Bombardier et les 93%

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«On ne peut pas compter sur le premier ministre Couillard pour défendre l'intérêt public»





Ainsi Bombardier a finalement décidé, sous la pression populaire, de reculer sur le scandale des hausses salariales octroyées à six de ses hauts dirigeants.


Mais les questions d'éthique, de responsabilité sociale et de saine gestion des fonds publics, que soulève ce feuilleton de mauvais goût, demeurent entières.


Bombardier est l'une des entreprises qui fait la fierté des Québécois, depuis sa fondation jusqu'à sa spectaculaire expansion mondiale dans les secteurs du transport, de l'aéronautique, du ferroviaire et de la finance.


Fleuron du Québec Inc. parmi les entreprises qui ont marqué la Révolution tranquille, bon nombre de Québécois s'y identifient, non seulement à cause de son histoire à succès au plan international, mais aussi parce qu'elle est l'œuvre d'un mécanicien « patenteux », Joseph-Armand Bombardier, dans lequel il se reconnaissent et  qui, à l'âge de 19 ans, dans le fond de son garage, à Valcourt, avait eu l'idée géniale de construire des autoneiges, en 1926.


Des héritiers indignes


Est-ce que les dirigeants de Bombardier ont oublié les sacrifices consentis par les Québécois qui, malgré le régime d'austérité du premier ministre Couillard, ont accepté sans protester, que leur multinationale bénéficie d'une subvention de 1,3 milliard de dollars pour ses avions CSeries ?


Comment peuvent-ils ignorer que malgré les coupures drastiques dans les services publics, les Québécois avaient permis que leur gouvernement se serve de leur argent pour soutenir Bombardier afin qu'elle garde les emplois au Québec ?


C'est ce même élan de solidarité qui les a amené à ne pas rechigner, quand la Caisse de dépôt et de Placement avait ouvert les goussets de leur bas de laine pour renflouer les coffres de Bombardier à coup de 2 milliards de dollars de fonds publics.


Non seulement Bombardier les a déçus avec ses annonces répétées de pertes d'emploi au Québec, voilà qu'elle les plonge dans la colère en annonçant qu'elle hausse les salaires de 6 de ses hauts dirigeants de 43 millions de dollars, en 2016, soit une augmentation de 48 %.


Et que dire des questions sur l'apparence de conflits d'intérêt et les pratiques éthiques de l'entreprise quand elle nomme à la présidence de sa nouvelle filiale CSeries, créée à même l'argent des contribuables, nul autre que Daniel Johnson, lui-même ancien premier ministre et ancien président du Conseil du Trésor.


Or, M. Johnson, également membre du CA de Bombardier, à 165 000 $ par année,  a été l'organisateur en chef de la campagne électorale du PLQ, en 2014 et président du comité de transition du gouvernement. Il a ainsi épaulé M. Couillard dans le choix de ses ministres et des hauts fonctionnaires de l'État, parmi lesquels plusieurs de ses anciens collaborateurs.


Un recul qui s'impose


Sur quelle planète vivaient alors les dirigeants de Bombardier pour penser s'offrir des hausses de salaire indécentes alors qu'ils n'ont cessé de mettre à pied des milliers d'employés au Québec, au Canada et dans le monde ?


Pourquoi ont-ils sorti l'artillerie lourde pour nous convaincre qu'ils y avaient droit, alléguant que cette hausse mirobolante était conforme aux pratiques internationales et qu'elle se fondait sur  la  solide performance de l'entreprise alors qu'en 2016, le bilan de l'entreprise s'est soldé par une perte nette de 981 millions $ US ?


Il a fallu que l'opinion publique gronde fort  pour qu'ils prennent finalement la mesure de cette colère suite à la publication des résultats du sondage de Léger qui nous apprenait que 93 % des répondants dénonçaient cette hausse salariale insensée.


De l'avis du sondeur, Jean-Marc Léger «C’est le plus haut taux de désaccord jamais mesuré dans nos sondages express. Les jeunes, les vieux, les anglophones, les francophones... la population est quasi unanime sur cette question», (Journal de Montréal, le 2 avril 2017).


Un gouvernement désinvolte


Ce feuilleton de mauvais goût démontre qu'on ne peut pas compter sur le premier ministre pour défendre l'intérêt public. Il s'en est lavé les mains, dès la première occasion, sous prétexte qu'il s'agissait d'une entreprise privée et que la décision de hausser les salaires  relevait de son CA et de ses actionnaires.


Or, le gouvernement est désormais partenaire de Bombardier, il y a investi l'argent des contribuables et il est de son devoir de s'assurer de la saine gestion de ces fonds publics.


Invité à commenter cette hausse de salaires injustifiée, M. Couillard a même trouvé le moyen de déclarer avec désinvolture « Je suis certain que les intéressés sont heureux ». Oui, mais les Québécois ne le sont pas et ils l'ont fait savoir en disant à 84 % que « le gouvernement du Québec doit réévaluer son soutien à Bombardier dans ce contexte ». Ils sont également d'avis à 90 % que les six hauts dirigeants concernés par cette hausse devraient y renoncer.


C'est ce qu'ils ont fait tardivement. Or, si effectuer un recul stratégique permet de sauver la face, la démonstration est faite que les dirigeants de ce fleuron québécois ont perdu le contact avec la réalité et avec le sens du bien commun. Ils ont causé un dommage considérable à l'image de Bombardier.


 




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