Il en aura fallu, du temps, mais cette fois, ça y est. Celui qu'on accuse d'être le personnage le plus corrompu de l'histoire du Canada vient de remporter un aller simple vers Montréal, afin de faire face à la justice.
L'Unité permanente anticorruption (UPAC) n'était pas en mesure de confirmer l'information, hier soir, mais des sources bien au fait de l'affaire ont confirmé à La Presse que le Panama avait finalement accepté d'extrader Arthur Porter vers le Canada.
L'ancien directeur du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) avait été arrêté avec sa conjointe dans le principal aéroport du petit pays d'Amérique centrale, en mai 2013, à la demande des autorités canadiennes.
Le couple était alors en transit entre les Bahamas et Trinité. Pamela Porter avait rapidement été extradée, mais son mari a tout tenté pour éviter de revenir faire face à la justice au Québec.
Il a d'abord essayé de fausser compagnie aux policiers locaux et de s'embarquer sur un vol commercial en brandissant ce qu'il disait être un passeport diplomatique. La manoeuvre a bien failli réussir.
Après l'échec de cette première tentative, Arthur Porter a ensuite embauché Ricardo Bilonick, célèbre avocat panaméen qui avait autrefois représenté le narcodictateur Manuel Noriega, à l'époque où les États-Unis réclamaient son extradition.
L'avocat a multiplié les procédures judiciaires pour contester la détention de son client dans une prison locale et la demande d'extradition le visant.
Ses démarches se sont soldées par un échec, cette semaine. Des personnes proches du dossier craignent toutefois que le juriste, reconnu pour son style «audacieux» et ses coups d'éclat, ne tente de sortir un lapin de son chapeau même s'il a officiellement épuisé tous les recours à sa disposition. Me Bilonick n'a pas répondu à nos appels à son bureau, hier en fin de journée.
Victoire pour l'UPAC
Quoi qu'il en soit, la nouvelle constitue une grande victoire pour l'UPAC et les procureurs du Bureau de lutte à la corruption et à la malversation. Selon la poursuite, M. Porter et son bras droit au CUSM, Yanai Elbaz, se sont partagé 22,5 millions de pots-de-vin versés par d'anciens dirigeants de SNC-Lavalin pour obtenir le contrat du nouveau grand hôpital anglophone de Montréal, projet de plus de 1 milliard en fonds publics.
Un policier a déclaré devant la commission Charbonneau qu'il s'agissait de «la plus grande fraude de corruption de l'histoire du Canada».
Après une enquête dont les ramifications se sont déployées sur quatre continents, notamment lorsqu'il s'est agi de suivre la piste de l'argent et de bloquer les fruits de la corruption, Arthur Porter demeurait le seul suspect dans ce dossier à ne pas avoir comparu devant un juge au Québec.
Le 18 décembre dernier, sa femme a plaidé coupable à deux chefs d'accusation de recyclage des produits de la criminalité. À la suggestion commune de la poursuite et de la défense, le juge lui a imposé une peine de 33 mois de prison, moins le temps passé en détention préventive depuis son arrestation, qui a été multiplié par 1,5 aux fins du calcul de la peine. À partir de ce jour, il lui reste donc deux ans moins un jour à purger.
Quant aux accusations de corruption portées contre Arthur Porter, elles n'ont évidemment pu être mises à l'épreuve devant les tribunaux. L'ancien dirigeant du CUSM se dit atteint d'un grave cancer du poumon depuis janvier 2013 et a parlé à plusieurs reprises des conditions de détention difficiles au Panama, notamment dans un blogue alimenté par ses proches et dans un livre autobiographique publié l'automne dernier avec l'aide d'un écrivain ontarien.
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