Après la première ministre de l’Alberta, c’est au tour de celle de la Colombie-Britannique de se dire satisfaite de l’approbation par Ottawa du pipeline Trans Mountain. Cette alliée inattendue pourrait permettre de diffuser l’opposition à laquelle risque de faire face Justin Trudeau, surtout que plusieurs de ses propres députés représentant la province de l’Ouest sont en désaccord avec sa décision.
La première ministre de Colombie-Britannique, Christy Clark, a posé en 2012 cinq conditions à l’acceptation d’un pipeline traversant sa province : consultation des Premières Nations, respect des processus d’approbation réglementaires, amélioration des mesures d’intervention en cas de déversement terrestre, bonification de la protection marine et enfin, partage des bénéfices financiers. Mercredi, elle s’est dite « très satisfaite des progrès réalisés ».
« Ils sont en voie de remplir les cinq conditions », a déclaré Mme Clark. Elle estime que des progrès sont encore nécessaires en matière de protection des côtes et de partage des bénéfices, mais que les différends pourraient être réglés sous peu, « bien avant » mai. L’époque où Mme Clark et sa voisine albertaine (à l’époque Alison Redford) se crêpaient le chignon à propos des oléoducs est donc révolue.
Reste qu’un large pan de la société civile britanno-colombienne s’oppose au pipeline de Kinder Morgan, et les manifestations ont déjà repris. Néanmoins, Christy Clark, dont les libéraux doivent aller aux urnes au printemps prochain pour solliciter un troisième mandat, dit ne pas craindre les électeurs, qui sauront selon elle apprécier sa « cohérence » dans le dossier.
Insatisfaction dans les rangs libéraux
L’assurance semble moins grande du côté d’Ottawa. Les libéraux de Justin Trudeau détiennent 17 des 42 sièges en Colombie-Britannique. Plusieurs de ces députés interrogés mercredi se disent insatisfaits.
C’est le cas de l’ancienne ministre Hedy Fry, qui représente le centre-ville de Vancouver où, dit-elle, une majorité d’électeurs s’oppose au projet. « On ne peut pas tout gagner en politique », a-t-elle concédé. « J’ai dit au ministre et au premier ministre ce que mes commettants, notamment le maire [de Vancouver Gregor] Robertson et les Premières Nations, pensent de ce dossier. Le cabinet a pris une décision après avoir soupesé le pour et le contre. Je ne suis pas contente de la décision, mais je suis contente des autres choses », dit-elle en énumérant les mesures de mitigation mises de l’avant par Ottawa.
Sa collègue Joyce Murray, qui s’était présentée à la chefferie libérale contre M. Trudeau en 2013, est déçue mais résignée. « J’ai été déçue parce que j’ai essayé de convaincre le gouvernement de choisir une autre voie, mais je suis à l’aise parce qu’on a un avenir avec plusieurs programmes pour améliorer et protéger l’environnement et pour s’attaquer aux changements climatiques. »
Pour sa part, la secrétaire parlementaire Pam Goldsmith-Jones reconnaît que « cette décision est très, très difficile pour plusieurs dans ma communauté ». « Ça pose un très grand défi », avoue-t-elle avant de se dire satisfaite du rejet du projet Northern Gateway et du moratoire sur le transport de pétrole brut au large des côtes dans le nord de la province.
Pour sa part, la ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould, qui représente une circonscription de Vancouver, s’est montrée évasive. Elle avait participé à divers événements condamnant les projets d’oléoducs devant traverser la vallée du fleuve Fraser lorsqu’elle était chef régionale de Colombie-Britannique. Invitée mercredi à préciser si elle était toujours contre le projet, elle s’est contentée de dire que « ce n’est pas ainsi qu'[elle] caractériserai[t] [s]a position », avant de tourner les talons.
Mardi, en annonçant sa décision, le premier ministre Trudeau avait pris acte de l’insatisfaction dans ses rangs. « J’ai écouté très attentivement les différents points de vue qui existent en Colombie-Britannique à ce sujet. En fait, un des critiques les plus clairs et profonds est un collègue, Terry Beech. » M. Beech s’est limité à dire mercredi qu’il retournerait dans sa circonscription en fin de semaine pour prendre le pouls de ses commettants.
Certains députés de Colombie-Britannique se rallient à la décision. C’est le cas de Jonathan Wilkinson, qui s’était prononcé contre le projet de Kinder Morgan en campagne électorale. « Les préoccupations propres à ma circonscription avaient besoin d’être prises en compte, et j’estime à la lumière du travail fait et de l’annonce faite qu’elles l’ont été de manière substantielle », a-t-il dit mercredi. Selon lui, les « gens rationnels vont prendre un pas de recul » et « on va voir que l’impact politique sera très, très marginal ».
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