Un projet de loi sur les foetus victimes de crimes inquiète l'opposition

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Avortement (C-484; Q-34)



Karine Fortin - Le projet de loi d'initiative privée d'un député conservateur visant à faire du foetus une victime à part entière en cas d'agression contre sa mère inquiète les partis d'opposition qui y voient un prélude à la relance du débat sur l'avortement.

Le texte, proposé par l'Albertain Ken Epp, permettrait d'accuser du meurtre d'un «enfant pas encore né» un individu responsable de la fin violente d'une grossesse souhaitée par la mère.
Il a été adopté en deuxième lecture par la Chambre des communes mercredi soir, après un vote libre très serré. Parmi les 147 députés ayant voté pour figurent une majorité de conservateurs, une vingtaine de libéraux et un néo-démocrate.
Tous les bloquistes présents au parlement pour le vote se sont prononcés contre, tout comme la ministre du Patrimoine Josée Verner, celui des Transport Lawrence Cannon et la députée de Beauport, Sylvie Boucher.
Le ministre du Revenu Gordon O'Connor s'est aussi rangé de leur côté, se distinguant ainsi de la plupart de ses collègues du caucus conservateur, y compris le premier ministre Stephen Harper.
Pour Ken Epp, qui a annoncé sa retraite prochaine, il s'agit d'une victoire éclatante. A ses yeux, le Code criminel canadien est incohérent en ce qui a trait aux agressions dont sont victimes les femmes enceintes.
Il trouve ainsi révoltant qu'un homme ayant agressé sa conjointe sans la tuer mais en provoquant la mort de l'enfant qu'elle portait ne soit accusé que de voies de fait et pas d'homicide.
Au moment de présenter son projet de loi, le 14 février dernier, le conservateur était entouré de plusieurs personnes ayant perdu des proches et leurs enfants à naître à la suite d'agressions armées.
Même s'ils disent avoir de la sympathie pour les victimes, les députés qui se sont opposés au projet de loi C-484 se sont dits surpris et déçus du résultat du vote. Ils s'attendaient à ce que le projet soit rejeté comme le sont la plupart des projets de loi d'initiative privée.
Jeudi, des membres des trois partis d'opposition ont assuré qu'ils veilleraient à empêcher l'adoption finale du texte, qui créerait à leur avis un dangereux précédent en accordant un statut juridique au foetus avant sa naissance.
Le Bloc québécois, le Nouveau Parti démocratique et plusieurs libéraux ont indiqué qu'ils feraient tout en leur pouvoir pour que l'initiative de M. Epp ne reçoive jamais la sanction royale.
«Je trouve ça épouvantable, inquiétant parce que c'est la voie qu'ont choisie plusieurs groupes aux Etats-Unis pour remettre en question le droit d'avortement», a souligné le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, à l'issue de la période des questions.
C'est aussi l'avis du chef du NPD Jack Layton qui y voit «le début d'une recriminalisation de l'avortement». Le leader a promis de discuter de l'affaire avec son député Peter Stoffer, seul membre du caucus à appuyer l'initiative de Ken Epp.
Quant au chef libéral Stéphane Dion, il laisse entendre qu'il pourrait imposer à ses troupes de voter contre le projet en troisième lecture. «Une étape à la fois, mais la position du parti n'est pas celle qui l'a emporté», a-t-il insisté.
Les femmes libérales reconnaissent qu'elles devront travailler fort au cours des prochains mois pour «éduquer leurs collègues sur ce qui se trame réellement ici», comme le dit la députée Bonnie Brown, qui s'intéresse depuis longtemps aux droits des femmes et à la procréation assistée.
Pour Heidy Fry, qui a longtemps été médecin, certains ont peut-être voté pour le projet de loi de Ken Epp en deuxième lecture afin qu'un comité en soit saisi et qu'on puisse l'étudier en détail. «Mais en troisième lecture, il faut que ça disparaisse», a-t-elle insisté.
Ken Epp persiste quant à lui à dire que son projet n'a rien à voir avec l'avortement. Il va même jusqu'à traiter ceux qui lui prêtent des intentions de «paranoïaques».
Gilles Duceppe (Photo PC)


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