La Belgique fédérale (moins la Wallonie comme Région autonome qui disposera bientôt de 60 à 70 % des compétences étatiques ex-belges : c'est l'une des remarques optimistes que je voudrais faire quand même), compte une série de personnalités devenues de fait des ministres à vie, telle Laurette Onkelinx.
Une interview
Précisément, en ouvrant ce matin le journal La Libre Belgique, je lis et relis une interview d'elle comme Vice-Première ministre de l'actuel gouvernement Di Rupo (chez nous un ou une Vice-Premi(è)er(e) ministre, ne dirige pas un cabinet mais est un ministre important). Cela en vue de ma chronique.
La particularité de Laurette Onkelinx, c'est que, dans sa pourtant courte vie, elle a été d'abord une femme politique wallonne de Liège de 1987 (à 29 ans, elle est élue députée fédérale de Liège) à 2003. Puis elle s'est fait élire à Bruxelles et est devenue une femme politique bruxelloise. Elle est ainsi passée d'une grande ville de cette Wallonie bien moins meurtrie par par la domination flamande que par la centralisation belge - à Bruxelles justement! Tout un symbole!
Son père, Gaston Onkelinx est un Flamand du Limbourg, venu travailler dans la sidérurgie à Seraing et qui deviendra bourgmestre de sa commune et député, ascension sociale typique de chez nous et sympa. Le père admire sa fille mais il n'a pas apprécié qu'elle parte en 2003 se faire élire à Bruxelles et il l'a fait pleurer devant les militants de la section socialiste de Seraing.
Il fallait que je témoigne de la réaction de quelqu'un de favorable à Laurette Onkelinx. Il y a de fait quelque chose d'un peu dérangeant de voir les hommes politiques aller d'une assemblée à l'autre, d'un gouvernement à l'autre comme si les espaces publics qui y correspondent étaient des espaces publics séparés de manière artificielle et présentant seulement l'opportunité aux membres de la classe politique de faire leurs courses aux mandats, le sort de ces espaces devant leur être logiquement indifférents (il y a tout de même de fameuses différences entre la Wallonie et Bruxelles par exemple [La preuve m'en est fournie dans l'interview où Laurette Onkelinx reprend le refrain d'une capitale diffusant sa richesse sur le pays. Mensonge qui se répète depuis des années : dans l'une de mes premières chroniques du samedi, je dénonçais cette façon [de présenter les choses en novembre 2002 : la chronique 162 du 23 novembre 2002.]]. Dans le cas de Laurette Onkelinx, c'est évident : on l'a vue traverser ainsi (comme députée ou comme ministre et en 21 ans), au moins trois espaces politiques différents : la Wallonie, la Communauté française Wallonie-Bruxelles, la Belgique fédérale. Auquel s'ajoute une carrière (mais contrecarrée), dans une des communes de Bruxelles qu'elle avait choisie dans ses emplettes de consommatrice de postes politiques en la grande foire wallo-belge de la présidentocratie.
Les voyages politiques de Laurette Onkelinx
Au point de vue parlementaire, Laurette Onkelinx s'est fait élire députée fédérale à Liège de 1987 à 1995 puis sénatrice de 1995 à 1999 (le Sénat belge va être supprimé et deviendra une Chambre des Régions). Lors de la première élection du Parlement wallon au suffrage universel en 1999, elle s'y est fait élire mais n'y est demeurée que quelques semaines, le temps de devenir Vice-Première ministre de l'Emploi dans le gouvernement, pas wallon (allons, ce serait trop simple!), mais fédéral belge. Notons qu'elle y avait été déjà ministre de la santé de 1992 à 1993 pour passer ensuite au gouvernement de la Communauté dont elle a présidé le gouvernement pendant six ans. Je me souviens des milliers de manifestants en colère le 1er mai à Liège empêchant les huiles socialos de la Ville de prendre la parole comme ils en ont l'habitude devant les de plus en plus rares habitués/ obligés du PS. Pour moi, c'est le plus beau 1er mai de notre histoire. La ministre était confrontée à une grève des enseignants qui dura plusieurs mois, certes terminée par un compromis, mais qui laissa le personnel enseignant meurtri et humilié. Personne ne fait grève pendant des mois sans raisons. Autrefois, un ministre, à ce point désavoué, ne serait pas demeuré ministre.
On se disait alors que cela allait mettre en question la carrière politique de la ministre. Pas du tout. Elle demeura au poste d'où elle avait humilié des dizaines de milliers d'enseignants, trois ans encore. Ensuite, elle fut promue au gouvernement fédéral où elle occupe depuis lors un poste-clé, comme je viens de le dire, ceci depuis 14 ans et sans doute que cela pourrait encore durer une dizaine d'années.
L'anomalie de votre carrière chère Laurette Onkelinx
Soulignons ici l'anomalie de ces positionnements, Madame Onkelinx : vous vous faites élire dans une assemblée x (Wallonie) qui contrôle un gouvernement x (wallon) , mais vous passez ensuite à un autre gouvernement y (belge) et vous avez été présente aussi pendant six ans à la tête d'un autre gouvernement encore, le gouvernement z (Communauté française Wallonie-Bruxelles).
Non contente de la déjà si riche diversité de vos positionnements dans des assemblées souveraines et des gouvernements souverains (fédéral ou fédérés), vous, chère Laurette Onkelinx, trouvez opportun de devenir en outre la bourgmestre d'une des communes de Bruxelles (bien que Bruxelles soit une seule agglomération, il y a 19 communes où vous pouvez siéger, le choix est là) : vous choisissez une belle grosse commune de 130.000 habitants, Schaerbeek ou vous ratez (tout arrive, mais c'est symptomatique car les espaces publics municipaux demeurent plus vivants), le poste de bourgmestre tant en 2006 qu'en 2012.
Quel sera le prochain voyage de Laurette Onkelinx? A 55 ans, avec 21 ans de carrière ministérielle derrière elle, elle a, d'une certaine façon, toute la vie devant soi. Il n'y a pas à mettre en doute sa compétence, mais la question se pose de savoir comment on peut demeurer ainsi quasiment toute sa vie au pouvoir et cela dans une démocratie où, en principe, les citoyens font des choix qui, d'une élection à l'autre, peuvent se contredire. Les situations changent, les gouvernements aussi. Ce ne sont d'ailleurs même pas toujours les gouvernements des mêmes entités politiques. Qu'importe pour les ministres à vie! C'est dans cette phase transitoire entre la Belgique unitaire et une Wallonie vraiment libre - appelée fédéralisme - qu'ils auront sans doute le mieux monopolisé le Pouvoir. Ces gens-là veulent conserver un Etat fédéral significatif, comme Joëlle Milquet. On comprend! C'est l'enchevêtrement des pouvoirs fédérés et fédéraux dans une Belgique à deux types d'entités fédérées qui leur permet ces belles carrières impossibles dans d'autres cadres (unitaire ou d'une Belgique réduite à une confédération vraie à quatre). Personne ne le prévoyait. Quelle surprise heureuse! Cela va-t-il durer? Oui, car après il y aura l'Europe! l'Europe! l'Europe! Et plus de politique (voir plus bas)! Mais toujours des mandats!
D'ailleurs l'Europe, en fait, est déjà là! Notamment avec un Parlement dont personne ne sait plus ce qu'il fait, que plus personne ne va élire et où personne ne sait qui y siège.
Au sondage sur sa popularité en décembre 2001 (Libre Belgique), Laurette Onkelinx se classait dans les dix premières personnalités politiques les plus populaires. Elle garde le cap à celui du Soir en mars 2013.
Je suis sincère en disant ce que je vais dire : démoralisé par cela, je me lâche un jour en famille, pas contre telle ou tele personnalité, mais contre ce système qui tue la politique et qui tue la démocratie. La jeune et intelligente compagne africaine de mon fils me réplique «c'est la même chose en Afrique». Il faudrait peut-être que je lui dise qu'il y a tout de même (encore!), chez nous quelques différences, mais à quoi bon nuancer? Une chose cependant : tout le monde est d'accord pour admettre que ces sondages mesurent la fréquence des apparitions des personnalités dans les grands médias en l'exercice de leurs fonctions. Sauf en cas de grosse erreur de com ou de comportements délictueux, les sondés ne risquent rien, pas plus que les braves gens qu'ils sont (et qu'ils ne devraient pas se contenter d'être, évidemment, c'est cela qui crispe : un homme ou une femme politique, cela prend des risques, cela gueule - enfin, je le pensais).
Le système est si enraciné qu'il est devenu quasiment impossible à la presse de le dénoncer. Car elle risquerait d'importuner ses lecteurs par les critiques à adresser à un système insensé mais qui, durant si longtemps, supposerait que vous vous répétiez, ce qui endort le lecteur. Evidemment, les politiques se répètent aussi, mais comme le disait Nietzsche, «Rien ne vaut rien, il ne se passe rien et cependant tout arrive mais cela est indifférent». Car s'ils sont jugés populaires, qui les écoute vraiment? Même pas eux-mêmes, sachant qu'ils doivent surtout figurer et blablater.
Deux heures sous la pluie devant un Parlement
A l'appel de la FGTB wallonne, avec 150 personnes, je suis resté mercredi deux heures sous la pluie devant le Parlement wallon pour protester contre le fait que celui-ci, selon toute attente, va voter le traité sur l'austérité imposé par l'Europe qui permettra à celle-ci d'imposer à l'Assemblée de Namur la politique budgétaire que l'Union Européenne dictera à l'avenir. L'Assemblée de Namur va sans doute ratifier un traité qui viole la constitution fédérale et la constitution wallonne non écrite, certes, mais qui n'en a pas moins son poids, ne serait-ce que par référence à l'idéal des Parlements depuis des siècles. Il pleuvait à seaux à Namur. Les manifestants pour la démocratie et la Wallonie étaient gelés en ce mois de mai inclément. Le Parlement wallon semble le seul parlement important de la Fédération belge à hésiter à se faire hara-kiri. Mais pourquoi ne passerait-il pas à la casserole comme les autres? Il est lié au système que je viens de critiquer à travers Laurette Onkelinx, système où il est déjà complètement à genoux devant l'Oligarchie des appareils de partis qui vont jusqu'à désigner ses membres, de fait (certes, on vote toujours, mais avec le système de listes, les jeux sont presque faits d'avance).
Il n'est pas simple d'écrire ce que je vais écrire, car on sent déjà le caractère mortifère (c'est l'expression de la FGTB wallonne), de l'adoption du traité sur l'austérité qui va supprimer ses prérogatives à ceci : il les a déjà abandonnées depuis longtemps dans les faits et qu'il les perde encore plus formellement ne pourra que rendre davantage confortables des carrières politiques comme celle de Laurette Onkelinx.
Qu'a-t-elle dit dans l'interview que j'ai lue et relue ce matin? Je comptais en parler. Mais tous comptes faits, à quoi bon? Attention, cependant! L'Europe risque un jour de payer cela très cher et la misère de la Grèce risque de s'étendre à toute la zone euro sauf l'Allemagne, l'Europe non euro, comme le Royaume uni et les pays qui lui sont proches s'étant dégagée de l'Europe euro, après l'avoir au fond détruite, comme le présidait le général de Gaulle quand il lui en barra l'entrée en 1962 et 1963. De Gaulle n'est pas resté 11 ans au pouvoir (juin 1958-avril 1969), ayant à faire face à une sédition armée en janvier 1960 (les barricades d'Alger), à un coup d'Etat militaire de quatre généraux français (avril 1961, de nouveau à Alger), des attentats contre sa vie avant et après 1962, année d'un référendum difficilement gagné contre la majeure part de la classe politique. Réélu difficilement aussi en 1965, il subit la malédiction des USA et de tout le monde occidental pour sa politique de retrait de l'OTAN (1966) puis contre le dollar, pour son discours de Montréal en juillet 1967 (Vive Québec libre!). Une immense contestation étudiante et ouvrière de gauche en mai 1968 contribue à l'abattre dans la mesure où il perd, en avril 1969, le référendum conçu pour répondre à la contestation du printemps précédent, la droite tirant alors les marrons du feu.
Le 15 mai 1962 [ Conférence de presse au [Palais de l'Elysée du Président de la République (si la video marche)]], lors d'une conférence de presse, de Gaulle estimait que dans une Europe intégrée, il n'y aurait pas de politique. Je vais la relire ou la revoir sur you tube : ce sont les seules actualités qui en sont vraiment, dans cette triste, triste, triste Europe de malheur!
Où il n'y a pas de politique.
Adieu Europe! Adieu Wallonie! Adieu démocratie!
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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