J’ai récemment vu L’Éclipse (L’eclisse)1 à TFO2, la télévision française de l’Ontario. J’ai été étonné par une séquence de ce film italien sorti en 1962 qui montre Vittoria (Monica Vitti3), après s’être grimée le visage et le haut du corps en noir, s’improviser danseuse d’une tribu kényane, tout en maniant énergiquement une lance du cru.
Cette danse caricaturale semble déplaire royalement à celle qui occupe ce logement romain et qui a vécu au Kenya. Pourquoi ? Elle s’inquiète pour son père qui s’y trouve toujours. C’est que l’heure est à la décolonisation. Les dialogues (sous-titrés en français) en disent long sur le regard que portaient alors les colons sur les Noirs :
La coloniale semonce ses deux invitées : – Arrêtez de faire les nègres. (…) Ça recommence à aller mal, là-bas. Ils ont tous leurs revolvers, à nouveau. Nous sommes 60 000 contre 6 millions de nègres. S’ils n’étaient pas si près du singe, ils nous auraient déjà chassés.
L’amie réplique : – Il serait encore temps.
La coloniale poursuit : – Il y a en tout une dizaine de chefs noirs qui ont fait leurs études à Oxford. Les autres sont des singes.
La danseuse réplique : – Des singes sympathiques, puisque vous y étiez si bien.
La coloniale poursuit : – Au Congo, par exemple, au cours élémentaire, ils se croient tous ministres.
La danseuse réplique : – Qu’on les mette au cours moyen !
En se payant la tête de la coloniale, le réalisateur Michelangelo Antonioni prend fait et cause pour les décolonisateurs, mais cela n’empêcherait pas pour autant Netflix (qui a retranché un épisode de la télésérie Les Filles de Caleb à cause d’un blackface4) ou peut-être même la néo-puritaine Radio-Canada, de couper la séquence complète si l’envie leur prenait de mettre le film au programme.
Je tiens à remercier TFO pour nous avoir présenté intégralement ce film, qui, en passant, a obtenu la cote suprême chez Mediafilm5. On ne charcute pas un simple film, encore moins un classique du cinéma. Voici une chaîne exemplaire qui voit dans ses téléspectateurs des adultes aptes à contextualiser.
Le respect de l’œuvre chez TFO est d’autant plus méritoire qu’elle se trouve en Ontario, une province de ce Canada postnational (dixit Justin Trudeau6) où le multiculturalisme et le wokisme en mènent large7.
Pour finir, TFO me semble être la seule chaîne à faire l’éducation des amateurs de cinéma en présentant des films de grande qualité. Il fut un temps où Radio-Canada se chargeait de cette noble mission, mais il faut croire que ce n’était pas assez rentable.
[2] Le film est diffusé à nouveau le dimanche 30 octobre à 23 h.
https://fr.wikipedia.org/wiki/TFO
https://groupemediatfo.org/historique
[4] https://www.lapresse.ca/arts/chroniques/2022-10-17/netflix-joue-au-cure-avec-les-filles-de-caleb.php
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Filles_de_Caleb_(s%C3%A9rie_t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9e)
[7] https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/768607/chronique-le-canada-champion-mondial-d-immigration
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