J’évite le centre-ville de Montréal, pour des raisons évidentes, mais parfois, y’pas le choix. La semaine dernière, immobilisée rue Sherbrooke au coin de Crescent, j’ai ressenti un malaise à la vue d’immenses poteaux en aluminium à tête recourbée, qui reposent en angle sur des carrés de béton, en bordure du Mile carré doré.
De nouveaux lampadaires, façon autoroute, sur la plus belle rue de Montréal?
Paisible balade
Ouf, ce n’est pas ça. Leur présence sur une artère qui, en dépit des efforts du maire Drapeau, a conservé son allure XIXe siècle, ne durera que le temps d’un été.
Il s’agit en fait de mâts – Montréal aime tant les mâts – pour accrocher les drapeaux de 200 pays dans le cadre de l’exposition d’art publique, La Balade pour la paix, organisée par le Musée des beaux-arts de Montréal pour les fêtes du 375e. En souvenir du jardin de drapeaux de la place des Nations à Expo 67.
Une création du designer Claude Cormier, à qui on doit les ravissantes boules colorées au-dessus du Village gai. L’art urbain, je suis pour! Mais je l’aime mieux réjouissant qu’abrutissant.
L’exposition, qui commence demain, présentera aussi, en pleine rue, 30 sculptures d’artistes contemporains du monde entier et du Canada (le mot Québec n’apparaît jamais dans la présentation sur le site du Musée des beaux-arts de Montréal), dont des œuvres de superstars comme Botero, Niki de Saint Phalle, Alexandre Calder et Keith Haring. Les badauds pourront aussi admirer quarante photographies grand format d’artistes de Montréal.
Ce sera sans doute magnifique une fois l’ensemble, qui va de l’Université McGill au MBAM, complété.
Pas dans ma cour
Mais qu’arrivera-t-il à tous ces mâts-poteaux une fois l’exposition terminée? Il y en a pour des centaines de milliers de dollars, tout au moins.
«Ils appartiennent à la Ville de Montréal, m’a-t-on répondu au service des communications du 375e, mais leur avenir n’est pas encore connu. Nous sommes en discussion.»
Ils vont quitter la rue Sherbrooke, mais soyez avertis, chers concitoyens, que la Ville leur cherche un domicile permanent ailleurs à Montréal.
Il y a de quoi s’inquiéter: l’administration Coderre aime l’art urbain brutal, postindustriel. Je pense à la grande roue fixe, angle Pie-IX et Henri-Bourassa, faite d’acier galvanisé et aux bancs de granit sur le mont Royal, ces «étrons d’arbres», étrange croisement entre des cacas d’éléphants et des souches mortes.
«Mais, gentille dame des Communications, combien ont coûté ces mâts?»
«Désolée, mais nous ne donnons pas les coûts par projet.»
C’est sorti tout seul: «pardon?»
«C’est impossible, pour des raisons d’éthique et de concurrence.»
«Pourriez-vous alors me rappeler les sources officielles de financement pour les célébrations du 375e?»
«Bien sûr: 35 M$ de Montréal, 60 M$ de Québec, 18,375 M$ du fédéral et 12 M$ du privé.»
Tous les calculs des finances du 375e mènent au même constat: 90 % de l’argent vient des contribuables.
«Et vous ne pouvez pas me dire combien coûtent les mâts?»
«Malheureusement, non.»
Après ça, les politiciens se demandent pourquoi ils perdent la confiance des citoyens.
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