LE COIN DU MASOCHISTE
Grande masocherie
Qu’en l’espace de deux canards
De couacquarder une chose
Et qui semble son contraire
Ma maman m’avait pourtant dit
En avril ne te découvre pas d’un fil
Et moi qui, le mois dernier, a canardé
Que youdiail n’était qu’épouvantail.
Alors qu’à Charrette, un obscur cadre…
***
Par un froid matin de mars, grand embarras dans la régie de l’émission Christiane Charette en direct. À 8 heures 55, on avait pourtant dit à [Patrick Bourgeois bien installé dans un studio de Matane->12527] de rester aux aguets car il sera le premier invité. À 9 heures 10, Bourgeois entend Christiane énumérer le nom de ses invités…sauf le sien. Effectivement, il ne passera pas à l’émission. La raison? Je t’invite lecteur à entendre Bourgeois sur internet expliquer la loufoque situation dans laquelle Radio-Canada l’avait ce matin-là enfermé. (1) Petit détour qui vaut son pesant d’or tant les dires de Bourgeois nous font penser qu’à la dernière minute, un superviseur en sueur soit entré en trombe dans la régie et ait crié: «PREMIER SUJET TROP DÉLICAT! CHOPPEZ-ÇA».
Le «sujet trop délicat» en question était un petit livre écrit par Patrick Bourgeois avec qui Christiane Charrette devait s’entretenir en début d’émission. Mais, à partir de ce qui est arrivé au pauvre Bourgeois, on peut supposer que, soudainement dans la Tour, on se soit senti moins assuré que dame Charette ait la «culture radio-canadienne» suffisante pour affronter seule l’auteur de Quebec bashing, morceau d’anthologie – Du Lac Meech à la délirante Jan Wong. (2)
Mais, politesse oblige, il fallait bien «s’excuser» auprès de l’invité abandonné seul dans son sombre studio de Matane. Mensonge diplomatique de la part du réalisateur au téléphone: «nous avons remis votre item en un autre jour car, ce matin, nous débordons de sujets.» Ayant déjà bossé dans ces parages, permettez-moi de douter de la véracité du motif. Sur deux heures trente d’émission, il y a toujours moyens de compresser les sujets. D’autant plus qu’au grand jamais, on a le droit de traiter aussi cavalièrement un invité.
C’est donc certainement un très mal à l’aise Guglielminetti qui se devait de faire le sale job, promettant à Bourgeois qu’on le passera à une date ultérieure, mais qu’alors il ne sera plus seul. Il sera accompagné d’une personne qui aura comme mandat de critiquer son livre. Surprenantes paroles de la part d’un réalisateur qui officie un show de plogues. Pas tellement quand on sait que des livres aussi sulfureux que celui de Bourgeois et qui, surtout, ont comme fonction d’ébranler la très bancale unité nationale, sont toujours à traiter – quand ils le sont – avec des pincettes à Radio-Canada.
Chose promise, chose due. Le 3 avril dernier, Patrick Bourgeois s’est à nouveau rendu à Matane pour participer en duplex à l’émission et c’est l’ex-cynique, mais aujourd’hui bien rangé, Marc Laurendeau qui a eu la charge «d’apporter des nuances» à Quebec bashing. (3) D’entrée de jeu, Laurendeau reconnait que les faits rapportés par Bourgeois sont véridiques. Entre autres, que Diane Francis a bien écrit que, dans tout autre pays que le Canada, des gens comme Parizeau qui parlent de séparation seraient trainés au poteau d’exécution. «Je ne conteste pas ces nombreux faits, dit Laurendeau, mais il arrive que le livre tombe dans le manichéisme.»
C’est en voulant prouver ce manichéisme que le pauvre Laurendeau démontre bien qu’il est en service commandé tellement - en miniature bien sûr - il a été aussi gauche qu’un certain Colin Powell secouant sa petite éprouvette pour prouver au monde que Saddam possédait des ADM. Notre ex-cynique a agité l’éprouvette des relations difficiles entre les provinces de l’Ouest et les provinces centrales afin de démontrer «que le Canada n’est pas monolithique». Et c’est un Bourgeois encore trop poli qui lui a répliqué qu’il bifurquait. Et Laurendeau de poursuivre en vouant aux mêmes orties les graffitis des zouaves à Raymond Villeneuve et le fiel anti-Québec des Mordecai Richler, Galganov et autres Bill Johnson, lequel fiel, l’ex-cynique ne le sait que trop, a une grande capacité de s’étendre dans la nature bien au-delà de nos frontières.
Pour analyser Quebec bashing en compagnie de l’auteur, pourquoi n’a-t-on pas pensé utiliser l’expertise d’un Luc Chartrand, lequel en 2000 avait produit un excellant papier sur le sujet? Il est vrai qu’alors son nom n’apparaissait pas encore sur la liste de paye de Radio-Can. Il pouvait donc encore se permettre d’écrire: «Il est devenu acceptable en ce pays de mépriser les Canadiens français en les taxant d'être foncièrement (génétiquement, peut-être?) xénophobes, butés et racistes. La manœuvre est à la fois tellement transparente et intellectuellement piètre qu'on ne s'y attarderait pas si elle n'était en train de devenir un véritable modèle de dénigrement.» (4)
Laurendeau accuse Bourgeois de manichéisme. Il faudrait alors accoler cet attribut à tous ceux qui, il y a à peine dix ans, s’inquiétaient de voir tous ces milliers de Canadians qui, quelques mois plus tôt, avaient afflué à Montréal pour nous dire qu’ils nous aimaient, et qui au lendemain du référendum, s’abreuvaient tant de Quebec bashing. Est-ce faire preuve de manichéisme que d’écrire: «L’armée étasunienne débarquerait demain matin au Québec (ou l’Armée canadienne, comme en 1970) que bien des gens, à travers le monde, rangeraient spontanément l’information dans la catégorie “bonnes nouvelles”.» ? (5) En 1997, le Québec était alors tellement noirci par nos «amis» du ROC que c’est pourtant le très modéré rédacteur en chef de Vie ouvrière qui exprimait une telle crainte. Daniel S. Legault n’en revenait pas des abus de langage à répétition venant tant du président de l’Association olympique canadienne que de la rédactrice en chef du plus gros journal financier du Canada, le Financial Post. Et qu’ils soient aussi largement diffusés à travers le monde.
Les dures embûches qu’a eu à affronter un «pur et dur» de la trempe de Bourgeois afin de pouvoir enfin s’exprimer sur les ondes radio-canadiennes, ajoutées aux affres d’un dénigreur spécialement trié pour le piéger, deux éléments qui nous portent à croire que Laurendeau a tort et Bourgeois a raison. Ce n’est pas uniquement pour une raison de concurrence avec le réseau Quebecor que Radio-Canada a conclu «une entente secrète» avec La Presse. C’est d’abord et avant tout pour combattre leurs ennemis communs, les «séparatisssses».
-1) http://www.tagtele.com/videos/voir/17950
-2) Les Éditions du Québécois, Québec, 2008
-3) Pour l’entendre: http://www.radio-canada.ca/radio/christiane, puis écrire Quebec bashing dans la fenêtre recherche
-4) [Les «Rhodésiens» masqués->archives/ds-societe/index-racisme-souv.html], L’Actualité, 15 avril 2000
(5) [Où sont les limites du laissez-dire?->archives/ds-societe/docs2/97-7-12-legault-racisme.html] , Le Devoir, 12 juillet 1997
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