Stratagème «frauduleux» et «sophistiqué» à Laval

La poursuite de Laval contre Gilles Vaillancourt permet d’apprendre des détails inédits sur la collusion alléguée

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À Laval... et ailleurs !






Pendant son règne de près d’un quart de siècle à la tête de Laval, Gilles Vaillancourt décidait personnellement de la valeur et des gagnants de tous les contrats publics de construction, en échange d’une ristourne de 2 %, allègue la Ville. Elle ajoute que les Lavallois ont payé des millions de dollars en trop, soit 20 % de plus que la vraie valeur du travail effectué.




Tous ces détails sont exposés par la Ville dans une poursuite déposée vendredi dernier en Cour supérieure, dans laquelle elle réclame près de 13 M$ à sept personnes, dont l’ex-maire, ainsi que son ex-directeur général Claude Asselin et son ex-directeur de l’ingénierie Claude de Guise.











Ronnie Mergl




Photo d'archives


Ronnie Mergl







Le dépôt de cette poursuite, qui a aussi été versée en intégralité sur le site web de la Ville, constitue la première fois qu’il est possible de publier avec autant de détails l’ampleur des faits reprochés à l’administration Vaillancourt.




Cette poursuite civile ne doit pas être confondue avec les accusations criminelles déposées le 9 mai 2013 contre Vaillancourt et 36 coaccusés. L’ex-maire est notamment soupçonné d’avoir été le chef d’un gang criminel. Il a plaidé non coupable et il pourrait ne pas être jugé avant 2019.




Une première




La procédure intentée par Laval marque la première fois qu’une Ville poursuit un ex-maire pour récupérer l’argent qui aurait été volé grâce à la corruption ou la collusion.











Anthony Mergl




Photo d'archives


Anthony Mergl







«Rien ne sera exclu pour récupérer les sommes d’argent qui ont été dérobées ou soustraites aux citoyens de la ville de Laval», a souligné le maire Demers en conférence de presse hier matin. Pour sa part, Gilles Vaillancourt a refusé de commenter l’affaire.




Pour l’instant, la seule firme poursuivie est Nepcon. Laval estime que les contrats qui lui ont été attribués entre 1997 et 2009 ont totalisé 64,2 M$. La somme réclamée, soit 12,8 M$, représente ce que la municipalité estime avoir payé en trop à cause de la fraude et de la collusion, soit 20 %.











Marc Demers, Actuel maire de Laval




Photo d'archives


Marc Demers, Actuel maire de Laval







Remboursement volontaire




Pour agir en justice, Laval a profité d’un dossier d’expropriation dans lequel elle devait remettre 2,2 M$ à Nepcon. «On est très mal à l’aise de remettre avec la main gauche 2,2 M$ alors que la main droite réclame 12 850 000 $ à la même compagnie», a expliqué le maire.




La procédure est intentée dans le cadre du projet de loi 26 qui permet la récupération de certaines sommes. Elle a été approuvée par la ministre de la Justice Stéphanie Vallée, selon la Ville.




En parallèle, un programme volontaire de remboursement destiné aux entreprises fautives a été mis en place.




− Avec la collaboration de Katherine Boisvert



L'implication alléguée de Nepcon




La Ville de Laval allègue que la firme Nepcon est au nombre de celles qui ont participé au stratagème. Son directeur Ronnie Mergl aurait ainsi sollicité le directeur des travaux publics Claude de Guise pour obtenir davantage de contrats.




Il serait ensuite devenu «directement impliqué dans le système» en supervisant la préparation des soumissions de complaisance à la demande des entrepreneurs désignés gagnants.




Son frère Anthony, aujourd’hui décédé, était au courant du stratagème, et disposait d’un accès privilégié au maire, en tant qu’ami «de longue date».




Les deux frères auraient aussi remis personnellement la fameuse ristourne de 2 % aux collecteurs de fonds.



LU DANS LA POURSUITE




Gilles Vaillancourt exerçait «un contrôle parfait et complet de l’administration publique lavalloise».




Le système érigé «pendant plus de 20 ans» par Vaillancourt est qualifié de «frauduleux et dolosif, sophistiqué et hermétique».




Les étapes de la collusion selon la Ville



*Toutes les allégations qui suivent sont tirées de la poursuite déposée vendredi par la Ville de Laval.





1) Le «système frauduleux et dolosif d’octroi de contrats publics» est implanté en 1989 par Gilles Vaillancourt.




2) Le maire a identifié un bassin d’entrepreneurs qui se partageront les contrats publics.




3) Pour ce faire, il compte sur la collaboration de son directeur général Claude Asselin. Ce dernier «met en contact des entrepreneurs qui souhaitent obtenir des contrats publics de construction avec Gilles Vaillancourt».




4) Pour chaque contrat de construction, Vaillancourt décide qui sera l’entrepreneur gagnant. «En tout temps, Gilles Vaillancourt décide du montant total des contrats publics de construction octroyés à chacun des entrepreneurs», allègue la poursuite.











Claude Asselin




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Claude Asselin







5) Le maire transmet alors le nom de celui qu’il a désigné comme gagnant au directeur de l’ingénierie à la Ville, Claude de Guise.




6) Ce dernier contacte l’entrepreneur gagnant en lui demandant de passer à son bureau afin de lui dévoiler le nom des entrepreneurs perdants. «Claude de Guise est le principal interlocuteur de la Ville de Laval auprès des entrepreneurs participants au système frauduleux et dolosif», remarque la poursuite.




7) Claude de Guise demande alors à l’entrepreneur désigné comme gagnant d’appeler les entrepreneurs désignés perdants, pour leur demander de «présenter des soumissions de complaisance à des prix supérieurs au sien.»




8) L’entreprise désignée gagnante par le maire Vaillancourt obtient donc sans problème le contrat public au terme du processus d’appel d’offres. «Faute de ces informations privilégiées, il est difficile pour un nouvel entrepreneur d’obtenir un contrat public», remarquent les avocats de la Ville dans leur poursuite.La Ville de Laval estime aujourd’hui que les prix des contrats publics étaient ainsi indûment majorés «d’au moins 20 %», somme entièrement payée par les contribuables.




9) «En échange de l’octroi de ces contrats, les entrepreneurs remettent aux collecteurs de fonds désignés par Gilles Vaillancourt une ristourne de l’ordre de 2 % du montant final des contrats», allègue la poursuite.




10) Pour aider les collecteurs de fonds dans leur travail, Claude de Guise leur remet régulièrement une liste de tous les contrats publics octroyés.











Claude De Guise




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Claude De Guise







11) Gilles Vaillancourt décide de la destination de cette ristourne de 2 %, allègue la Ville de Laval.




12) Le nombre de contrats publics octroyés de cette façon devient si important, «vers 2006-2007», que Claude de Guise s’adjoint les services de l’entrepreneur Ronnie Mergl pour l’aider à le gérer, allègue aujourd’hui la Ville de Laval.



Montants réclamés par la Ville de Laval




Gilles Vaillancourt, Nepcon inc, Feu Anthony Mergl, Ronnie Mergl et Rose Mergl (épouse d’Anthony)




12 851 725,24 $ + intérêts




50 000 $ chacun en dommages punitifs + Intérêts


Claude Asselin




7 634 384,20 $ + intérêts




50 000 $ en dommages punitifs + Intérêts



Claude de Guise







10 078 997,77 $ + intérêts


50 000 $ en dommages punitifs + Intérêts


 




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