Yves Chartrand - Attendez-vous à entendre parler beaucoup de libreéchange économique durant la prochaine année. Le discours de Jean Charest le week-end dernier à Montréal sur «le nouvel espace de prospérité économique» ne tombe pas du ciel. Il est le résultat d'un plan patiemment échafaudé par le chef libéral pour reprendre l'initiative du jeu politique.
Il y a déjà un bon moment que Jean Charest et ses ministres à vocation économique poussent leurs pions, autant sur la scène canadienne qu'européenne, pour mettre en place l'environnement propice qui permettra d'ouvrir des négociations pour en arriver à des traités de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, d'une part, et entre le Québec et l'Ontario d'autre part.
S'il a jugé dimanche dernier d'en faire le thème central de son allocution au conseil général du PLQ à Montréal, c'est qu'il juge avoir atteint une zone de confort pour passer en seconde vitesse. «Mon objectif, c'est de faire du Québec la grande porte d'entrée de l'Europe en Amérique du Nord», a-t-il dit à ses militants.
Depuis novembre 2006, Jean Charest a multiplié les contacts et les rencontres avec les décideurs politiques et économiques pour susciter l'adhésion à son projet. Et tout porte à croire qu'il a bel et bien réussi.
En parallèle, Stephen Harper pousse lui aussi le dossier en Europe. Les plus influents regroupements de gens d'affaires, tels le Conseil canadien des chefs d'entreprises, le Conseil du patronat du Québec et Business Europe, ont déjà fait des déclarations d'appui. Les Desmarais, Péladeau, Lamarre, Beaudoin, Saputo, etc. supportent le projet.
Une «occasion unique» nommée Sarkozy...
Mais le véritable déblocage est survenu cet été lors de sa rencontre avec le nouveau président français, Nicolas Sarkozy. Les deux hommes ont des intérêts politiques convergents qui plaident en faveur d'une entente de libre-échange.
Nicolas Sarkozy a été élu sur son engagement de «faire bouger la France», un pays qui a pris un retard économique préoccupant. Jean Charest cherche pour sa part à reprendre l'initiative du jeu politique au Québec qu'il a perdu depuis l'élection du 26 mars.
Les deux ont convenu de mener une négociation - qui a déjà débuté - entre le Québec et la France pour parvenir à une entente globale sur la reconnaissance des compétences qui ferait, par exemple, qu'un médecin français serait reconnu ici comme chez lui. Idem pour les Québécois.
Si cette entente survient, Jean Charest juge qu'elle donnera «une impulsion majeure» à un traité de libre-échange entre le Canada et l'Europe. Et selon lui, il y aura «une occasion unique» lorsque Nicolas Sarkozy prendra la direction de l'Union européenne, le premier juillet 2008, et sera en mesure de dynamiser le dossier.
Scénario idéal
Personne ne veut le dire dans l'entourage de Jean Charest, mais le scénario idéal pour les libéraux serait de voir Nicolas Sarkozy annoncer le début des négociations sur une entente de libreéchange lors de son passage à Québec à l'automne 2008, dans le cadre du Sommet de la Francophonie.
En attendant, le PLQ devra passer à travers le printemps prochain en priant pour que les adéquistes et les péquiste ne se sentent pas d'attaque pour une campagne électorale. Car une fois ce moment passé, le chef des libéraux sera peut-être en mesure de rallier les Québécois derrière lui avec la promesse d'une entente économique avecl'Europe.
«Une bonne nouvelle», dit Landry
Une preuve que Jean Charest a peut-être trouver le projet rassembleur qu'il recherche désespérément pour se remettre en selle: il a l'appui entier de Bernard Landry qui voit dans une entente de libre échange avec l'Europe, «une sacrée bonne nouvelle» pour le Québec.
Rejoint cette semaine, l'ex-premier ministre péquiste a été limpide. Il y a longtemps qu'il souhaite une marché beaucoup plus ouvert avec les Européens et «si Charest peut y contribuer, c'est tant mieux».
«Une telle entente ne peut que servir notre économie», dit-il rappelant ses efforts personnels pour y parvenir. «Pousser sur le Canada pour qu'il signe un accord de libre échange avec l'Union européenne, c'est une excellente chose».
Rappelons que Bernard Landry était sur la ligne de front en 1987 et 1988 pour défendre bec et ongles l'entente de libre échange avec les États-Unis que proposait le gouvernement de Brian Mulroney. Lors de l'élection fédérale de 1988, cet enjeu avait valu à l'ancien premier ministre conservateur d'augmenter son nombre de sièges au Québec, de 58 à 63.
Jeux de pouvoir
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé