À la vie, à la mort

Euthanasie




La délicate question de l'euthanasie revient périodiquement hanter la société québécoise qui semble, chaque fois, s'en étonner.
Cette semaine, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) a dévoilé les résultats d'un sondage interne indiquant que 84 % des membres consultés se disaient prêts à tenir un débat sur cette pratique toujours illégale au pays. Précisons toutefois que seulement le quart des membres de la Fédération a répondu à l'enquête. Des médecins spécialistes ont d'ailleurs dénoncé la formulation des questions et affirmé que le président de la Fédération, le Dr Gaétan Barrette, n'avait pas l'autorité morale pour déclarer que les résultats étaient le reflet de l'opinion de ses pairs.
Toutefois, les discussions ne s'arrêteront pas là, puisque la Fédération des médecins omnipraticiens sonde actuellement ses membres et que le Collège des médecins du Québec doit rendre publique sa position sur cette question d'ici quelques semaines après trois ans de réflexions. Là encore, l'unanimité risque de ne pas être au rendez-vous.
Ensuite, il faut également s'intéresser au point de vue politique. Au début du mois à la Chambre des communes, la députée bloquiste Francine Lalonde est revenue à la charge, pour une troisième fois, avec le projet de loi privé C-384, qui légaliserait, sous certaines conditions, l'euthanasie et le suicide assisté.
Mais, déjà, certains ont dénoncé une éventuelle modification à la loi. Selon des gestionnaires et des médecins en soins palliatifs, des changements, si petits soient-ils, risqueraient de provoquer une diminution de l'offre de ces soins qui aident à soulager la douleur en plus de miner la relation de confiance qui s'est établie entre le médecin et le patient. Les personnes âgées, celles aux prises avec des maladies chroniques ou sévèrement handicapées, pourraient se percevoir comme un fardeau encombrant. Les opposants craignent que le seul fait d'entrouvrir la porte ne permette plus au gouvernement de la refermer.
Toutefois, l'euthanasie est une réalité et elle se pratique déjà, n'en déplaise à ceux qui voudraient faire la sourde oreille. Refuser tout débat n'est pas non plus une perspective envisageable. Notre société doit réfléchir à la question et se demander ce qu'elle peut proposer pour tenter d'aider les gens à mourir dignement. Et les politiciens ne peuvent pas continuer à faire l'autruche et à esquiver toute discussion par peur de déplaire. Le mariage gai a soulevé les passions au Parlement, alors la question de l'euthanasie risque d'ébranler davantage cette institution.
Enfin, tout changement nécessiterait des modifications au Code criminel. Un médecin qui aiderait un patient à mourir ne commettrait plus un homicide s'il a obtenu un consentement lucide de sa part.
Mais le véritable débat ne pourra s'amorcer que lorsque tous seront en mesure de clarifier de quoi il en retourne, car, pour le moment, euthanasie, suicide assisté et meurtre par compassion sont souvent confondus, parce qu'ils renvoient à la mort dans le contexte de la souffrance.
En théorie, nous pouvons tous prendre position en faveur ou contre l'euthanasie et des soins à apporter en fin de vie. Mais qui sait ce que l'avenir nous réserve ? Comment réagirions-nous si la maladie prenait le dessus sur l'un de nos proches ou sur nous-mêmes ? Qu'en serait-il dans les faits, une fois acculés au pied du mur, entre la souffrance et le droit de mourir dans la dignité ? Qui pourra, qui devra décider ?
Les questions religieuses, les valeurs morales, l'éthique, la médecine et le droit forment un tout des plus complexes.
Certains citent les exemples de la Hollande, de la Belgique, de la Suisse et de l'État de l'Oregon pour démontrer qu'il est possible de faire avancer le débat collectif. Ici, ce sont plutôt les tristes histoires de la famille de Robert Latimer et celle de Sue Rodriguez qui ont retenu l'attention des médias, mais qui n'ont pas fait progresser le débat de façon significative depuis plus de 15 ans. Il faut donc espérer qu'un dialogue éclairé puisse un jour émerger. Puisque le recours à l'euthanasie dans un contexte médical existe déjà, il faut espérer que des balises précises permettront de mieux encadrer cette pratique et d'éviter les dérapages. Mais il ne faut pas espérer en arriver à un consensus.


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