Les Vrais Mots et le nouveau P.Q.

L'inévitable indépendance souverainiste

Le Québec n'est pas soutenu par un Atlas qui s'appellerait Canada

Tribune libre

Avant une gouvernance souverainiste, ou « chouverainiste », sait-on jamais, il y aura un gouvernement souverainiste. Il y a toujours un gouvernement avant une gouvernance. C’est cela qui est important. L’action des hommes et des femmes du gouvernement est dès lors plus déterminante que la théorie politique elle-même (incluant programme) les ayant emmenés au Pouvoir, parce qu’un mandat politique reçu de l’électorat peut s’interpréter soit dans la résignation, soit dans la détermination.
Cela s’appelle maintenant la gouvernance souverainiste. Je trouve cela habile. Mais ce n’est pas déterminant. Cette dénomination n’est pas plus importante maintenant qu’à une autre époque Robert Bourassa pratiquait, disait-il, un « fédéralisme rentable ». Et plus loin encore, Jean-Luc Pépin, ministre au fédéral, qui expliquait longuement que son gouvernement pratiquait un « fédéralisme coopératif ». Il n’est venu l’idée à personne chez les fédéralistes de nommer leur action politique et leur gouvernance de « fédéralisme de confrontation », de « fédéralisme impérialiste » ou de « fédéralisme ronronnant ».Tout au plus, certains parmi eux ont avancé un fédéralisme « asymétrique »et maintenant un fédéralisme « d’ouverture », Eh bien, nous avons simplement dans le paysage politique québécois un label de plus, qui s’appelle gouvernance souverainiste.
Les ennemis de l’indépendance du Québec trouveront bien eux-mêmes comment qualifier autrement la gouvernance d’un futur gouvernement du Parti Québécois. On peut compter qu’ils sont bien dressés. Je lis déjà chez eux une litanie, la même d’ailleurs que chez certains « progressistes » parmi les plus réactionnaires : ethnique, refermé, clanique, revanchard, fasciste, passéiste, intolérant et quoi encore, tous des mots pour « définir » le P.Q. par avance, et Nous « définir » déjà, avant même que nous esquissions seulement un semblant de geste leur suggérant que nous serions en train de relever la tête. Ma foi, « gouvernance souverainiste », pour un gouvernement du parti québécois, ce n’est pas si mal. C’est même très bien. Et c’est indéniablement plus digne que « fédéralisme rentable », qui Nous rapetissait tellement et qui Nous rapetisserait encore tellement, si Nous avions l’imprudence d’accepter l’invitation de François Legault, sans qu’il n’ait eu la décence qu’il devrait avoir, de qualifier sa propre action politique et sa propre gouvernance.

Un éventuel gouvernement péquiste n’aurait rien à voir (ou si peu) avec les gouvernements Parizeau, Bouchard et Landry, tous issus de la spirale descendante résultante du référendum de 95. Il proviendrait d’une toute nouvelle conjoncture politique, avec en prime exquise l’engagement de ne pas reprendre là ou avait laissé Jacques Parizeau, qui lui-même avait repris là ou René Lévesque avait laissé.
Libéré de l’obligation de tenir un référendum « le plus tôt possible », un gouvernement péquiste aurait les coudées franches pour la première fois dans l’histoire de tous les gouvernements péquistes. La première fois, oui, mais il faudra que cela soit la bonne…
S’il y a seule chose, hélas, que les gouvernements fédéraux du Canada savent faire, c’est bien de battre un référendum québécois, pour déstabiliser, puis affaiblir et discréditer un gouvernement souverainiste, condamné ensuite qu’il est à la plus stricte gouvernance provinciale. C’est cela, remettre solidement le Québec a sa place. Et ça fait longtemps que Nous sommes solidement rivés à notre place.

MAIS JAMAIS UN GOUVERNEMENT PÉQUISTE N’A ESSAYÉ VÉRITABLEMENT DE REMETTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL À SA PLACE. Pourtant, c’est bien de cela dont il devrait s’agir, d’autant que cela est plus accessible que jamais auparavant.
La gouvernance souverainiste, ce n’est évidemment pas l’indépendance, mais ce n’est pas non plus tout à fait la gouvernance provinciale. Pour reprendre la formule d’un éminent vigilien : rien ne serait changé, mais quelque chose serait déjà différent…
Ce qui est radicalement différent déjà, DÉJÀ, maintenant, c’est que le gouvernement Harper attend son heure. Et toute l’institution fédérale (canadian) attend maintenant son heure avec lui, qui a réussi à donner au Canada un gouvernement majoritaire sans le Québec. Thomas Mulcair ne fait déjà plus partie du scénario. Pour longtemps au pouvoir, Stephen Harper est patient. Il est aussi patient et aussi bon stratège qu’a pu l’être P.E.T., qui a attendu son heure pendant 20 ans, et qui est survenue entre 1980 et 1982… Le gouvernement Harper n’est pas le démoniaque gouvernement que la gauche québécoise essaie de faire croire pour son seul profit. Cette analyse-là ne mène nulle part. C’est précisément cette analyse de merde qui a mené le Bloc de Gilles au fameux 2 Mai, comme c’est une autre analyse de merde qui avait mené un gouvernement péquiste à se faire passer sur le dos lors du rapatriement de 82.
Un nouveau gouvernement péquiste pourrait donc profiter de cette brèche immense, historique : pour des raisons électorales, l’actuel gouvernement fédéral n’est plus l’otage du West Island comme au temps de Pierre E. Trudeau…S’il était sérieux et imaginatif, courageux surtout, un gouvernement péquiste pourrait s’engouffrer dans cette brèche et faire un millage d’enfer…

Nous aurions tort de présumer de la mollesse d’un futur gouvernement péquiste. Cela n’est pas une fatalité comme la mollesse congénitale du gouvernement actuel, qui sert ici de très mauvais filtre à notre lecture des événements. Sous hypnose de l’électorat du West Island et devenu en quelque sorte son otage - et dont nous détournons la tête pour ne pas le remarquer- le gouvernement Charest est le plus faiblard et le plus à genoux de tous les gouvernements provinciaux que Nous avons eus depuis les débuts de la Révolution Tranquille.
C’est que… ce n’est pas plaisant à écrire… c’est que pour ne plus entendre parler de référendum et même en chasser le mauvais souvenir, l’électorat québécois du Nous-ben oui mon Gilles, Nous- cet électorat était prêt à tout, et même tolérer longtemps un gouvernement du West Island à Québec, après avoir tolérer longtemps un Bloc plus soviétique que national à Ottawa. Sa patience est maintenant à bout.
Le P.Q. serait bien avisé de récupérer cette impatience et, surtout, prendre grand soin de ne pas la retourner contre lui, avec un de ces discours « référendistes » dont il garde encore la mauvaise recette.
Et puis, pourquoi ne pas reconnaître et admettre que l’électorat est plutôt insensible actuellement aux appels du « pays », au mot « indépendance » aussi bien que « souveraineté ». En fait, paradoxe supplémentaire, l’électorat craint bien moins les mots indépendance et pays, qui unissent, que le mot référendum, qui divise. De fait aussi, l’électorat craint bien moins les mots indépendance et pays que bien des militants souverainistes.
Comment pourrait-il en être autrement, en effet, au décisif plan électoral, si une part importante de l’électorat souverainiste lui-même ne croit pas que l’indépendance adviendra un jour ?
Tout cela tend donc à libérer davantage et définitivement le P.Q. du maudit corset qu’a toujours constitué l’agenda référendaire. Aussi bien alors, ALORS, ben oui, ALORS, ne plus craindre d’utiliser les vrais mots, certes dans un crescendo « électoral » bien compris, bien sûr et bien entendu, ce dernier point a son importance, des mots (pays, indépendance) capables de mobiliser et même galvaniser un électorat, qui pourrait de proche en proche réchauffer et entraîner un autre électorat, QUI DEVRA, TÔT OU TARD, NÉCESSAIREMENT, EN ENTRAÎNER UN AUTRE le moment venu, le bon moment choisi…
Nous ne sommes pas en droit d’exiger ni même d’espérer de Pauline Marois qu’elle utilise le mot indépendance à toutes les deux phrases, mais nous sommes en droit d’espérer qu’elle prononce finement une fois le mot qui indique le Cap, cap à propos duquel plus personne ne croit par ailleurs qu’une fois arrivé en bout de mer, le « navire amiral » péquiste va tomber en bas de la terre. Le Québec n’est pas soutenu par un Atlas qui s’appellerait Canada. Ça, c’est la vieille prétention et la vanité ancienne du West Island. Et le West Island n’a jamais voté avec Nous. C’est plutôt Nous qui avons voté quelques fois avec lui. J’ai beau chercher : que pourrait bien craindre Pauline Marois maintenant d’utiliser une fois le mot indépendance, une fois maintenant, surtout, qu’elle a réussi ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait réussi (sans la béquille référendum), soit assurer un leadership fort dans son parti, sans lequel aucune entreprise n’est jamais-jamais-jamais possible ?
Un référendum (ou une élection), ça se prépare. Ça ne se prépare pas comme une messe mais comme une guerre. Ce n’est pas une promesse en l’air, sans conséquence, pour occuper les spécialistes et faire plaisir aux troupes… un de ces jours. Et même un conseil des ministres peut faire simplement partie des troupes les plus militantes…ce qui implique qu’il peut être élargi en masse, en masse et en « Union »… tiens donc, et dans bien des directions…ce qui implique aussi, ailleurs, un état-major restreint. (Exactement comme les fédéraux, qui n’ont jamais caché qu’ils nous faisaient une guerre, pendant que l’ancien P.Q. hélas, hélas, officiait spectacles chantés et messes référendaires). D’autant qu’à cet égard précis, bientôt une guérilla avant une guerre, le P.Q. a déjà épuisé bon nombre de ses droits à l’erreur, et Nous itou. Et Nous itou…Et le temps presse… Et nos ennemis savent cela itou.…

La véritable « prochaine fois » qu’avait évoquée René Lévesque au soir du référendum, Nous y serons bientôt. Pour cela, il n’en tient maintenant qu’à lui, ce nouveau P.Q., qu’il cesse une bonne fois, mais une bonne, mais toute une, de s’épuiser les genoux sur les fleurs du tapis.
J’en appelle à la détermination.


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5 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    25 avril 2012

    @ O:
    Oui, Charest a bel et bien dit ça, encore une fois, hier aux informations.
    L'énorme problème, est qu'il n'en crée pas vraiment, d'emploi. Ou si peu.

  • Marcel Haché Répondre

    25 avril 2012

    J’ai écrit le texte ci-haut il y a déjà quelques semaines. J’en ai modifié le titre en le faisant parvenir à la tribune. En le relisant, qu’on me permettre d’y ajouter ce qui suit.
    Durant les années 60, puis 70, il était inconcevable que les fédéralistes coalisés par Trudeau puissent être aux premières loges du rapatriement de la constitution. L’Histoire et le Référendum québécois ne semblaient pas aller dans ce sens. Et pourtant…
    Soyons honnêtes et restons froids : le Rapatriement, ce qui était et reste fondamentalement pour Nous l’ajout d’une formule d’amendement constitutionnel (depuis Fulton-Favreau jusqu’au refus de Robert Bourassa à Victoria), c’était en quelque sorte le step normal à faire, la mission fondamentale même de tous les gouvernements fédéraux au service de l’institution fédérale.
    Il fallait que ce soit Trudeau qui fasse le « move », car il était le seul à Ottawa à pouvoir fournir la caution Québec, même au prix de Nous avoir menti.
    Maintenant que la constitution canadienne est rapatriée, quel est donc le step normal à faire par le gouvernement fédéral, TOUS LES GOUVERNEMENTS FÉDÉRAUX, DE QUELQUE PARTI QUE CE SOIT, si ce n’est celui de réussir—selon la formule ça prendra le temps que ça prendra-- à réunir les conditions politiques favorables à ce que le Québec rejoigne la « famille canadienne » ?
    Nous croyons à tort la chose impossible. Et parce que nous pensons que la chose est impossible, nos analyses et nos boussoles s’en trouvent approximatives.
    Un gouvernement majoritaire à Ottawa peut maintenant attendre cette Heure et manœuvrer à loisir, comme il l’a fait avec le Bloc, puis maintenant avec le N.P.D. N’attendons pas avec lui, avec eux maintenant… depuis le 2 Mai. Nous n’avons rien à y gagner. C’est quand le P.Q. fut au pouvoir que les fédéralistes et les fédéraux se sont le plus activés.

    Wake up P.Q. ! Du nerf !

  • Roger Kemp Répondre

    24 avril 2012

    Quel beau texte finement tissé. La sagesse vous habite cher ami. Je me ferai un plaisir de faire circuler le lien menant à votre texte à mes groupes de discussion.
    J'ose espérer, comme vous, que tous les souverainistes, tous les indépendantistes s'unissent enfin pour la cause et cela commence par l'élection d'un gouvernement souverainiste fort et majoritaire. Notre objectif premier étant de chasser du pouvoir ce parti du West Island comme vous le dites si bien. Ce premier pas franchi, nous pourrons alors commencer notre ascension vers notre liberté.
    Roger Kemp, Trois-Rivières

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2012

    Justement dans ce sens, Pauline serait bien avisée de retourner contre Charest ses seules munitions qu'il commence déjà à gaspiller: "Le pécu ne cherche qu'une chose, faire l'indépendance, et le plus vite possible, pendant que nous parlons d'emplois..."
    Elle aurait beau jeu de confirmer: "Tout à fait, l'indépendance au plus tôt, parce que nous n'avons plus les moyens de marcher aux côtés de ce faux ami Kenada qui a toujours les mains dans nos ressources naturelles"
    On doit répondre à l'argument qui finit par perdre les hésitants: "Le Québec a-t-il les moyens de l'indépendance?"

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2012

    Indépendance souverainiste est un oxymore ou un oxymoron au choix. Lequel préférez-vous?
    Voir ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Oxymore
    Pierre Cloutier