La France envisage de promouvoir une loi qui obligerait les réseaux sociaux à retirer les contenus signalés dans les 24 heures, sous peine d’une forte amende, et souhaite promouvoir une telle régulation au niveau européen.
Lors de sa rencontre avec le président français vendredi, le patron de Facebook a suggéré de limiter la «viralité» du contenu plutôt que sa durée de publication, en empêchant par exemple qu’il soit republié ou suggéré à d’autres utilisateurs, a expliqué l’Élysée.
«Mark Zuckerberg demande de distinguer l’impact et la durée, en se concentrant non sur le délai de retrait mais surtout pour s’assurer que personne ne voit ces contenus. Il préférerait que la notion de délai ne figure pas dans le texte en cas de signalement par un utilisateur lambda», a précisé l’Élysée, sans se prononcer sur cette suggestion.
La proposition de loi portée par la députée Laetitia Avia, centrée sur le retrait très rapide des contenus suspects, pourrait-elle être amendée pour tenir compte de ces suggestions?
«Comme tout texte, il peut y avoir des modifications», répond l’Élysée.
Demande de «dispositifs efficaces»
Emmanuel Macron s’attache surtout aux résultats et demande «des dispositifs efficaces, la responsabilité des acteurs (auteurs de contenus et plates-formes) et la capacité de décliner cette proposition au niveau européen», explique encore la présidence.
Autre élément sur la table, le rapport de la mission Loutrel sur «la responsabilisation des réseaux sociaux».
Ce rapport est le fruit d’une mission de plusieurs semaines de fonctionnaires français auxquels Facebook a entrouvert ses portes pour expliquer comment les contenus haineux étaient repérés et retirés.
Il propose la création d’une autorité administrative indépendante dans chaque pays européen, chargée de faire respecter par les réseaux sociaux un principe de «transparence» sur la manière de hiérarchiser et modérer les contenus publiés par les internautes.
Il préconise aussi un traitement différencié selon la taille des plates-formes, avec un contrôle maximal pour les très gros acteurs comme Facebook, mais moindre pour les autres.
Le rapport se garde d’aborder la question des critères de fond qui permettraient de déterminer quels types de contenus sont inacceptables.
Ces questions seraient résolues petit à petit dans chaque pays européen, au fil du dialogue entre l’autorité administrative et des réseaux sociaux concernés, selon Bercy.
Après sa rencontre avec M. Macron, M. Zuckerberg, qui a brièvement rencontré des journalistes au siège de Facebook France, s’est dit «encouragé» et «optimiste quant à la législation» qui pourrait émerger de ce rapport.
«J’ai bon espoir qu’elle puisse devenir un modèle» utilisé «dans l’Union européenne», a déclaré M. Zuckerberg devant des journalistes à Paris.
M. Zuckerberg, qui a d’abord déjeuné avec le secrétaire d’État au numérique Cédric O et des députés spécialistes du numérique, avait déjà rencontré le président français le 23 mai 2018 lors de la première édition de «Tech for Good», une réunion où des patrons mondiaux du numérique avaient planché sur les contributions qu’ils pouvaient apporter aux biens communs, comme l’éducation ou la santé.
À contre-courant de bon nombre de grands patrons de la Silicon Valley, Mark Zuckerberg appelle publiquement de ses voeux l’intervention des pouvoirs publics dans la régulation des grandes plates-formes internet.
Et tant qu’à faire, il préfère que ce soit l’Europe qui donne le ton, plutôt que d’autres pays plus autoritaires, a-t-il expliqué devant les journalistes vendredi.
«En fonction de qui montre le chemin» sur ces régulations, «un modèle plus démocratique» ou «un modèle plus autoritaire», «nous aurons un résultat plus ou moins bon à travers le monde», a-t-il expliqué.
Emmanuel Macron affiche de son côté la volonté «faire de la France le pays qui invente la régulation» de la nouvelle économie, pour «réconcilier la technologie et le bien commun».