Dans les dernières semaines, deux ou trois textes publiés dans la tribune libre, sans être antisémites, contenaient quelques phrases ou expressions maladroites dont la facture, à première vue, pouvait permettre de soupçonner qu’ils l ‘étaient, surtout pour des yeux non familiers du ton polémique de leurs auteurs.
Quelques lecteurs avaient alors communiqué avec le webmestre de Vigile, non pour lui demander de retirer leurs auteurs de la circulation du site mais plutôt pour s’inquiéter du retentissement probable, au détriment de Vigile surtout, des outrances proférées, chez des esprits sensibles ou des personnes n’attendant qu’une occasion propice de casser du sucre sur le dos d’un site indépendantiste, ce qui s’est produit par la suite.
Les premières réactions publiques du propriétaire du site et des auteurs visés pour limiter les dégâts ou corriger la situation semblaient plutôt timides ou même proches du déni, ce qui, pourquoi ne pas le dire, risquait de ne rien régler. Des assurances plus claires, plus fermes et plus rapidement eussent du moins réduit la tension et, en partie, calmé le jeu.
Je précise : en partie seulement, car la suite a prouvé que ceux qui se scandalisaient le plus ne tenaient pas, loin s’en faut, à faire la part des choses. Des habitués de Vigile, y compris quelques têtes politiques que nous avions connu avec un meilleur jugement et qui savaient pertinemment qu’en quinze ans Vigile n’avait jamais fleuré ni le racisme ni l’antisémitisme, dénoncèrent le site publiquement, s’en désolidarisèrent ou exigèrent qu’on retire leurs textes des archives. Il faut croire que la rectitude politique, comme la grippe, frappe sans discrimination.
Des membres d’organismes représentant tout ou partie de la communauté juive enfoncèrent le clou d’une manière telle qu’un citoyen non prévenu eût pu croire Vigile un simple copier-coller de Mein Kampf. À les lire, une évidence finissait par se dégager de leurs chemises déchirées : ils assimilaient l’antisionisme et toute critique de l’État d’Israël à de l’antisémitisme.
On retrouvait également chez quelques non-juifs cet amalgame, mensonge devenu pour ces derniers une vérité, tellement l’État israélien et ses défenseurs inconditionnels l’ont utilisé depuis plus de soixante ans comme arme de dissuasion massive, enfouissant sous leur stratégie de culpabilisation tous les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés par les initiateurs de cet État, même avant sa naissance officielle et relayés depuis par ses divers gouvernements. Là-dessus, l’information existe mais pas pour tout le monde, on dirait.
Il va sans dire que ce coup de bélier contre Vigile n’est pas pour déplaire au pouvoir d’Ottawa ni à certains fédéralistes québécois qui n’ont pas encore compris que le Canada n’était plus depuis longtemps, si jamais il l’a été, une fédération mais un État unitaire où le Québec, à toutes fins utiles, n’a plus d’autre choix que d’être une région administrative indistincte ou de répudier le pouvoir illégitime canadien chez lui et de voler de ses propres ailes.
On peut se demander, tout compte fait, si cette affaire n’est pas d’abord, par procuration, une manipulation consciente, où l’antisémitisme appréhendé sert de cache-sexe à la destruction politique d’un adversaire qui gratte le poil canadianisateur depuis quinze ans, et dont les citoyens juifs font en partie les frais, alors que la plupart n’y sont pour rien. Somme toute, on retrouverait là la bonne vieille tactique pratiquée surtout par les puissances anglo-saxonnes depuis la naissance de l’Empire britannique : diviser pour régner.