retour, le réseau de distribution de St-Hubert dans les épiceries du Québec. C'est du gagnant-gagnant, on peut difficilement faire mieux.
En réalité, l'enjeu dans la vente de St-Hubert n'est pas financier ou économique. Il est politique. Pourquoi le gouvernement de Philippe Couillard ne fait rien pour encourager la Caisse de dépôt à protéger les sièges sociaux du Québec? À cette question, la Caisse répond qu'elle doit protéger l'intérêt financier des Québécois. Et elle a raison. Et à cette question, le gouvernement nous dit que la Caisse est indépendante dans ces choix.
Mais, permettez-moi d'appeler ça de la poudre aux yeux. Sinon, pourquoi les libéraux ont-ils promis en campagne électorale en 2014 de puiser dans le Fonds des générations pour protéger des entreprises d'offres d'achat hostiles? Faut-il le rappeler, le Fonds des générations est géré par la Caisse de dépôt. Et le Parti libéral du Québec proposait, il y a 2 ans, d'utiliser jusqu'à 20 % du Fonds pour protéger des fleurons québécois.
Résister aux prédateurs
Il n'est pas question d'offres hostiles dans les cas du Cirque, de Rona ou de St-Hubert. Mais ces transactions soulèvent de sérieuses préoccupations sur l'avenir entrepreneurial du Québec. On a fait grandir des Couche-Tard, des CGI, des Dollarama, des Saputo, des Jean Coutu au Québec qui sont aujourd'hui des succès et qui prennent de l'expansion sur la scène internationale. Mais dans un marché très ouvert, où les capitaux sont dans les grands centres, peut-on croire à d'autres succès comme ceux qu'on vient d'énumérer? Peut-on vraiment penser que de petites entreprises, bâties par de jeunes visionnaires brillants, vont pouvoir résister aux prédateurs new-yorkais ou asiatiques comme ont pu le faire Alain Bouchard, Jean Coutu et Serge Godin?
L'État n'a-t-il pas le devoir de favoriser le maintien d'une masse critique de sièges sociaux d'importance au Québec?
On le rappelle chaque fois : à moyen et à long terme, déplacer les vrais centres de décisions vers la Caroline du Nord dans le cas de Rona ou vers Toronto dans les cas de la Bourse de Montréal et maintenant de St-Hubert, c'est d'effriter le tissu commercial du Québec, c'est mettre en danger le réseau de fournisseurs qui gravitent autour de la grande entreprise, c'est atténuer la « sensibilité québécoise » qui se retrouve toujours dans les décisions d'un patron qui travaille, vit et fait des affaires au Québec.
Oui, l'accord entre Cara et St-Hubert est une bonne transaction, naturelle et sensée. Mais, est-elle celle que le gouvernement Couillard devrait privilégier et défendre dans l'intérêt collectif du Québec, de ses PME, de ses entrepreneurs, de ses fournisseurs?
Perdre des sièges sociaux d'entreprises enracinées dans le Québec comme Rona et St-Hubert, comme le Cirque du Soleil, la Bourse de Montréal ou Alcan, ce n'est pas le signe d'un climat d'affaires en santé. Et même s'il se trouvait que l'intérêt des actionnaires ou des franchisés était bien servi par les récentes transactions, est-ce qu'on peut dire que l'intérêt supérieur de l'économie du Québec est bien protégé, lui?
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