Boris, les Écossais, l’Europe et les autres

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Les classes populaires sont passées à droite en raison de l'immigration


Les Britanniques ont donné une majorité absolue à Boris Johnson, le sosie européen de Donald Trump: même arrogance, même éthique défaillante, même narcissisme égocentrique, mais en plus cultivé et en plus raffiné. 


On verra combien de perturbations politiques et de revers économiques il faudra pour que les électeurs de Johnson prennent conscience de leur l’erreur monumentale, avec les séquelles catastrophiques irrémédiables qu’elle va entraîner.  


Voici quelques observations que je tire de cette élection historique. 


Les classes populaires britanniques renient le parti travailliste, qui obtient son plus faible score en 84 ans! Le fait d’être dirigé par un individu inepte et fade, Jeremy Corbyn, y ait pour quelque chose. Mais l’explication principale à la désaffection de la classe ouvrière anglaise pour le «parti des travailleurs» est ailleurs. 


Les régions industrielles du nord de l’Angleterre, gagnées depuis toujours par les travaillistes, ont voté massivement pour les conservateurs. Les classes populaires anglaises, comme celles du continent, ont migré de la gauche à la droite. En France, ce que Mitterrand appelait «le peuple de gauche» est devenu «le peuple de droite» en abandonnant le parti socialiste et le parti communiste pour la République en Marche d’Emmanuel Macron et le Rassemblement national de Marine Le Pen. Un phénomène semblable s’observe un peu partout en Europe, de l’Allemagne à l’Italie. 


C’est l’immigration massive venue du Moyen-Orient et d’Afrique qui pousse à droite les classes populaires européennes gagnées par le «nativisme». Ce courant, caractérisé par l’opposition à toute nouvelle immigration, va sous-tendre la politique en Europe pour des décennies à venir. Voici pourquoi.  


Les conflits qui déchirent les pays musulmans, de la Libye au Pakistan, ne vont que s’accentuer dans un avenir prévisible, augmentant d’autant le nombre de réfugiés qui vont vouloir fuir vers l’Europe, un havre de sécurité et de prospérité. 


Le même phénomène va s’observer encore avec plus d’ampleur en Afrique. Une pression démographique explosive, accompagnée de changements climatiques dévastateurs pour l’agriculture et l’élevage, va avoir un effet exponentiel sur le courant migratoire actuel vers l’Europe. La montée du djihadisme en Afrique de l’Ouest va stimuler encore plus les mouvements de population et compliquer la situation. 


C’est pour se protéger de ce raz-de-marée que les Anglais embrassent le Brexit et se barricadent de leur côté de la Manche: l’Europe ne semble pas promise à des «lendemains qui chantent». 


Passons maintenant à l’Écosse. Sa première ministre, Nicola Sturgeon, a prévenu Boris Johnson qu’elle allait demander un deuxième référendum sur l’indépendance. Il a déjà répondu qu’il refuserait. Les Écossais veulent rester dans l’Union européenne. Ils ont toujours été plus proches des Européens que des Anglais. Dès le Moyen Âge, un pacte militaire, l’Auld Alliance, a lié l’Écosse à la France contre l’Angleterre. Des Écossais combattaient aux côtés de Jeanne d’Arc à Orléans. Un officier écossais jacobite, James Johnstone, fut aide de camp de Montcalm à Québec.  


Élevée en France, Marie Stuart, reine d’Écosse, épousa le futur François II qui reconduisit l'Auld Alliance contre les Anglais. Elle fut reine consort de France jusqu’à la mort prématurée de François en 1560. La catholique Marie Stuart est alors retournée en Écosse où, après maintes tribulations, elle finit par avoir la tête tranchée sur ordre de sa cousine anglaise Elizabeth I. Ce n’est qu’en 1707 que l’Écosse fut finalement intégrée à la Grande-Bretagne. 


Les Européens ont déjà dit qu’ils refuseraient d’accepter une demande d’adhésion d’une Écosse indépendante. C’est qu’on craint un effet d’entraînement. Plusieurs pays de l’UE font face à des mouvements sécessionnistes. Pensez à l’Espagne et aux Catalans.  


Cela va quand même créer des tensions politiques énormes en Grande-Bretagne. Les Écossais risquent d’être moins avenants que les Catalans face au blocage de Londres. Les Irlandais du Nord sont aussi tentés de prendre le vent du large par rapport à l’Angleterre.  


Pour la première fois depuis l’indépendance et la partition de l’Irlande en 1921, les nationalistes nord-irlandais obtiennent plus de sièges que leurs adversaires, les unionistes pro-Brexit. 


Donc, il faut s'attendre à des tumultes politiques prévisibles dans ce qui s’appelle toujours, pour l’instant, le Royaume-Uni. Et c’est sans parler des difficultés économiques que va engendrer le Brexit et de l’acrimonie que vont certainement provoquer les «négociations de divorce» entre Londres et Bruxelles.




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