Souveraineté : Deuil du rêve? Non, simplement la fin des illusions
16 octobre 2011
Monsieur Pomerleau,
Vous dites souhaiter la fin des illusions pour en arriver enfin à une stratégie gagnante pour faire l'indépendance du Québec. Je ne peux qu'être d'accord.
Il s'agit maintenent de savoir de quelles illusions vous parlez. Moi, j'en vois une, et de taille. Selon ce que vous avancez:
"Ce sont 77 % des Québécois qui affirment que le débat sur l’avenir politique du Québec doit être mis de côté afin de s’attaquer à des problèmes plus immédiats".
Et bien moi je vous dis que 77% des Québécois (ou 60%, ou 40%, qu'importe) se gourent joyeusement et se vautrent dans l'illusion la plus crasse s'ils s'imaginent que la province de Québec, avec les moyens politiques, économiques et financiers limités qu'elle se consent actuellement, poura faire seulement le quart du tiers de la moitié du "grand ménage" que vous souhaitez lui imposer.
Je ne vois pas, d'autre part, comment "une dynamique politique visant la rupture", pour reprendre vos propres termes, résultera de cet exercice. À moins bien sûr que l'explosion de la dette publique en supernova et un "pétage au frette" à la grecque constitue pour vous une dynamique politique.
Dois-je vous rappeler, à vous et au "Club des 77", qu'une des raisons majeures de faire l'indépendance est de récupérer la part des impôts que les contribuables québécois sont tenus actuellement de verser au gouvernement fédéral canadien afin de donner une fois pour toutes à l'état québécois les moyens de ses ambitions. Sans ce nécessaire appoint, votre invitation à faire le grand ménage revient à nous convier à nettoyer les écuries d'Augias avec une jambe dans le plâtre et une main attachée dans le dos. Je ne savais pas que le Parti Québécois était devenu une filiale du Cirque du Soleil... Vous me l'apprenez.
Mais il ya pire: le simple fait de faire croire, ou de se faire croire, que ce processus bancal a des chances de succès suscite l'effet pervers de plomber doublement et pour longtemps tout projet d'indépendance. En effet son échec, en plus de faire perdre un temps précieux à toute la société québécoise en aggravant un problème endémique, va accentuer la perte de confiance et le cynisme du citoyen envers le seul gouvernement d'un état francophone en Amérique du Nord; et son improbable, voire impossible succès permettrait aux fédéralistes de pavoiser en disant que l'indépendance n'est pas nécessaire puisque la preuve est maintenent faite que la Province de Québec jouit déjà de tous les pouvoirs nécessaires pour se tirer d'affaire. Alors si cet exercice inutile et dangereux a pour but d'obtenir comme vous semblez le souhaiter la "dynamique politique qui vise la rupture", on repassera...
Il devrait être pourtant clair que l'accession à l'indépendance devrait constituer la première étape indispensable et incontournable devant mener à tout le reste, de même que le seul point au programme d'une coalition indépendantiste. Penser autrement comme vous le faites en tentant de mettre la charrue devant les boeufs et de justifier la procrastination à outrance constitue la pire des illusions.