Transport collectif: retour à la case départ

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Trop de chefs veulent mener le transport en commun

L’abolition de l’Agence métropolitaine de transport (AMT) marque la fin d’un cycle dans la grande région de Montréal. Et le retour aux querelles de clocher entre les maires.

Québec aura beau revoir les structures tous les 20 ans, le problème de fond demeure. Il y a un manque crucial de volonté politique pour faire des transports collectifs le fer de lance d’une nouvelle économie.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a de quoi être fier. L’abolition de l’AMT, annoncée la semaine dernière par le ministre des Transports, Robert Poëti, va dans le sens de sa vision centralisatrice de la politique. Un palier décisionnel de moins, un obstacle politique de moins sur sa route.

Selon le scénario à l’étude à Québec, l’AMT sera remplacée par deux nouvelles structures : une Agence régionale de transport (ART), responsable de la planification des projets, et un Réseau des transports métropolitains (RTM), responsable des opérations, en lieu et place des 13 Conseils intermunicipaux de transport (CIT), qui seront aussi abolis.

L’ART et le RTM remplaceront donc 14 structures. Elles devront cependant cohabiter avec les sociétés de transport de Montréal, Laval et Longueuil, qui conservent toutes trois leur autonomie.

Il serait réducteur d’assimiler le projet à un brassage de structures. Le conseil d’administration de l’ART sera formé de six élus municipaux de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), et de six experts indépendants. Le monde municipal retrouve, en partie, le contrôle qu’il avait perdu sur la planification des projets de transports collectifs avec la création de l’AMT, en 1995, par le gouvernement Parizeau.

La CMM, un regroupement de 82 villes, accueille d’ailleurs avec satisfaction la réforme Poëti. «Ce modèle reflète en tous points les demandes historiques de la CMM. Mettre la planification avec l’aménagement du territoire, pour nous, c’est essentiel», a dit le maire Coderre.

L’entente n’est pas encore coulée dans le béton que des fissures apparaissent. Le maire de Bois-des-Filion et préfet de la MRC de Thérèse-de-Blainville, Paul Larocque, craint la mainmise de l’agglomération montréalaise sur les décisions futures.

J’ai le vague souvenir d’avoir assisté à cette mauvaise pièce de théâtre. Avant la création de l’AMT, les maires de la défunte Communauté urbaine de Montréal (CUM) n’arrivaient pas à s’entendre, et ils n’étaient même pas 30 autour de la table. Les discussions avec Longueuil, Laval et les villes de la première couronne n’étaient pas simples. Hors de l’île, aucun maire ne voulait parler d’investissements dans les transports publics. La banlieue voulait ses routes, ses écoles, ses ponts libres de toute congestion.

Aujourd’hui, les frontières de la région métropolitaine sont encore plus éloignées du centre-ville qu’elles l’étaient il y a 20 ans. Les maires de la deuxième et de la troisième couronne réclament des routes, des écoles, des ponts libres de toute congestion et de péage, mais aussi des trains de banlieue.

À lui seul, le train de l’est symbolise tout ce qui ne tourne pas rond à l’AMT et au ministère des Transports. Le tortillard des banlieusards, un tracé de 52 km, relie — à un coût exorbitant — la gare Bonaventure à Mascouche. Le coût du projet a grimpé à 700 millions de dollars, et il a été marqué de nombreuses irrégularités qui font l’objet d’enquêtes policières.

Le train de l’est est un accélérateur de l’étalement urbain. Son aménagement a permis à de nombreux promoteurs immobiliers de faire le pactole en achetant des terrains au bon endroit, au bon moment.

L’AMT n’a pas été à la hauteur des attentes. Elle devait faire l’arbitrage des projets, en plus de s’élever au-dessus de la partisanerie et des querelles qui ont dominé les débats sur le transport public, de la création de la CUM jusqu’à celle de la CMM.

À part l’expansion des trains de banlieue, on lui connaît peu de succès. L’AMT a investi trois milliards dans les transports depuis sa création ; elle a fait progresser l’achalandage des trains de banlieue de 153 %, se targue le p.-d.g. de l’agence, Nicolas Girard.

Vu de Montréal, les succès sont mitigés. On attend toujours le SRB sur le boulevard Pie-IX. La ligne, promise en 2009, ne sera pas en fonction avant 2020. Un retard de 11 ans.

Pendant ce temps-là, l’utilisation de la voiture progresse à Montréal. De 2006 à 2011, le parc automobile a augmenté de 10,9 %, alors que la croissance démographique n’était que de 5,7 %.

Dans une certaine mesure, le ministre Poëti a raison de s’attaquer à l’AMT. Elle a grossièrement négligé son rôle de planification des transports, pour se concentrer sur l’exploitation et la mise au point des trains de banlieue.

Par contre, redonner le contrôle aux élus locaux n’est pas un gage de succès. Ils vont nous en faire voir de toutes les couleurs avec la réforme. Montréal veut sa ligne bleue, Longueuil sa ligne jaune et Laval sa ligne orange.

Les trois plus grosses villes de l’agglomération réclament le prolongement du métro. À l’opposé, les maires de banlieue rêvent à l’expansion infinie des trains et à quelques voies réservées ici et là sur les grandes autoroutes. L’horizon est plutôt sombre.

Rien que pour le partage de la taxe sur l’essence, la CMM est dans une impasse depuis deux ans. Une somme de 26 millions dort dans les comptes de l’AMT, en attendant que nos chers élus locaux s’entendent sur la façon de redistribuer l’argent.

La réforme annonce le retour à une sorte de Moyen Âge du transport collectif. Les seigneurs locaux défendront leurs fiefs, sans égard au bien collectif.


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