La loi 101 au cégep : apprendre l’anglais sans s’angliciser

Cégep en français


Face au recul grandissant du français à Montréal et au Québec, le besoin d’agir est criant, et l’extension de la loi 101 dans les cégeps semble être une mesure essentielle qui pourrait faciliter un renforcement de l’apprentissage de l’anglais dans les régions éloignées de Montréal.
Le français et l’éducation
D’entrée de jeu, l’éducation joue un rôle primordial dans la transmission d’une langue et d’une culture. Parmi toutes les mesures de la Loi 101, ce sont les mesures scolaires qui ont eu le plus grand impact sur la force d’attraction du français, notamment sur les transferts linguistiques. Avant son application, en 1977, près de neuf immigrants sur dix envoyaient leurs enfants à l’école anglaise. La Loi 101 a rétabli ce qui constitue la normalité dans la plupart des pays occidentaux, à savoir que l’enseignement public est donné aux nouveaux arrivants dans la langue majoritaire de la société d’accueil. La Loi 101 voulait que l’école anglaise cesse d’être assimilatrice et qu’elle constitue un système d’exception accordé à la minorité historique anglophone.
Au moment de son instauration la Loi 101 ne s’appliquait qu’au primaire et au secondaire, les auteurs de la Charte ayant estimé, - à tort -, qu’elle aurait un effet de généralisation au cégep et à l’université. Il faut dire qu’à l’époque, seule une minorité de gens avaient accès aux études supérieures. Par conséquent, la question de la langue s’y posait beaucoup moins qu’aujourd’hui, alors qu’on estime que 70% des emplois créés d’ici 2016 exigeront au minimum une formation collégiale.
Les effets du cégep anglais
Le cégep anglais anglicise. Récemment, l’Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA) a révélé que 93% des allophones qui fréquentent le cégep français utilisent principalement le français lors de leurs achats, ce qui n’est le cas que pour 40% des allophones et 60% des francophones qui fréquentent les cégeps anglais. Par ailleurs, 81% des allophones et 91% des francophones qui fréquentent le cégep français utilisent le français au travail, comparativement à 40% des allophones et 60% des francophones, lorsqu’ils fréquentent le cégep anglais.
Près de 50% des allophones fréquentent le cégep anglais. Alors que les cégeps sont des institutions publiques financées par la population, qu’ils produisent une main-d’œuvre considérable, et qu’ils ont un pouvoir d’acculturation important, il est souhaitable et nécessaire que 90% des allophones fréquentent les cégeps français afin d’assurer la vitalité de la communauté francophone. Actuellement, malgré ce que l’on entend, rien ne permet de croire qu’il y a une réelle tendance à la hausse dans les inscriptions au cégep français, alors que les cégeps anglais se voient dans l’obligation de refuser de plus en plus d’étudiants, vu leur popularité grandissante.
Les effets étendus de la Loi 101 au collégial
L’application de la loi 101 au niveau collégial réglera en partie le problème du sous-financement des institutions d’éducation supérieure francophones. L’accès au réseau collégial français n’est pas balisé par la Loi 101. Le Québec est à peu près le seul État au monde où l’on finance des institutions d’éducation supérieure dans une autre langue que la langue officielle et commune, sans aucune limite et sans aucune restriction. L’étude de l’IRFA a clairement démontré la forte corrélation existant entre le choix de la langue d’enseignement universitaire et celle du collégial. Il est donc très légitime de croire que l’application de cette loi aura comme effet de gonfler les inscriptions dans les universités francophones, augmentant par le fait même leur financement.
L’exode des jeunes des régions vers Montréal s’estompera. Selon le député Pierre Curzi, l’anglicisation de Montréal et du marché du travail crée un fossé grandissant entre la métropole et les régions, ce qui incite de plus en plus de jeunes des régions à migrer pour ne pas demeurer en marge du mouvement. L’extension de la loi 101 au niveau collégial, complétée par d’autres mesures, notamment dans le marché du travail, freinerait selon lui cette tendance. Les fonds présentement investit dans les cégeps anglais de Montréal pourront ainsi être réinvestis dans les programmes de langues secondes en région.
La défense du français dans le contexte mondial
Le Québec constitue l’une des sociétés les plus bilingues du monde. Parmi les opposants à la mesure, certains invoquent l’utilité des cégeps anglais comme lieux privilégiés d’apprentissage de l’anglais, langue seconde, dans le contexte de la mondialisation. Cependant, rien n’empêche de renforcer, parallèlement à l’application de la Loi 101 au collégial, l’apprentissage d’autres langues par diverses mesures, comme d’autres pays le font. Si l’on prend la Belgique en exemple, la scolarité de tout étudiant dans ce pays se déroule obligatoirement en français ou en néerlandais, selon qu’il réside en Wallonie ou dans les Flandres. Ces politiques linguistiques territoriales sont par ailleurs tout à fait compatibles avec l’enseignement des langues secondes, tout en étant parfaitement respectueuses des droits fondamentaux.
Finalement, ce qui est important de comprendre est que l’application de la Loi 101 au cégep ne vise pas à priver les francophones et les allophones de l’apprentissage de l’anglais, mais à relayer cette mission aux cégeps francophones, qui assumeront le double-rôle d’assurer et de poursuivre l’intégration de tous les nouveaux arrivants à la majorité francophone ainsi que d’offrir à ceux qui le désirent un enseignement sérieux et efficace des langues secondes.


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    7 octobre 2012

    M. Paolo Philpot,
    Puis-je vous suggérer le texte suivant à titre d'argumentaire complémentaire:
    http://www.coopuqam.com/275283-Des-arguments-autour-de-themes-portant-sur-la-coherence-du-systeme-d-enseignement-en-Francais-produit.html
    Bien votre
    M.P.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 septembre 2012

    Bravo à Paolo.
    Son texte est juste et inspirant.
    Dommage que les Média "ordinaires" ne publient pas d'aussi bons articles sur le sujet.

  • Chrystian Lauzon Répondre

    1 septembre 2012

    Pourquoi, dans un juste retour d’ascenseur convivial, n’y a-t-il pas des cours de français langue seconde de la « langue première du Québec» obligatoires dans les écoles anglaises?
    Ne serait-ce pas une passerelle naturelle inclusive du milieu anglophone à la nation québécoise par le biais de ses propres institutions? Une collaboration volontaire à la nation québécoise conçue comme une collectivité associée à la promotion d’un projet d’indépendance, ne serait-ce qu’au plan économique par rapport au déficit, endettement et dédoublements imposés par le Canada.
    Une nouvelle loi 101 devrait aménager un tel élargissement du biliguisme inversé au Québec (enseignement du français dans toutes les écoles). Puisqu’actuellement rien n’oblige les institutions d’enseignement anglaises, subventionnées par la nation majoritaire francophone à travers l’État québécois, d’offrir des cours de français, qui au niveau primaire et secondaire, devraient être obligatoires. Non?!
    Une promotion des avantages économiques, culturels et politiques du projet d’indépendance devraient être intégrée à cette nouvelle loi 101 ou articulée parallèlement, à titre de moyen pratique d’intégration de tous les citoyens à cette éventuelle et profitable séparation du Québec du Canada.
    Montrer en quoi anglophones, allophones et autochtones du Québec profiteraient de cette séparation serait une manière d’unir les diverses forces du Québec, positivement, en considérant que la « différence » de la nation québécoise est inclusive et non divisante de l’intérieur.
    En écartant la différence du différend, peut-être que les animosités d’origines multiples feraient place à une intelligence complice dans le développement d’une indépendance axée sur le meilleur pour le Québec.
    C’est étrangement (puisque dans un contexte électoral de haine du Québec de la part du reste du Canada) sur une complicité similaire que mise la CLASSE pour créer une alliance pan-canadienne avec les étudiants pour contrer la hausse des frais de scolarité face au néolibéralisme mondialisant qui fait de l’éducation une marchandise et une compétition internationale monétarisée.
    Faire le Pays, c’est une tâche de l’intérieur du Québec autant que face au Canada et au reste du monde. D’autant que la crise économique mondiale galopante exigera par réflexe le resserrement des nations sur elles-mêmes défensivement – c’est ce que Jacques Parizeau laissait entendre dernièrement lors d’états généraux sur le nationalisme. Ce qui peut jouer en faveur d’une séparation obligée du Québec sur tous les plans.