Allégations de corruption

Benoît Labonté brise l'omerta

Montréal - élection 2009


Benoît Labonté rompt le silence et passe aux aveux. Dans une longue entrevue exclusive accordée à la télévision de Radio-Canada, diffusée jeudi en soirée, l'ancien chef de l'opposition officielle à la mairie de Montréal fait une série de révélations-chocs qui éclaboussent la classe politique du Québec.
Tout d'abord, Benoît Labonté reconnaît maintenant avoir menti sur ses liens avec le controversé homme d'affaires Tony Accurso. « J'ai effectivement eu des rencontres avec Accurso », déclare-t-il.
Il admet ainsi avoir soupé avec Tony Accurso en mars 2008, lors de la course au leadership de Vision Montréal. Il assure que c'était la première fois qu'il le rencontrait, même s'il dit l'avoir croisé lors d'un événement en 2006, mais sans discuter comme tel. Il reconnaît aussi avoir eu « quelques conversations téléphoniques brèves » avec M. Accurso en 2009.
M. Labonté précise n'avoir jamais reçu d'argent de Tony Accurso, et qu'il n'a jamais été question d'argent lors de leurs discussions. Il dit toutefois savoir que M. Accurso avait donné de l'argent « à des gens proches de moi » pour la course à la direction de Vision Montréal.
Benoît Labonté dit avoir menti pour protéger Louise Harel, la chef du parti Vision Montréal, en raison de la campagne électorale, mais aussi par crainte de représailles.
Un système « gangrené »
M. Labonté dit avoir décidé d'accorder cette longue entrevue à la télévision de Radio-Canada pour « laver sa réputation ». Car il refuse d'être le bouc émissaire d'un système qu'il dit « gangrené ».
Un système dans lequel le parti Vision Montréal a transformé des dons en argent comptant en chèques de contribution, affirme Benoît Labonté.
« La réalité, et c'est vrai dans tous les partis, au municipal comme au provincial, pas un parti ne fait exception, la réalité, c'est qu'il y a de l'argent qui est ramassé cash, qui est redonné à des prête-noms, qui eux, font un chèque personnel, individuel ».
Le financement populaire en politique québécoise, c'est une fiction. C'est un système hypocrite. [...] Et tout le monde, je dis bien tout le monde, le fait. Tous les partis municipaux, tous les partis provinciaux le font.
— Benoît Labonté

Benoît Labonté, qui est l'ancien bras droit de la chef de Vision Montréal, affirme en outre que Louise Harel est consciente de ces pratiques.
Il ajoute qu'elle aurait admise que cela se faisait au PQ, au PLQ, à Union Montréal et à Vision Montréal.
Dans cette entrevue, Benoît Labonté spécifie que « dans le parti de Mme Harel, on ne se cache pas du tout en pleine réunion, où il y a beaucoup de personnes, pour dire qu'on va aller chercher du financement sectoriel, entre guillemets.
Et on sait très bien que du financement sectoriel, c'est du financement de grande entreprise, ce qui n'est pas permis. »
Benoît Labonté affirme que le maire Gérald Tremblay est lui aussi au courant de ces pratiques. « Gérald Tremblay est un faux naïf. Un faux naïf! », dit-il.
L'attribution des contrats à Montréal
Benoît Labonté lève aussi le voile sur le système d'attribution des contrats à la Ville de Montréal. Il parle de collusion, qui est érigée en système. Il soutient ainsi que le parti de Gérald Tremblay, Union Montréal, a établi des listes qui permettent de déterminer qui obtiendra des contrats de la Ville.
C'est un système organisé. Il y a quatre listes qui ont été faites par le parti au pouvoir. La liste A, B, C, D. [...] Si on fait partie de la liste A, on a beaucoup plus de contrats.
— Benoît Labonté

Ensuite, dit Benoît Labonté, des gens du parti font le tour des entreprises pour récolter une ristourne de 3 % sur ces projets ou contrats, y compris dans le milieu culturel. « Quelqu'un passe faire le tour des entreprises, la collecte présumée, avant que les contrats ne soient octroyés, et c'est comme ça que le système fonctionne », précise-t-il.
Selon M. Labonté, la personne qui effectuait cette « collecte » serait Bernard Trépanier, qui fut responsable du financement du parti de Gérald Tremblay, Union Montréal, entre janvier 2004 et juin 2006.
Benoît Labonté dit qu'il entendait le nom de Bernard Trépanier à répétition. Et il affirme qu'en 2007, il aurait fait part au maire que Bernard Trépanier approchait des entreprises. Benoît Labonté se souvient que, partout où il passait, il entendait ce commentaire: « Bernard Trépanier 3 % ».
L'ancien chef de l'opposition officielle, qui a également siégé au comité exécutif de la Ville de Montréal, soutient que le maire Tremblay a blêmi quand il lui a rapporté cette situation. Il affirme que le maire s'est calé dans son fauteuil, qu'il l'a regardé et qu'il lui a déclaré après un long silence qu'en politique municipale, « c'est juste de ça ».
M. Labonté ajoute que des élus profitent de ce système de ristournes. Mais l'ancien numéro deux de Vision Montréal refuse d'élaborer, par crainte de poursuites, dit-il. À la question que des élus et des fonctionnaires puissent toucher des montants importants, Benoît Labonté répond: « Ça peut varier selon l'ampleur du contrat ».
Benoît Labonté dit qu'il aurait transmis au premier ministre Jean Charest de l'information quant à ses contacts entre Tony Accurso et des ministres du gouvernement Charest. « Deux sources me disaient que trois ministres avaient été sur le bateau de Tony Accurso », affirme Benoît Labonté. Le premier ministre Charest a confirmé avoir rencontré Benoît Labonté, mais nié ses allégations.
Trahi par d'ex-alliés
Finalement, Benoît Labonté revient sur les personnes qui, selon lui, sont à l'origine de toutes les révélations parues dans les médias à son endroit et qui ont mené à sa démission.
Il dit avoir été trahi par d'anciens collaborateurs en qui ils n'avaient plus confiance et qui maintenant travaillent directement ou indirectement pour Union Montréal.
Benoît Labonté profite aussi de sa sortie pour réclamer une enquête publique sur le monde municipal et l'industrie de la construction.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé