Les jeunes libéraux et les errances de la laïcité ouverte

Actualité québécoise 2011

Réunis lors d'un congrès qui a eu lieu la fin de semaine dernière à Sherbrooke, les jeunes libéraux ont voulu ressusciter le rapport Bouchard-Taylor en proposant un projet de loi qui définirait la "laïcité ouverte" (aux accommodements religieux) et créerait un "office québécois d’harmonisation interculturelle" .

Ce faisant les jeunes libéraux promettent d’enliser le nécessaire débat sur la laïcité des institutions publiques dans les ornières que les commissaires Bouchard Taylor avaient déjà bien tracées.

On se souviendra que les commissaires s’étaient évertués à lier de manière fort imprudente l’identité culturelle, la religion et l’immigration. Tout le débat avait dès lors été engagé sur deux prémisses fausses, à savoir, premièrement, les immigrants étaient nécessairement religieux puis, deuxièmement, les diverses identités culturelles ne pouvaient être bien comprises qu'à partir de leur composante religieuse.

Mais les immigrants sont-ils tous religieux?
Les commissaires ont fait la sourde oreille à toutes les données sociologiques qui prouvent pourtant que, partout dans le monde, les sociétés se modernisent et délaissent les pratiques religieuses. Par conséquent ils auraient pu enfin comprendre que les immigrants provenant de ces sociétés ne sont pas plus, ni moins religieux que la moyenne des non-immigrants. Il y a donc des immigrants athées, agnostiques ou non-pratiquants dans les mêmes proportions qu’il y a des non-immigrants athées, agnostiques ou non-pratiquants.


Les identités culturelles sont-elles avant tout religieuses?
Les commissaires nous ont habitués à réduire l’identité culturelle à la seule dimension religieuse exactement comme dans le nouveau cours obligatoire d’Éthique et culture religieuse (ECR) où la connaissance de « l’autre » passe exclusivement par la connaissance de la « culture religieuse » en faisant fi de toutes les autres dimensions culturelles. Or rien ne permet de lier de manière aussi étroite « culture » et « religion »; une religion donnée peut être pratiquée dans différentes cultures et une même culture nationale ou linguistique peut être partagée par des personnes de diverses religions, des agnostiques et des athées.

Force est de constater que les commissaires Bouchard et Taylor ont activement contribué à la méconnaissance des immigrants en perpétuant des préjugés absurdes à leur endroit.

En proposant la création d’un « office québécois d’harmonisation interculturelle » les jeunes libéraux ne font que remettre à l’ordre du jour les errances et les erreurs véhiculées par les promoteurs de cette laïcité qui se croit "ouverte" mais qui ne fait qu’enfermer les immigrants, de gré ou de force, dans des catégories communautaires qui ne leur conviennent pas toujours et qui, trop souvent, nuisent à leur intégration.

À strictement parler, la laïcité n’a rien à voir avec l’identité culturelle ou l’immigration. La laïcisation des institutions fait plutôt partie d’un processus de modernisation et de démocratisation des sociétés. Le processus de laïcisation des institutions québécoises (encore inachevé) date des années 60. Il est antérieur aux vagues d’immigration que nous connaissons actuellement. Le débat sur la laïcité a cours présentement dans plusieurs sociétés aux horizons culturels divers. Les immigrants proviennent de ces sociétés et espèrent trouver au Québec une société moderne et démocratique à la hauteur de leurs aspirations.


Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    17 août 2011


    Excellent résumé.
    Mais comment ce concept dichotomique germé dans l'esprit de «lologues» de tours d'ivoire a-t-il pu s'imposer dans le débat public? Comment les gens peuvent-ils ne pas se rendre compte que le roi est nu!
    Il est certes temps d'élargir le débat: que des sexologues prennent le relais en définissant maintenant la virginité ouverte!
    Au total, tout cela n'est que déjection issue du multiculturalisme à la Trudeau dont se pare la machine électoraliste libérale et fédéraliste. Au pays de Jean Charest, on n'en est pas à une mauvaise odeur près.

  • Ferid Chikhi Répondre

    16 août 2011

    Lors des travaux de la commission des institutions sur le projet de loi 94, j’ai invité ses membres à réfléchir sur l'intégration des immigrants de confession musulmane du Québec et de faire attention aux effets, pervers de la laïcité ouverte.
    J’ai notamment soutenu que ce ne sont pas les 100.000 musulmans de la province qui demandent à être accommodés d’une façon ou d’une autre puisqu’ils considèrent que leur religion les accommode suffisamment pour encore aller quémander quoi que ce soit aux institutions. Ils ont su s'adapter et ils le font avec une bonne intelligence.
    Ce ne sont pas aussi les quelques 1.000 à 2.000 intégristes qui en font partie qui représentent la majorité que constituent les 98.000 autres.
    J'ai averti que les origines cultuelles diffèrent d'un groupe de musulmans à un autre (selon les écoles de pensée : Malékites, Hanbalites, Chafiites et Hanafites) sans compter le schisme : Sunnite et Chiite ou encore les origines culturelles.
    Une laïcité ouverte ce sera comme la boîte de Pandore, une fois ouverte vous ne savez pas ce qu'il en sortira. À bon entendeur salut.

  • Pierre Cloutier Répondre

    16 août 2011

    [1] Vous avez raison.
    [2] J'ai vu récemment un petit film français intitulé : "Le nom des gens" et j'ai bien compris que bon nombre de musulmans en France n'étaient pas croyants, mais athées.
    [3] On est tellement habitué à penser le contraire qu'on n'y pense pas. Pourtant c'est la réalité.
    Pierre Cloutier