Émilie Côté - Éric Cousineau travaille pour Air Canada. Il a déménagé à Vancouver il y a 15 ans, quand l'aéroport de Mirabel a fermé ses portes. Bien que Montréal lui manque, le skieur adore sa ville d'adoption, nichée entre la mer et les montagnes.
Selon lui, le débat sur le multiculturalisme est le même à Vancouver qu'à Montréal. Sauf pour une chose: la langue. Mais si les Québécois tiennent au français, Éric Cousineau en a assez de se le faire remettre sur le nez par ses camarades vancouvérois. «Pendant l'histoire de Koivu qui ne parle pas français, tout le monde m'en parlait comme si j'étais concerné. Je n'étais plus capable d'en entendre parler.»
Éric Cousineau a l'impression que les anglophones voient tous les Québécois comme des patriotes purs et durs, qui veulent défendre leur culture à tout prix.
«Certaines personnes ici disent: les Québécois rejettent les Canadiens anglais et voilà maintenant qu'ils critiquent les immigrés», observe de son côté Jim Frideries, professeur au département de sociologie de l'Université d'Alberta.
Jean-François Dumas, président d'Influence Communication, le remarque aussi dans les médias. «L'antagonisme fédéraliste/souverainiste et anglais/français s'est effrité avec le temps. On l'a remplacé par les relations avec les communautés ethniques, explique-t-il. Avant le 11 septembre, l'autre, c'était les anglophones. Depuis, ce sont les minorités non chrétiennes qui sont de plus en plus l'autre.»
Jack Jedwab, directeur général de l'Association d'études canadiennes, partage ce point de vue. «Les tensions anglophones-francophones sont moins fortes.» L'été dernier, il a constaté, avec un sondage commandé à Léger Marketing, que les anglophones du Québec sont plus ouverts aux accommodements raisonnables. Par exemple, 33% des répondants francophones acceptaient que des enseignantes musulmanes portent le hijab, contre 81% chez les anglophones. À l'inverse, 60% des francophones voulaient laisser les crucifix sur les murs des écoles, contre 55% chez les anglophones.
Selon M. Jedwab, beaucoup de francophones voient le crucifix comme «un symbole culturel et non chrétien». Chez les anglophones, c'est le contraire. «Ils voient le kirpan et le hijab comme un choix individuel et le crucifix comme quelque chose d'imposé.»
Tout s'explique, selon le Torontois Michael Adams, auteur du livre Unlikely Utopia, the Surprising Triumph of Canadian Pluralism. «Au Québec, vous avez 70% des gens qui disent qu'ils sont pure laine. Bien sûr, ils sont inquiets pour la survie de la langue et de la culture française. C'est une position naturelle pour des gens qui ont lutté si fort depuis 50 ans pour maintenir cette culture distincte.»
«Pour plusieurs Québécois ayant remis en question l'autorité religieuse, avec une telle révolution dans les années 60, voir des immigrants très religieux leur rappeler un passé qu'ils ont si profondément rejeté est inquiétant», poursuit Michael Adams.
Mais la conclusion du président d'Environics Research Group est positive. «Cette grande expérience canadienne qu'est le multiculturalisme fonctionne très bien, malgré ces manchettes accrocheuses sur les juifs orthodoxes qui veulent des fenêtres givrées au YMCA ou les inquiétudes des bons conseillers de Hérouxville.»
Avec la collaboration de Mario Girard et de Isabelle Hachey.
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