Cégep: le Conseil supérieur de la langue française en faveur du libre choix

à son prochain congrès, le parti de Pauline Marois s'engagera à imposer la Charte de la langue française au cégep

Cégep en français




L'application de la loi 101 au cégep serait une solution pour que les jeunes immigrants maîtrisent la langue française et puissent s'intégrer et s'épanouir en français et se sentir ici chez eux.
PHOTO: MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE


Denis Lessard La Presse - Le Conseil supérieur de la langue française recommande le maintien du libre choix en matière de langue d'enseignement au collégial. Mais, selon le Parti québécois, cet «avis faiblard» ne convaincra personne: à son prochain congrès, le parti de Pauline Marois s'engagera à imposer la Charte de la langue française au cégep.
En point de presse, hier, le président du Conseil supérieur de la langue française, Conrad Ouellon, soulignait que la proportion des élèves allophones qui optent pour le cégep en français a augmenté au cours des dernières années.
En 2009, 64% des allophones s'inscrivaient au réseau francophone, une augmentation significative - il s'en trouvait seulement 44% en 1998.
L'effet de la Charte
Selon M. Ouellon, c'est la conséquence de l'imposition de la Charte de la langue française, en 1977. «C'est un mouvement qui s'est accéléré depuis trois ou quatre ans, les raisons en sont probablement l'effet de la sélection des immigrants, mais on peut aussi penser que l'imposition de la langue française au primaire et au secondaire à la longue se répercute au cégep», explique-t-il.
«C'est une augmentation d'environ 3% par année, cela me semble intéressant et je ne vois pas pourquoi on modifierait un système qui semble fonctionner à l'heure actuelle», observe-t-il. Ainsi, ces dispositions de la loi 101 pour les immigrants «produisent les fruits escomptés».
Les tenants de l'imposition de la loi 101 au cégep s'appuyaient sur le constat que, majoritairement, les allophones se tournaient vers l'anglais, «ce n'est plus le cas», observe M. Ouellon.
Dans les cégeps anglophones, on compte 25% d'élèves francophones, un niveau relativement stable depuis 1998, hormis une montée subite, à plus de 35%, en 2008. Ces élèves «connaissent le français en grande majorité, parce qu'ils proviennent du secondaire français. On ne peut penser que le fait de passer deux ans au cégep anglais annulerait tout le processus de francisation», explique l'universitaire.
Pour les élèves francophones, la proportion des inscriptions au cégep francophone reste stable autour de 95%. Même chose du côté anglophone, un peu plus de 5% seulement des anglophones font leur cégep en français. Un bémol toutefois, le secteur francophone a une moins grande force d'attraction; 92% des élèves qui ont fait leur secondaire en français optent pour cette langue au collégial, 95% de ceux qui ont étudié en anglais au secondaire poursuivent leur éducation en anglais par la suite.
Comme l'a révélé aussi La Presse il y a deux semaines, tous les membres du Conseil, unanimement, ont appuyé cette position. Conrad Ouellon se défend d'avoir eu des considérations politiques avec cet avis que n'a pas sollicité le gouvernement, insiste-t-il. L'an dernier, rappelle-t-il, le Conseil avait eu une position diamétralement opposée à celle du gouvernement Charest sur les écoles passerelles, «on nous a regardés un peu de travers, mais personne ne nous a tapé sur les doigts».
Avis «faiblard»
L'avis du Conseil tombe quelques jours avant le congrès du Parti québécois de la mi-avril où on proposera l'imposition de la loi 101 au cégep. Cette avenue sera à coup sûr contestée en cour, observe M. Ouellon.
Selon Pierre Curzi, critique péquiste sur les questions linguistiques, dans son avis «faiblard et décevant», le Conseil n'a pas voulu tenir compte de l'ensemble des études disponibles dont les conclusions sont beaucoup plus sombres sur l'avenir du français. Au cégep, chaque année, 3500 personnes, francophones et allophones confondus, font le choix de passer au réseau anglophone. Selon le député Curzi, «ils font le choix anglicisant» déterminant pour leur parcours professionnel - la moitié de ces francophones et les trois quarts des allophones opteront pour l'anglais comme langue de travail. La force d'attraction de l'anglais est cinq fois plus grande que celle du français. Si la tendance se maintient, en 2030, c'est 70% des Montréalais qui auront l'anglais comme langue d'usage, prévient le député Curzi.
En revanche, selon la ministre Christine St-Pierre, avec l'avis du Conseil, «le Parti québécois est de plus en plus isolé» sur cette question. Même le chef bloquiste, Gilles Duceppe, a refusé de cautionner le choix de Mme Marois.
De son côté, le chef adéquiste, Gérard Deltell, y voit aussi «une gifle à la position radicale» de la chef péquiste, Pauline Marois. «Pauline Marois mise sur la division des Québécois. L'avis du Conseil est pour elle un rappel à l'ordre sérieux», de soutenir M. Deltell.
Recommandations
Le Conseil se défend de préconiser le statu quo. Selon l'organisme, les collèges anglophones doivent veiller au maintien des compétences en français de leurs élèves.
Selon M. Curzi, le Conseil soutient sans fondement scientifique que les élèves qui traversent le cégep anglophone ont une bonne connaissance de l'anglais.
Quant aux cégeps francophones, ils doivent renforcer leur soutien linguistique aux non-francophones, observe le Conseil.
Selon M. Ouellon, toutefois, rien ne démontre que de faire des études collégiales en anglais pousse les élèves à vivre et travailler en anglais. Les études parlent «d'intentions», mais rien n'indique qu'elles se réalisent, résume-t-il.
Dans bien des cégeps anglophones, les directions sont conscientes que leurs élèves devront fonctionner dans une société francophone, «que leurs clients seront francophones», observe M. Ouellon. Plus que le pouvoir d'attraction de l'anglais selon lui, c'est le dynamisme des collèges anglophones, qui font davantage de publicité pour recruter, qui attire les élèves, croit-il.
Pas question pour lui d'être alarmiste devant l'importance de l'anglais dans les rues commerciales de Montréal, c'est avant tout une question de perception, explique l'universitaire.


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