Rien n’est encore joué en cet horrible été 2011...
9 septembre 2011
M. Luc Bertrand
Vous brassez fort contre Pauline Marois et le P.Q., finalement contre le P.Q.-Marois. J’ai lu plusieurs de vos textes.
Il est vrai, vous avez peut-être raison, il se peut que la conjoncture politique fasse alors d’un P.Q.-Marois au Pouvoir quelque chose comme un gouvernement fantoche, chouverainiste. C’est possible. Mais puisque vous avez la prétention de prévoir ici ce que pourrait être la manœuvre politique de Pauline Marois dans les mois qui suivraient une victoire du « P.Q.-Marois », c’est donc à votre analyse que je répondrai ici. Ce serait inutile de pronostiquer différemment de vous, nous serions comme dans des silos en parallèle. Je le ferai quand même un peu, pour le plaisir. Il est aisé, en effet, d’organiser une révolution sur Vigile, et même une contre-révolution.
Votre analyse est cohérente. Mais elle induit que le combat des indépendantistes va se poursuivre encore 20 ans. C’est une erreur de perspective.
Advenant la réélection des rouges, je ne doute pas que le Combat se continuerait. Je douterais seulement alors de notre Victoire. Mais qui suis-je, n’est-ce-pas? Mais qui êtes vous donc ? Plus précisément, je douterais de la victoire d’une nouvelle génération d’indépendantistes, teigneux comme il se doit, mais peu nombreux. Je dénonce les indépendantistes de ma génération (première vague des boomers) qui encouragent actuellement la dispersion sous prétexte que les indépendantistes devraient « faire » encore comme dans le temps. J’y vois rien de moins qu’une petite trahison.
Je vous suggère un point de vue différent.
Les indépendantistes, qu’ils soient souverainistes ou même chouverainistes, ne doivent pas consentir jamais à laisser le pouvoir aux feds sous prétexte que ce serait un pouvoir « provincial ». Ce Pouvoir dérisoire vaut mieux que la marginalité qui les attend.
La « confortable » gouvernance souverainiste de Serge Savoie pourrait occuper quelque chose qui s’appelle l’État québécois. Quoi que vous en pensiez, ce n’est pas rien l’État québécois provincial. Et c’est rigoureusement vrai ce que disent bien des feds, eh oui, eh oui, que l’État québécois profite déjà d’une grande décentralisation de la fédération canadienne. Il ne sert strictement à rien aux indépendantistes de se bâtir pour eux seuls un Canada centralisateur, unitaire (cette tendance existe indéniablement), quasiment totalitaire, pour en déduire que le peuple québécois serait Victime. Le peuple québécois n’a jamais acheté cela depuis 40 ans. Au point même d’avoir voté dernièrement avec la plus parfaite insouciance en faveur d’un parti pan canadien.
Ce que votre analyse n’arrive pas à contenir ni assimiler, c’est que peu importe la façon d’arriver au Pouvoir, quelque soit ensuite la stratégie (élection référendaire, décisionnelle, ou référendum, en vue de l’Accession), que le discours péquisto-maroiriste vous apparaisse démissionnaire, simplement incantatoire, le discours que vous portez consiste à placer toujours et encore les indépendantistes, arrivés au Pouvoir par un de ces jours les plus improbables, à se placer toujours dans la même situation que TOUS les anciens gouvernements souverainistes du passé : eh bien, ils ont tous eu, ces gouvernements souverainistes, les feds dans la face et aussi dans le dos; et sans être invité, le gouvernement fédéral s’est invité lui-même chaque fois et constamment, avec des résultats maintenant connus.
Votre analyse renoue avec cette méthode politique qui, si elle était mise encore en action par n’importe lequel parti élu au gouvernement, P.I. et Q.S., et même un P.Q.-Marois abattu et remplacé, produirait toujours et encore les mêmes résultats, qui furent des échecs. Les fédéraux ont tout mis en place et attendent patiemment. Le temps joue pour eux.
Pourquoi la gouvernance souverainiste ? POUR PRENDRE LE POUVOIR. Conquérir l’État québécois, que vous semblez dédaigner. Moi, ce que je réfute, c’est cette immense imposture des indépendantistes, qui consiste à proposer que le peuple québécois soit rééduqué à l’indépendantisme (victimaire, de préférence), qu’il lui faille descendre dans la rue, qu’il se mobilise so-so. Ça, c’est le vœu et l’incantation de la vieille gauche depuis 40 ans, et qui n’est jamais allé plus loin que le vœu. Est-il possible d’en sortir : nous voudrions bien jouer au golf, mais il pleut tout le temps, pourrions-nous jouer à autre chose ? Est-il possible d’en sortir, M. Bertrand, puisqu’à ce jour, cela n’a jamais mené nulle part. Et pendant que l’indépendance pourrait bien être toute proche, les indépendantistes que nous sommes sont présentement occupés dans la brume de nulle part.
Votre perspective, c’est celle qui croit « voir » dans le P.Q. de Mme Marois, le fameux P.Q.-Marois, mais qui « entend » en réalité le bavardage des vieux souverainistes qui se croient intéressants à clamer que seul le gouvernement Parizeau fut véritablement indépendantiste. Faux, M. Bertrand. Du radotage. Historiquement, il n’y a qu’un seul P.Q qui tranche net—bien net-- avec son histoire, c’est celui de Pauline Marois. C’est la première qui ose vouloir sortir du terrain de golf où l’Histoire ne s’est jamais faite, mais sur lequel vous comptez, vous, qu’un autre foursom réussir de jouer sous une pluie battante. Toute l’histoire du P.Q.ET des indépendantistes, relativement à la question nationale, n’est qu’une longue suite de défaites par suite de sa MÉTHODE, celle de Parizeau incluse. Les purs et dures ont mille fois raison : il faut faire « autrement ». Mais ce n’est pas faire « autrement » que de s’en aller droit à l’abattoir sous la pluie, en souhaitant maintenant, ici-maintenant, une élection décisionnelle ou référendaire. Ce serait plutôt l’histoire cauchemardesque qui se continuerait dès le premier trou des 18…
La gouvernance souverainiste n’a peut-être pas le panache que vous souhaiteriez—que je souhaiterais moi-même—mais elle se présente comme une méthode de contournement du Mur construit en grande partie par les médias, (aidés par qui, d’après vous?) que votre analyse serait incapable d’éviter, à supposer que votre analyse suffise et parvienne à conquérir le Pouvoir un de ces jours…
Pour le plaisir maintenant.
Une gouvernance souverainiste pourrait mener plusieurs dossiers en même temps, plutôt que de tout centrer sur la seule Souveraineté, ce que suggère votre analyse, en espérant que tout un peuple se mobiliserait en bloc. Ce n’est pas très important mais, pour ma part, je ne crois plus depuis très longtemps qu’une telle chose puisse arriver un jour. Je ne suis pas moins indépendantiste que vous pour autant.
Essayez donc d’IMAGINER—votre analyse n’y arrive pas, puisqu’elle présuppose une mobilisation pour arriver au Pouvoir-- imaginez la force de déstabilisation* à l’encontre du gouvernement fédéral si, plutôt que le laisser s’inviter lui-même, de toute façon, de face et de dos, si Québec invitait Ottawa( et toutes les provinces avec lui) à L’ENTREPRISE EN COURS ICI PAR LE GOUVERNEMENT QUÉBÉCOIS ET TOUT L’ÉTAT QUÉBÉCOIS LUI-MÊME, si un gouvernement souverainiste—chouverainiste si vous préférez, et tant que vous vous voudrez— si cette invitation politique devait durer un an, deux ans, trois ans, inviter OFFICIELLEMENT et « bargainer » le fédéral, lui mettre de la pression, lui qui n’en a JAMAIS-JAMAIS eu—et qui n’en aurait jamais tant votre analyse le sert bien-- pour le policer auprès de l’opinion publique, l’inviter à venir se mêler du Projet en cours ici-maintenant, de d’État québécois, qui serait de NOS affaires. Est-ce que ce ne serait pas le deuxième ou troisième trou du parcours consistant à « invalider » le fédéral ? Est-ce que la lancinante question nationale ne serait pas replacée subito au cœur du débat politique? Ce qu’elle n’est pas actuellement. Et ce qu’elle n’est pas prêt d’être ni avec les rouges actuels ni avec votre analyse qui consent à rester dans l’opposition « le temps que ça prendra ». Elle est actuellement dans les limbes, la question nationale. Votre analyse risquerait de l’y enfoncer plus encore, et plus rapidement, puisque vous félicitez à l’avance l’effondrement éventuel du P.Q., afin, évidemment, que les « vrais » indépendantistes comme vous aient enfin le champ libre.
Le champ libre ? Quel champ ?
Mais, l’oubliez-vous ? le P.L.Q. du West Island est déjà là…et il pleut tout le temps. Pensez-vous pouvoir arrêter la pluie d’un simple coup de chapeau ?
* Pas seulement au Québec, dans le Canada tout entier !