Trans Mountain: Justin Trudeau a gagné son pari

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Le problème pétrolier de Justin


Difficile de trouver un projet plus nocif pour l'environnement que celui de l'expansion de l'oléoduc Trans Mountain. Et pourtant, la gauche environnementale le laissera passer. Entre ça et le retour des conservateurs au pouvoir, les environnementalistes ont fait leur choix.  


  



Trans Mountain: Justin Trudeau a gagné son pari

MAXIME DELAND/AGENCE QMI




L’impossible dilemme  


Voilà l’impossible dilemme devant lequel se trouvent les politiciens du Canada (en anglais, on use du terme conundrum pour désigner ces questions épineuses, si difficiles à résoudre, un joli mot).  


Concilier à la fois cet état de fait, que le Canada est un «pétro-État» bien qu’une large part de sa population aspire à ce que ses politiciens s’attaquent aux racines mêmes des conséquences inhérentes à la production de pétrole, la pollution endémique.   


Quand on y ajoute la teinte de l’urgence climatique, c’est-à-dire l’empressement d’agir, et ce, de manière énergique, on se trouve devant un conundrum, un casse-tête inimaginable.   


Du genre qui a fait dire à Steven Guilbeault, à chaud, le soir des élections, alors qu’il commentait sa propre victoire, laquelle venait à peine d’être confirmée, qu’on ne pouvait que peu de chose concernant, par exemple, l’oléoduc Trans Mountain: «Le pipeline Trans Mountain, le projet est acheté, on ne va pas réécrire l’histoire... mais pour la suite des choses...»  


Voilà exactement pourquoi nombre d’environnementalistes de terrain, des gens qui militent corps et âme dans leurs milieux, pour la cause environnementale, se sont rassemblés récemment pour signer une lettre commune afin de signifier que Steven Guilbeault avait rompu définitivement avec le mouvement environnemental.   


  



Trans Mountain: Justin Trudeau a gagné son pari

PHOTO COURTOISIE/PARTI VERT




Je causais hier avec l’un de ces signataires, André Bélisle, un militant bien connu qui a été candidat des Verts aux élections fédérales de 2015. Celui-ci dénonçait sans nuance ce «démissionisme» déconcertant de Guilbeault concernant Trans Mountain, en rappelant que selon cette logique, «les projets comme Rabaska, Suroît et tant d’autres de gaz de schiste, on les aurait aussi tous laissés passer». 


André Bélisle ajoutait ceci: «Non seulement on n'a pas baissé les bras, on a gagné la bataille en créant, avec Daniel Breton, la Coalition Québec vert Kyoto, et on a stoppé raide 11 de 12 projets de centrales thermiques au gaz. La seule qu'on a échappée, Bécancour, nous a coûté 2 milliards de dollars depuis 2008 pour qu'elle ne PRODUISE PAS, spécifiquement pour les raisons qu'on dénonçait ce type de projets.»  


«Même chose pour les gaz de schiste. C'est l'AQLPA [Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique] qui a sonné le réveil, malgré le fait que le gouvernement du Québec nous disait qu’il était TROP TARD et que les permis étaient octroyés...»  


Ménager la chèvre et le chou  


Les élections sont à peine terminées que, déjà, la question de l’oléoduc Trans Mountain revient en force dans l’actualité. Au moment d’écrire ces lignes, un chassé-croisé est engagé entre le NPD et Justin Trudeau pour savoir comment négocier avec le Parti libéral dans ce dossier.  


Devrait-on faire de l’abandon de Trans Mountain une condition pour appuyer Justin Trudeau? La question a été posée à Jagmeet Singh et sa réponse ne surprendra personne: il s’est dit «personnellement opposé au projet», mais a refusé de dire si l’abandon de ce projet constituait une condition de tout appui à Justin Trudeau. Tout est sur la table, selon le chef du NPD.  


Jagmeet Singh n’a d’autre choix que de ménager la chèvre et le chou, à l’instar de sa collègue néo-démocrate de l’Alberta Rachel Notley qui, une fois au pouvoir, s’est faite alliée de l’industrie pétrolière. Les positions «personnelles» du chef du NPD importent peu quand vient le temps de soupeser les contraintes de la realpolitik canadienne.   


Tant lui que Steven Guilbeault trouveront des motifs pour expliquer leur inaction dans ce dossier.   


D’abord parce que l'abandon de cet oléoduc coûterait extrêmement cher, politiquement et financièrement. Justin Trudeau n’a pas subi de gros contrecoup politique à la suite de sa décision d’acheter le pipeline Trans Mountain. Cela ne l’a pas empêché de recevoir, à mots à peine couverts, le soutien des instigateurs du #Pacte au Québec.  


Et en Colombie-Britannique, là où l’opposition à cet oléoduc est la plus forte, les libéraux n’ont perdu que six sièges (11 en 2019, 17 en 2015). Disons-le franchement, le mouvement visant à bloquer la route des conservateurs vers le pouvoir a été plus fort que l’indignation que pouvait susciter le bilan environnemental (ou éthique) de Justin Trudeau.  


  



Trans Mountain: Justin Trudeau a gagné son pari

CAPTURE D'ÉCRAN / TVA NOUVELLES / AGENCE QMI




Le plus grand danger provient plutôt de l’Ouest, de la grogne d’une part non négligeable de la population du Canada. Ce gros bloc bleu foncé sur la carte, rappel inquiétant que la «clique laurentienne» (pour paraphraser le premier ministre de l’Alberta Jason Kenney, sa façon d’interpeller ces politiciens riverains du Saint-Laurent qui ont trop de pouvoir selon lui) ne doit pas badiner avec le sentiment d’aliénation qu'éprouvent les gens de l’Ouest. «Les gens veulent le pétrole, consomment le pétrole, mais font tout pour nuire à l’industrie qui produit le pétrole», entendait-on au lendemain des élections au Radiojournal de Radio-Canada.  


En septembre dernier, quelques jours après le déclenchement des élections, la firme Angus-Reid publiait un sondage pancanadien sur la question de Trans Mountain. Cinquante-trois pour cent des répondants au sondage ont appuyé l’idée de l’expansion du pipeline. Le Québec était la seule province ou le seuil de 50% n’était pas atteint.   


Dans un contexte de gouvernement minoritaire, où la date des prochaines élections demeure inconnue, chaque geste compte pour les partis politiques. Jagmeet Singh oserait-il marquer le coup fort d’une opposition à Trans Mountain afin de fédérer la gauche environnementaliste à son parti en vue du prochain scrutin? Cela lui permettrait-il de faire des gains électoraux substantiels?   


Dave Korzinski, analyste politique chez Angus Reid, estime que la population canadienne demeure ambivalente sur la question du pétrole et des oléoducs. D’une part, on veut que le gouvernement procède à l’expansion du pipeline, mais d’autre part on est d’accord avec l’idée d’utiliser les fonds générés par ce projet hyper-polluant pour investir dans de l’énergie plus propre!  


En ça, le Québec fait bande à part, la population étant beaucoup plus réfractaire aux projets de construction d’oléoducs.   


Mais ça, Justin Trudeau le sait fort bien. Cela ne l’a pas empêché de récolter les faveurs de la bien-pensance de Montréal, mais aussi la première place en termes de sièges au Québec.  


Il a gagné son pari: Steven Guilbeault a été élu et, dès ses premiers pas à titre de député, il s’est bien gardé de prendre le parti des plus ardents militants environnementalistes. Pas question de jeter un pavé dans la mare et de s’opposer à Trans Mountain.   


  



Trans Mountain: Justin Trudeau a gagné son pari

AFP




L’organisme environnemental Stand.Earth a publié ici une série d’études (et des références scientifiques appuyant le tout) sur les conséquences environnementales, sociales et climatiques de l’expansion de cet oléoduc.   


Ça donne froid dans le dos.




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