Catherine Dorion s’attire la réprobation d’élus libéraux quatre jours après avoir brandi fièrement le poing lors du lancement du documentaire Les Rose à Québec, qui coïncide avec le 50e anniversaire de la crise d’Octobre.
L’ex-ministre de la Culture Marie Montpetit lui a reproché de « manque[r] profondément de respect à la famille de Pierre Laporte », qui a été enlevé et tué par le Front de libération du Québec (FLQ) à l’automne 1970. « Il faut être aveuglé par son idéologie indépendantiste pour brandir le poing en l’honneur de terroristes et d’assassins », a-t-elle gazouillé jeudi.
L’élue libérale a appelé Québec solidaire à se « dissocier » du geste posé par la députée de Taschereau à l’intérieur de la salle de projection du cinéma Cartier dimanche — « à moins qu’il soit d’accord avec elle », a-t-elle précisé.
Pour l’état-major de QS, il s’agit d’un non-événement : Mme Dorion n’a qu’imité le geste de l’ancien leader felquiste de la cellule Chénier, Paul Rose, sur l’affiche du documentaire coproduit par l’Office national du film du Canada, qu’elle a visionné aux côtés de ses camarades Sol Zanetti et Ruba Ghazal, ainsi que d’autres personnalités, dont Robert Lepage. « Il n’y a rien à interpréter de son geste », dit-on au Devoir. « Il n’y a pas d’enjeu. »
L’attachée de presse de QS, Simone Lirette, juge à propos de rappeler que la SODEC a accordé une aide financière à l’équipe de production du film Les Rose durant les années Couillard. « Étrange. Ce film a pourtant été financé par la SODEC sous le gouvernement libéral, alors que Madame Montpetit était ministre de la Culture. Dit-elle que ce film ne doit pas être vu ou salué ? » demande-t-elle.
La porte-parole du deuxième groupe d’opposition à l’Assemblée nationale n’était pas disponible pour une entrevue jeudi après-midi, a indiqué son équipe, renvoyant Le Devoir à la page Facebook de l’élue. La mort de M. Laporte durant sa captivité dans une maison de la rue Armstrong, à Saint-Hubert, a « jeté comme un énorme baril d’eau froide sur la crise enflammée qui faisait rage » au Québec, y souligne-t-elle. « C’est, pour moi, l’une des preuves que la violence ne trouve pas au Québec un sol très fertile. Même si la colère, même si les sources de cette colère sont encore là : les inégalités, la soumission du peuple et du territoire aux gros matous qui savent comment se mettre nos gouvernements dans leur petite poche d’en arrière pour accumuler à nos dépens les dollars et le pouvoir », écrit-elle sur la page.
La célèbre photo de Paul Rose, poing levé, se trouvant sur l’affiche du documentaire Les Rose a été prise par le photographe Tedd Church du quotidien The Gazette à l’entrée du palais de justice de Montréal le 7 janvier 1971. Le felquiste y comparaissait dans le cadre de l’enquête du coroner Jacques Trahan sur la mort du vice-premier ministre Pierre Laporte, décédé par strangulation dans l’après-midi du 17 octobre 1970. Les trois autres membres de la cellule Chénier — Jacques Rose, Francis Simard et Bernard Lortie — avaient eux aussi levé le poing ou fait le « V » de la victoire en passant devant les journalistes. Le geste de Paul Rose s’inspirait du poing levé des athlètes afro-américains Tommie Smith et John Carlos lors des Jeux olympiques de Mexico en 1968.
Paul Rose est décédé des suites d’un accident vasculaire cérébral le 14 mars 2013, soit 30 ans après avoir été libéré de prison. Le député de QS Amir Khadir avait évoqué l’idée de déposer une motion à l’Assemblée nationale pour souligner le décès de l’ancien felquiste, mais s’était rapidement ravisé devant le tollé soulevé par sa proposition. « C’est un sujet qui ravive quand même des blessures importantes au Québec et ça va créer une controverse. Par respect pour les familles impliquées, de Paul Rose et de Pierre Laporte, c’est plus sage de ne pas déposer de motion », avait déclaré M. Khadir.