La loi budgétaire adoptée vendredi par le Congrès américain prévoit de mettre fin à l’interdiction d’exporter de l’or noir. Une première depuis le choc pétrolier ayant secoué le monde de 1973 à 1975.
«Aucun responsable du gouvernement fédéral ne pourra imposer ou faire respecter des restrictions à l'exportation de pétrole brut». Les Etats-Unis, premier producteur d’or noir, viennent de prendre une décision de taille. La nouvelle loi budgétaire, approuvée par le Congrès, marque un tournant dans la politique américaine de vente de pétrole. Si elle devrait bénéficier aux grand groupes, l’événement n’aura pas d’impact significatif sur le marché mondial.
Réclamé par plusieurs élus
L'embargo remontait au choc pétrolier de 1973-1975, lorsque les Etats-Unis, dont la production de pétrole était en déclin, voulaient se protéger d'une possible rupture des approvisionnements. Ils avaient décidé de constituer une réserve stratégique de brut et d'interdire l'exportation de la production nationale.
Nombre d’élus, en particulier républicains, avaient appelé à mettre un terme à cette prise de position. Sans rencontrer une certaine résistance. Les grands groupes pétroliers ont fait beaucoup de lobying pour arriver à leurs fins. Et ont profité de l’aide de certains élus démocrates comme la sénatrice du Dakota du Nord, Heidi Heitkamp : «En ouvrant le brut américain au reste du monde, nous fournirions à nos alliés un partenaire commercial plus stable, et réduirions le pouvoir de pays comme la Russie, le Venezuela et des régions volatiles du Moyen-Orient qui utilisent leur domination sur le marché de l'énergie pour influencer notre pays et nos alliés.»
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. En plus d’une manne financière non négligeable, ce choix est stratégique. Les Etats-Unis font de nouveau leur entrée à la table de jeu. Et ses adversaires se nomment Arabie saoudite et autres pays du Golfe mais surtout Russie et Venezuela.
Des stocks surabondants
Cette décision aurait été motivée par l’augmentation significative de la production ces dernières années. Alimentée par la facturation hydraulique (pétrole et gaz de schiste), elle a explosé au point de refaire des Etats-Unis le premier producteur de pétrole au monde. La mesure soulagerait donc des stocks surabondants et assurerait un débouché à la production américaine tout en faisant baisser les prix à la pompes.
A 281,68 millions de barils par mois (en septembre 2015, selon les chiffres du ministère américain de l'Energie), la production se rapproche de son record d'octobre 1970 (310,40 millions de baril) et elle a presque doublé depuis octobre 2008 (146,93 millions de barils).
Pour les écologistes, il s'agit d'un nouvel encouragement à pomper du pétrole, au mépris des engagements pris au début du mois à la conférence sur le climat de Paris (COP21). «Des sources d'énergie sales et dangereuses doivent rester dans le sol», ont fait valoir les Amis de la Terre.
Cette organisation a évoqué également les risques posés par l'acheminement du brut vers de nouvelles destinations, qui «va augmenter la fréquence des explosions de train et des fuites de pétrole dans le pays et les eaux internationales».
La technique de la facturation hydraulique est très décriée pour les dégâts qu’elle cause à l’environnement. Récemment, une équipe de chercheur de Pennsylvanie a établi un lien entre la méthode et une recrudescence des problèmes de grossesses dans la région. Sans parler de la pollution des nappes phréatiques que de nombreux scientifiques dénoncent.
Un embargo pas si restrictif
Si l’autorisation d’exporter du pétrole américain aura un impact certain, celui-ci doit être relativisé. Et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, durant ses nombreuses années l’embargo n’a pas été si restrictif. Les exportations étaient permises à destination du Canada pour une utilisation sur place ou lorsqu’elles provenaient de Californie ou du nord de l’Alaska. Une entorse au règlement qui montait à 491 000 barils par jour le chiffre des envois de brut dans le monde.
Deuxièmement, il ne devrait pas y avoir d’augmentation de la quantité nette de pétrole comme le souligne James Williams de WTRG Economics : «Au total, il n'y aura pas de quantité de pétrole supplémentaire en vente.»
Pour finir, le faible écart de prix entre les variétés du WTI américain et du Brent européen (côté à Londres) ne favorise pas les exportations américaines. S’il devait se resserrer d’avantage, il «n'encouragerait pas les exportations américaines vers de nombreux pays du monde, une fois pris en compte le coût additionnel du transport» comme l’explique Andy Lipow, de Lipow Oil Associates.
Cependant, les pétroliers devraient tirer leur épingle du jeu. Les raffineries européennes sont mieux équipées pour traiter la qualité du pétrole américain, qui possède une basse teneur en souffre, que leurs homologues outre-Atlantique. Les producteurs américains devraient donc exporter à un prix meilleur que celui qu'ils obtiennent aux Etats-Unis.
Pouvoir limité pour le président
Reste que cette décision marque un tournant dans la politique énergétique américaine. Désormais, plus aucune restriction légale ne pèsera sur les exportations des quelques 9,2 millions de barils par jour produits par les Etats-Unis, ou des 490,7 millions de barils de brut commercial stockés dans le pays.
Le locataire de la Maison Blanche ne sera en mesure de limiter les exportations seulement pour des raisons de sécurité nationale, en cas de pénurie, ou si les cours du pétrole aux Etats-Unis viennent à dépasser très largement les prix pratiqués sur le marché mondial, au risque de peser sur l'emploi.
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