Assez, le saccage du territoire québécois !

Actualité québécoise 2011



Il y a maintenant une dizaine d'années, le gouvernement du Québec demandait à Hydro-Québec d'acheter de l'électricité provenant de minicentrales appartenant à différents promoteurs privés. Les sites furent autrefois abandonnés par Hydro-Québec lors du développement technologique des lignes à haute tension permettant d'exploiter les grands bassins hydrauliques éloignés de Manicouagan et, plus tard, de la baie James.
Le programme des minicentrales grugeait le monopole d'Hydro-Québec par une politique des petits pas, qui est reprise aujourd'hui à une plus grande échelle dans le secteur éolien. Devant les débats soulevés par cette politique un peu trop ouverte de privatisation, le gouvernement a modifié son argumentation pour présenter ce projet comme une politique d'aide aux collectivités. Immédiatement, les promoteurs et les firmes d'ingénierie se sont mis à harceler les collectivités, se lançant comme des prédateurs de l'âge du précapitalisme dans le développement tous azimuts des dernières rivières naturelles existantes en milieu habité, voire urbain.
Nombre de ces chutes ou rapides étaient entre-temps devenus des parcs ou des lieux de villégiature. Devant les protestations des citoyens et des organismes de défense des milieux naturels, le gouvernement de Bernard Landry a corrigé le tir et décrété un moratoire sur la politique des petites centrales sur les sites vierges. Politique insensée sur le plan économique et encore plus sur le plan écologique. Faut-il se surprendre que le gouvernement de Jean Charest soit revenu à la charge et ait laissé tomber le moratoire et remis à l'heure du jour la privatisation en douce d'Hydro-Québec?
Officiellement, on présente toujours le programme comme une aide à la collectivité. C'est tout un cadeau en effet, car aucun de ces projets n'est assez rentable pour que l'électricité y soit vendue au prix du marché ni même au-dessous du prix où Hydro-Québec produit sa propre électricité. Ce cadeau est même si alléchant que les élites locales, prenant rarement en considération autre chose que l'eldorado qu'on leur fait miroiter, n'hésitent pas à mettre elles-mêmes de l'avant la destruction de leurs milieux naturels et de leur parc, si elles en ont.
C'est ce qui se passe actuellement aux chutes de Sainte-Ursule. La semaine dernière, le conseil municipal nous a envoyé une circulaire pour nous annoncer un règlement d'emprunt de dix millions visant à construire une minicentrale qui serait administrée par la municipalité. Les citoyens ont à peine une semaine pour s'opposer en allant signer un registre le 1er septembre pour demander la tenue d'un référendum. Les études et le concept du projet ont été faits par la firme BPR, dont les dirigeants sont très proches du Parti libéral et qui a été condamnée des dizaines de fois par le commissaire au lobbying pour ses infractions.
Cette fois, BPR risque bien de rencontrer son Waterloo. Même si le conseil municipal ne le sait pas, les citoyens sont bien conscients que le site des chutes de Sainte-Ursule est plus qu'un simple attrait touristique. C'est une réserve naturelle d'espèces florales et fauniques extrêmement rares. Le canyon en lui-même est d'une majesté et d'une beauté prodigieuses qui normalement devraient le faire classer, comme l'arrondissement du Vieux-Québec, parmi les sites du patrimoine mondial de l'UNESCO.
Finalement, ce qui sauvera ces chutes, ce n'est pas l'intervention du ministère de l'Environnement, ni du ministère de la Faune, non plus du ministère du Tourisme, mais uniquement le bon sens des citoyens qui se rendent compte tout à coup qu'ils sont les gardiens d'un trésor national. Malgré l'opacité du processus et le projet sans impact écologique que BPR leur faisait miroiter, il n'y a aucun doute qu'ils vont rejeter ce projet le 1er septembre.
Il est vrai que BPR leur a caché les vrais coûts et qu'on sait maintenant que le projet serait déficitaire. Mais, surtout, il faut croire que les gens de Sainte-Ursule ont compris que la magouille devait prendre fin. En sauvant les chutes de Sainte-Ursule, c'est probablement une certaine façon d'être québécois que l'on sauve. Dans l'enquête sur l'industrie de la construction qui devra nécessairement arriver un jour, le dossier des minicentrales est à mettre en haut de la pile. Il est temps de mettre fin au saccage du territoire des Québécois.
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René Boulanger - Écrivain


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