Écoles privées juives

Charest se défend : Marguerite-Bourgeoys ne renouvellera pas ses cinq ententes

Écoles privées juives

L'idylle entre la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys et les écoles privées juives aura été de courte durée. Alors que le premier ministre niait tout lien entre la décision de financer des écoles juives à 100 % et les généreuses contributions de la communauté juive à la caisse électorale de son parti, le conseil des commissaires de Marguerite-Bourgeoys revenait sur leur association à cinq écoles privées juives.
Dans une résolution, adoptée hier soir par trois voix de majorité, la Commission scolaire a décidé de ne pas reconduire en septembre prochain l'entente d'association signée le mois dernier avec cinq écoles juives. La volte-face de Marguerite-Bourgeoys ne sonne cependant pas le glas des contrats d'association qui permettent aux écoles juives d'être financées au même niveau que les écoles publiques puisque la Commission scolaire Lester-B.-Pearson est sur le point de conclure au moins deux autres ententes. Au total, ce sont 15 écoles qui sont susceptibles de bénéficier de tels avantages, ce qui signifierait un débours additionnel d'environ 10 millions pour le gouvernement.
Et ce n'est pas fini. «Il faut intervenir à l'échelle provinciale pour convaincre le gouvernement de stopper cette pratique», a fait valoir la présidente du Comité central de parents de Marguerite-Bourgeoys, Danielle Houle, qui a suggéré aux commissaires de renverser leur décision lors de la période de questions réservée au public.
Sa proposition a été inscrite à l'ordre du jour par la commissaire Nicole Pichette, irritée au plus haut point par ce financement à des écoles religieuses au moment même où le système public marche vers sa déconfessionnalisation. «C'était aller à l'encontre de notre propre système public, sous le couvert d'encourager les relations interculturelles», a dénoncé Mme Pichette.
Pas un retour d'ascenseur
Plus tôt dans la journée, le premier ministre a tenté de corriger la perception assimilant sa décision à un retour d'ascenseur. «Il n'y a aucun lien entre le financement politique et la décision qu'a prise le gouvernement du Québec», a déclaré M. Charest au cours d'un point de presse impromptu, convoqué moins d'une heure après que le chef de l'opposition officielle l'ait sommé de s'expliquer.
Le premier ministre a également démenti l'information publiée hier dans La Presse voulant qu'un événement-bénéfice tenu en novembre dans la communauté juive ait permis d'engranger 750 000 $ dans les coffres du Parti libéral du Québec, quelques semaines avant que le ministre de l'Éducation prenne officiellement sa décision controversée.
Ce fait d'armes du ministre du Revenu, Lawrence Bergman, lui aurait valu les félicitations du premier ministre lors d'une réunion du caucus libéral. «M. Bergman, je l'ai félicité parce qu'il a participé à plusieurs activités pendant l'année; c'est pour l'ensemble de son travail que je l'ai félicité. Mais il n'y a pas eu une activité de financement pour ce montant-là», a précisé Jean Charest.
De son côté, M. Bergman a refusé de discuter de l'état des collectes de fonds au sein de la communauté juive. Son association de comté a néanmoins tenu le 22 novembre un souper-bénéfice auprès de membres de la communauté juive qui a permis de récolter 69 500 $, soit un des montants les plus importants recueillis au cours d'un tel événement.
La Fédération CJA, qui a notamment approché le gouvernement pour réclamer le statut d'école associée pour les écoles juives, a par ailleurs diffusé un communiqué de presse laconique hier précisant qu'elle ne «contribue ni au financement ni à la promotion d'aucun parti politique».
Les rapports déposés auprès du Directeur général des élections montrent cependant que l'ancien président de l'organisme, Steven Cummings - nommé l'an dernier au conseil d'administration de la Caisse de dépôt -, et l'actuel président, Sylvain Abitbol, ont contribué respectivement à hauteur de 12 000 $ et 10 000 $ depuis quatre ans au financement du Parti libéral, ce qui correspond au maximum autorisé par la loi (à l'exception d'une contribution de 1000 $ en 2002 dans le cas de M. Abitbol). Personne n'était disponible pour répondre aux questions du Devoir à la Fédération CJA.
Le PQ demande la démission de Reid
Le chef de l'opposition officielle, Bernard Landry, a sommé le gouvernement de revenir sur sa décision et suggéré «fraternellement à la communauté juive de demander au gouvernement de rappeler sa décision», qualifiant celle-ci de «grossière régression» dans le «grand mouvement de laïcisation» du système d'éducation.
Le Parti québécois a exigé que le ministre de l'Éducation, Pierre Reid, rende publics les documents qui ont mené à sa décision, que plusieurs attribuent au premier ministre lui-même.
«C'est angoissant de voir un premier ministre faire des choses semblables avec une telle légèreté», a poursuivi M. Landry, soulignant que M. Charest a le devoir de «bien démontrer qu'il n'a pas pris cette décision en lien avec les contributions à la caisse électorale de son parti».
La critique en matière d'éducation en a rajouté, réclamant la démission de Pierre Reid. Elle soutient que la «bourde» en ce qui a trait aux écoles juives vient s'ajouter à sa gestion controversée de la réforme des cégeps et aux compressions dans le programme des prêts et bourses. «Il n'est plus l'homme de la situation. Il a fait trop d'erreurs», a renchéri Bernard Landry.
C'est du bout des lèvres que Jean Charest s'est porté à la défense de son ministre, se contentant de répondre par l'affirmative à une journaliste lui demandant s'il était «fier de son ministre».
Il a par ailleurs fait valoir que la décision avait fait l'objet d'un «processus public», puisque les commissaires des commissions scolaires Lester-B.-Pearson et Marguerite-Bourgeoys avaient entériné les ententes, soulignant que les accords devaient en premier lieu intervenir entre les écoles associées et les commissions scolaires concernées.
Or c'est le gouvernement lui-même qui a proposé une telle association aux commissions scolaires en septembre et non les écoles juives. «Peu importe. Dès que les écoles associées manifestent la volonté de conclure une entente, cela importe peu de savoir de quelle façon le reste va se faire», a balayé M. Charest du revers de la main, mentionnant que des demandes formulées par d'autres écoles privées seraient évaluées «au cas par cas», «équitablement».
La décision n'a cependant été discutée ni au conseil des ministres ni au Conseil consultatif sur l'enseignement privé (au sein du ministère de l'Éducation), pas plus qu'au Conseil supérieur de l'éducation (CSE). «J'ai fait des consultations auprès de certains collègues et j'ai travaillé beaucoup avec mon ministère», s'est borné à dire le ministre de l'Éducation, Pierre Reid. Le premier ministre a pour sa part rappelé que la question «est dans le décor depuis 10 ans» et que les écoles helléniques jouissent déjà de tels privilèges.
Pour le député adéquiste Janvier Grondin, la décision se résume à un «retour d'ascenseur» partisan. «C'est un cadeau. C'est "gratte-moi le dos aujourd'hui, je vais gratter ton dos demain"; c'est comme ça que ça marche», a dit le député de Beauce-Nord, Janvier Grondin, à l'occasion d'un point de presse à Sainte-Marie-de-Beauce.
La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB-M) a de son côté réclamé la tenue d'une enquête publique devant «l'inconsistance» des explications du gouvernement. «Il est grand temps que les partis comprennent que les décisions d'intérêt public ne peuvent être subordonnées à leur financement électoral», a soutenu le président de la SSJB-M, Jean Dorion
Avec la Presse canadienne


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