Contes et légendes
13 septembre 2009
En soi, le Moulin à paroles ne constitue pas le problème : éveiller ou réveiller la mémoire participe d’une certaine pédagogie. Par ailleurs, oui, si nos mouvements collectifs s’en tiennent à cela, nous piétinons, et, dans la situation actuelle, piétiner c’est reculer, car ceux d’en face, eux, avancent. Notre angélisme, que vous avez cent fois raison de souligner, témoigne en fait de la justification d’un constat, erroné mais majoritaire, de faiblesse, que nous compensons par nos supposées vertus de tolérance, de pacifisme, de magnanimité, alors qu’il s’agit le plus souvent de pusillanimité. Lorsque la charge est trop voyante, pas assez cousue de fil blanc, ce qui se produit rarement, nous réagissons par l’exaspération et une colère vive mais courte. Le lendemain, nous retrouvons notre idiosyncrasie : des enfants pris en faute. Ces derniers mois, ces dernières années, même les tactiques les plus primaires de ceux d’en face n’ont pas suscité de fortes réactions collectives, encore moins d'actions. La conscience nationalitaire, chez nous, voyage entre le rêve de notre désir et la conviction, fausse, que nous sommes encore et toujours faibles, démunis, minoritaires, parce que nous avons intériorisé la vision qu’on nous serine de nous penser une goutte d’eau dans l’océan nord-américain, incapables de nous voir sur notre terrain concret que nous avons la capacité de maîtriser : notre territoire, ce que nous faisons d’ailleurs depuis longtemps mais sans en demeurer conscients à long terme. Nous pratiquons une stratégie d’évitement, de contournement qui aboutit à tourner en rond. Même nos organisations politiques adoptent ce patron, jouant le jeu que ceux d’en face espèrent nous voir jouer. Et lorsque certains des nôtres, abandonnant la défroque de Saint Jean Baptiste pour la peau du loup, montrent les crocs, fût-ce en paroles seulement, nous nous empressons de les traiter d’extrémistes et les faisons taire avant même que ceux d’en face aient le temps d’en être éberlués. Si je me trompe, qu’on m’explique pourquoi nous insistons constamment sur notre pacifisme sans, de toute évidence, avoir fait la différence entre le pacifisme et le fait normal d’être simplement pacifiques, ce qui n’exclut nullement le dynamisme, la détermination et, en cas de nécessité, la défense active, laquelle suppose l’attaque au bon moment en tenant compte des moyens qu’on nous oppose et des faiblesses de l’adversaire. Il ne s'agit pas de nous en sentir coupables mais de découvrir que nous sommes capables d'en sortir.