Guillaume Bourgault-Côté - Ottawa — Le torchon brûle encore entre Québec et Ottawa sur le plan environnemental. Hier, le ministre Jim Prentice a qualifié de «sottise» la nouvelle réglementation introduite par Québec pour imposer des normes de réductions de gaz à effet de serre (GES) aux constructeurs automobiles.
Lors d'une allocution présentée à l'Université de Calgary, le ministre fédéral de l'Environnement s'est montré virulent envers le Règlement sur les émissions de GES des véhicules automobiles, entré en vigueur il y a deux semaines et dont les normes s'inspirent largement de celles mises en oeuvre en Californie.
«Contre-productif»
Parlant de l'importance d'arrimer les normes environnementales canadiennes sur les américaines, M. Prentice a affirmé qu'il est «absolument contre-productif et totalement inutile pour le Canada de se débattre seul de son côté, d'établir des cibles qui créeront ultimement des barrières aux échanges [commerciaux] et nous désavantageront».
Le ministre a poursuivi en disant qu'un «des plus flagrants exemples de la sottise [«folly»] d'essayer d'agir seul dans une économie nord-américaine intégrée est la nouvelle — et unique — réglementation introduite par Québec». Selon M. Prentice, celle-ci fait en sorte «que les consommateurs auront à acheter leur véhicule ailleurs qu'au Québec pour éviter de payer une redevance allant jusqu'à 5000 $, parce que 75 % des derniers modèles d'autos et de camions ne sont pas conformes aux nouvelles règles».
La réglementation présentée en décembre par la ministre du Développement durable et de l'Environnement, Line Beauchamp, vise à forcer les constructeurs automobiles à construire des véhicules moins polluants, tout en stimulant une réorientation des stratégies de vente vers les véhicules les plus économes.
D'ici 2016, les constructeurs devront s'assurer que la moyenne des émissions de GES des différents modèles qui composent leur parc automobile respectif n'excède pas les normes établies par Québec (par rapport à 2009, une réduction de plus de 60 % du nombre de grammes d'équivalent de CO2 par kilomètre).
Le calcul retenu fait la moyenne de la consommation des modèles produits et de ceux vendus: à un certain point, les constructeurs polluants devront payer 5000 $ pour tout véhicule vendu au-delà de la moyenne permise.
Fallacieux
«C'est franchement ridicule comme discours», a réagi hier Steven Guilbeault, coordonnateur général adjoint d'Equiterre et coprésident du Réseau action climat international.
En soulignant que Jim Prentice «devrait avoir le courage de dire ces choses au Québec, pas à Calgary», M. Guilbeault a relevé que le portrait de situation nord-américain est différent de celui suggéré par le ministre: 15 États américains (représentant environ 50 % du parc automobile) suivent le même chemin que Québec. De même, la Colombie-Britannique et le Manitoba étudient des plans similaires.
«Ces États et le Québec sont en train de forcer l'industrie à produire des véhicules plus propres, dit M. Guilbeault. C'est vraiment mal comprendre la situation que de penser que les constructeurs automobiles vont produire deux modèles de voitures, un polluant et un plus vert. Ils n'en produiront qu'un seul qui répondra aux normes. C'est fallacieux de laisser croire le contraire», estime-t-il.
Steven Guilbeault ne voit qu'une explication à la sortie de Jim Prentice: «une rétribution mesquine du fédéral pour ce qui s'est passé à Copenhague», alors que Jean Charest avait critiqué les positions du gouvernement Harper. Le différend a ressurgi à Rivière-du-Loup en janvier, lors d'une conférence de presse conjointe des deux premiers ministres.
Pour le critique du Bloc québécois en matière d'environnement, Bernard Bigras, Jim Prentice a dans les faits voulu «rassurer sa base électorale dans l'Ouest et en Ontario. Il a fait d'une pierre trois coups en prenant parti pour les concessionnaires, l'industrie automobile et l'industrie pétrolière».
Charge de Prentice contre Québec
La nouvelle réglementation touchant les constructeurs automobiles est une «sottise», dit le ministre
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