(Québec) La Coalition avenir Québec (CAQ) refuse de laisser au seul gouvernement du Parti québécois le monopole des questions identitaires.
Le Soleil a appris que le parti de François Legault annoncera sous peu qu'il préconise l'interdiction du port de signes religieux ostensibles chez les juges, les procureurs de la Couronne, les policiers et les gardiens de prison, comme le recommandait la commission Bouchard-Taylor en 2008. Il n'avait jamais été jusque-là.
Les 125 élus de l'Assemblée nationale pourraient continuer de porter des signes religieux, mais la CAQ établirait des règles à cet effet, selon nos informations.
Même s'il est jugé très délicat par plusieurs, le débat sur les «valeurs québécoises» et les pratiques d'accommodements religieux nourrira l'actualité politique du Québec d'ici les prochaines élections générales - que certains prédisent pour le printemps prochain.
Le gouvernement de Pauline Marois présentera durant la première moitié de septembre son projet de Charte des valeurs québécoises (et non plus de Charte de la laïcité), ainsi que ses propositions visant à encadrer les accommodements religieux. Un projet de loi suivra plus tard cet automne.
Au Parti québécois, plusieurs voient dans ce grand thème une carte politique maîtresse. Dans l'opposition, on persifle que ce serait sa dernière carte à jouer.
La CAQ veut prendre le gouvernement de court. Elle dévoilera publiquement ses intentions avant lui, lors d'une conférence de presse qui devrait se tenir d'ici 10 jours.
Surtout, elle veut que ses propositions apparaissent «raisonnables» au plus grand nombre de Québécois, d'où le projet de coller au plus près des recommandations phares de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles (Bouchard-Taylor).
Limiter l'interdiction du port de signes religieux à quelques figures d'autorité s'inscrit dans cette volonté, en plus d'épouser les propres valeurs de François Legault.
M. Legault est beaucoup moins va-t-en-guerre sur ces sujets que l'était Mario Dumont lorsque ce dernier dirigeait l'Action démocratique du Québec, qui a fusionné avec la Coalition il y a 18 mois.
La Coalition avenir Québec considère comme «excessive» l'idée avec laquelle flirte le Parti québécois d'interdire le port de signes religieux dans l'ensemble des institutions publiques et parapubliques. En entrevue au Soleil, au printemps, François Legault s'était d'ailleurs avancé sur le «positionnement» qu'il entrevoyait pour son parti, sans manquer de tacler ses adversaires. Il disait vouloir se situer «entre le multiculturalisme de Philippe Couillard et l'extrémisme du Parti québécois». Il disait prôner une solution «raisonnable».
Des consensus
Des consensus politiques existent sur ces questions. Comme les trois autres partis représentés au Parlement québécois, la CAQ fera valoir que toute demande d'accommodement susceptible de porter atteinte à l'égalité entre les hommes et les femmes devra toujours être rejetée.
Tous les partis réaffirmeront le fait qu'un homme ou une femme ne pourra exiger de se faire servir par une personne du même sexe pour obtenir un service public, qu'il soit dispensé par un hôpital ou fourni par la Société de l'assurance automobile du Québec, par exemple.
Mais les péquistes et les caquistes ne se contenteront pas d'un énoncé de principe à cet égard. Ils établiront des règles.
Au nom de la préservation du «patrimoine historique», le parti de François Legault se déclarera favorable au maintien du crucifix accroché derrière le fauteuil du président de l'Assemblée nationale. Ce sera aussi la position des péquistes, ainsi que des libéraux.
Québec solidaire fera cavalier seul sur cet élément. Le parti d'Amir Khadir et de Françoise David préférerait que ce crucifix soit déplacé.
Pas de «passe-droit»
Les propositions que présentera le ministre responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, ont l'ambition de mettre fin à tout «passe-droit ou traitement préférentiel en raison de la religion».
Son projet devrait non seulement proscrire le port de signes religieux pour les fonctions identifiées par la commission Bouchard-Taylor, mais aussi pour tous les fonctionnaires québécois, selon des informations crédibles qui circulaient encore la semaine dernière.
«Les agents de la fonction publique et parapublique devront s'abstenir de porter, dans l'exercice de leurs fonctions officielles, tout signe religieux ostensible», avait d'ailleurs déclaré la chef péquiste, Pauline Marois, durant la dernière campagne électorale.
Méfiance libérale
Pour l'instant, le Parti libéral du Québec de Philippe Couillard ne prévoit pas être en mode «proposition» sur ce front. Il attendra de voir le détail des propositions gouvernementales avant de se commettre.
À moins d'un revirement, il n'appuiera pas une Charte des valeurs québécoises ou un cadre interdisant le port de signes religieux dans l'appareil public, même circonscrit à des fonctions spécifiques.
Au printemps 2010, le gouvernement de Jean Charest avait rédigé un projet de loi stipulant que les relations entre l'État et les usagers des services publics devaient se dérouler à «visage découvert»; tant pour la personne livrant les services que pour celle les recevant. Il n'a jamais été adopté.
Les libéraux estiment que ni la croix catholique, ni la kippa juive ou le hidjab n'ont à être soustraits à la vue des usagers des services publics. Seuls des voiles couvrant l'ensemble du corps, y compris le visage, comme le niqab ou la burqa, devraient l'être, selon eux.
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Les positions que défendront les partis
- Parti Québécois: Pour une interdiction large du port de signes religieux dans la fonction publique.
- Coalition avenir Québec: Pour une interdiction limitée du port de signes religieux à certaines fonctions d'autorité. Position semblable chez QS.
- Parti libéral du Québec: Pour les libéraux, le port de signes religieux n'empêche en rien un agent de l'État d'exercer ses fonctions avec impartialité. Ils sont réfractaires aux interdits à venir.
Tous les partis se déclareront opposés au bannissement de la burqa ou du niqab des lieux publics, comme c'est le cas en France.
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