Une guerre pour rien?

Les pays arabes n'ont pas leur pareil pour arriver à la gare lorsque le train de la destruction est déjà passé.

Gaza: l'horreur de l'agression israélienne


Cette guerre presque à sens unique, avec un bilan humanitaire horrible et déséquilibré – plus de 1300 morts côté palestinien, contre une douzaine côté israélien – a-t-elle pu au moins faire évoluer l'affrontement israélo-palestinien vers un début de « solution »? Quelle est cette « situation nouvelle » que voulait provoquer l'armée d'Israël en envahissant Gaza?

Israël affirme avoir « atteint ses objectifs ». Mais quels étaient ces objectifs? Écraser le Hamas? Ce n'est pas arrivé. Avec trois, quatre ou cinq cents combattants tués, on est loin du compte puisque les évaluations du nombre d'hommes en armes, pour le Hamas, vont de dix à vingt mille. Faites la soustraction.

Affaiblir le Hamas? Bien sûr, avec tous ces édifices administratifs détruits, les infrastructures essentielles en ruines (eau, électricité), avec la destruction de la moitié au moins des fameux tunnels clandestins, le Hamas, censé diriger Gaza, n'a plus grand-chose à « gouverner ». Mais ce mouvement, qui a le mot « résistance » dans son nom (l'acronyme HAMAS signifie Mouvement de la résistance islamique), n'est pas anéanti en tant que force militaire ou politique locale.

Par ailleurs, rien n'indique que le pari israélien selon lequel les Gazaouis allaient se retourner contre le Hamas, parce que ses dirigeants sont censés être « coupables » d'avoir provoqué la catastrophe, ait été tenu. Rien n'indique que l'opinion locale ait réagi dans ce sens. Les Palestiniens victimes du déluge de feu blâment, très clairement, les Israéliens pour leur malheur. Ils peuvent certes éprouver des sentiments ambivalents envers le mouvement islamique. Mais il n'y a pas de révolte anti-Hamas, à l'horizon fumant de Gaza.

Impuissante diplomatie arabe

La diplomatie arabe a été aussi lamentable que d'habitude. Pendant trois semaines, on a vu la Ligue arabe essayer... d'organiser une réunion! Elle n'y est pas parvenue. Il y a bien eu l'Égypte qui, de son côté, a essayé de redevenir – un moment – le grand pays influent qu'il a déjà été dans le monde arabe. L'Égypte qui tente de contrer l'attrait du discours radical de l'Iran auprès des populations de la région. L'Égypte qui a fait la navette entre le Hamas et Israël, et derrière qui s'est mobilisée une diplomatie française passablement tapageuse.

Mais le cessez-le-feu a été finalement le produit d'une décision unilatérale d'Israël, qui a ainsi lancé, dans son style habituel, un magistral pied de nez à toutes les gesticulations diplomatiques des jours précédents, onusiennes, égyptiennes et autres.

Bien sûr, une fois que se dessinait clairement le cessez-le-feu d'Israël – bientôt suivi d'un geste semblable du Hamas – on a vu les pays arabes, soudain, multiplier courageusement les réunions pour venir en aide aux pauvres frères palestiniens. Les destructions à Gaza sont évaluées à deux milliards de dollars, et l'Arabie saoudite a offert à elle seule la moitié de cette somme, le 19 janvier lors d'une réunion au Koweït.

Les pays arabes n'ont pas leur pareil pour arriver à la gare lorsque le train de la destruction est déjà passé.

Le monde arabe – ou arabo-musulman – est fondamentalement divisé entre ceux qui recherchent l'accommodation avec Israël et l'Occident (appelés alternativement « pays arabes modérés » ou « petits caniches des sionistes », selon l'identité du commentateur), et ceux qui entendent, au contraire, demeurer en mode « résistance », même si cette résistance peut prendre diverses formes, très variables.

D'un côté, des pays comme l'Égypte, la Jordanie et l'Arabie saoudite. De l'autre, des États comme la Syrie, l'Iran (non arabe) et des partis-milices comme le Hamas et le Hezbollah libanais, qui contrôlent des portions de pays.

Cette ligne de division fondamentale entre l'ensemble des pays de la région coupe aussi cruellement le peuple palestinien en deux, avec le Fatah de Mahmoud Abbas qui « gouverne » la Cisjordanie (sous l'oeil pesant d'Israël et de Washington)... et le Hamas à Gaza, terroriste pour les uns, héroïque résistant pour les autres.

Le Hamas, toujours là

Alors, fini, le Hamas? Lors de la réunion de Koweït City, le 19 janvier, le chef saoudien a demandé explicitement, en regardant Mahmoud Abbas dans les yeux, aux Palestiniens de se réconcilier – Fatah et Hamas, tous les deux. Et Abbas lui-même – qui passe pour un affreux « collaborateur » dans les cercles arabes radicaux – de répondre que « oui, nous devons refaire l'unité palestinienne et tenir des élections avec le Hamas ».

Après l'élection législative palestinienne de janvier 2006, démocratiquement remportée par le Hamas, les États-Unis, le Canada et l'Europe avaient ostracisé ce mouvement – désigné comme « terroriste » – et tenté de l'éliminer du jeu, plutôt que d'attirer dans les discussions les éléments les plus modérés de l'organisation (comme on avait pourtant fait, 15 ans plus tôt, avec des éléments de l'OLP de Yasser Arafat).

Trois ans, quelques guerres et des milliers de morts plus tard, retour à la case départ. Israël a, une fois de plus, « gagné » militairement... mais sans résultat politique clair. Plus que jamais, se posent les questions: qui parle pour les Palestiniens? Que faire du Hamas? Faut-il l'intégrer dans les discussions? Et si oui, comment?

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François Brousseau92 articles

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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