Pollution automobile

Prentice provoque la stupeur du Québec

Le ministre Jim Prentice n’a pas expliqué hier l’apparente contradiction entre sa sortie de lundi et le règlement qu’il a proposé en décembre

Le "fédéralisme bitumineux" - américanisation du Canada

Le ministre Jim Prentice n’a pas expliqué hier l’apparente contradiction entre sa sortie de lundi et le règlement qu’il a proposé en décembre
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
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Guillaume Bourgault-Côté - Ottawa — Des propos «fallacieux» et «aberrants» venant d'un «pantin» à la «solde des pétrolières»: le ministre fédéral de l'Environnement, Jim Prentice, a eu droit hier à un tir groupé de critiques acerbes à la suite de sa sortie contre Québec. Celle-ci a d'autant plus étonné que le ministre a attaqué une réglementation qu'Ottawa envisage d'adopter...
«Très, très surprise» d'entendre la charge du ministre Prentice contre le règlement [québécois] sur les émissions des véhicules automobiles, la ministre québécoise de l'Environnement, Line Beauchamp, n'en revenait tout simplement pas hier. «Le Canada avait pourtant salué notre décision, à un point tel qu'il a annoncé vouloir appliquer les mêmes normes sur l'ensemble du territoire canadien dès 2011», a-t-elle indiqué en entretien téléphonique.
Passé sous silence
De fait, le gouvernement fédéral a annoncé le 7 décembre dernier un «projet de règlement visant à réduire les émissions de GES provenant de nouveaux véhicules». Passé sous silence au moment de sa sortie — le début de la conférence de Copenhague monopolisait alors l'attention —, le projet stipule que les cibles proposées «placeraient les normes canadiennes sur les émissions de gaz à effet de serre [GES] au pair avec les normes nationales des États-Unis et, d'ici 2016, avec les normes de la Californie».
Le document d'information du projet mentionne qu'une «approche nord-américaine commune à la réglementation des émissions de GES provenant des nouveaux véhicules sera avantageuse pour l'environnement, l'industrie et les consommateurs». Le projet est fort semblable à celui de Québec: on parle d'établir une norme d'émissions de GES pour les constructeurs automobiles, norme qui sera calculée en fonction de l'empreinte écologique de chaque modèle et du nombre de véhicules vendus.
Seule différence majeure, le règlement adopté par Québec est déjà en vigueur. Il est calqué sur celui adopté par 15 États américains, qui représentent 40 % du parc automobile des États-Unis. Or M. Prentice a estimé lundi que l'initiative de Québec est un «des plus flagrants exemples de la sottise [«folie»] d'essayer d'agir seul dans une économie nord-américaine intégrée».
Le ministre a ajouté que ce règlement fera en sorte «que les consommateurs auront à acheter leur véhicule ailleurs qu'au Québec pour éviter de payer une redevance allant jusqu'à 5000 $, parce que 75 % des derniers modèles d'autos et de camions ne sont pas conformes aux nouvelles règles».
Le bureau de M. Prentice n'a pas souhaité expliquer hier l'apparente contradiction entre la sortie du ministre et le règlement mis en avant par Ottawa en décembre.
Porte-parole du lobby?
Pour Line Beauchamp, les «arguments [de M. Prentice] endossent totalement le discours du lobby des constructeurs automobiles. Ça m'étonne parce que ce qu'il évoque ne correspond pas du tout au règlement, ce sont des énoncés inexacts», dit-elle.
Mme Beauchamp relève ainsi que le Québec est loin d'être seul dans son clan: «On fait partie d'un club d'États fédérés qui veut ouvrir la voie et imposer la cadence.» Elle précise que la pénalité de 5000 $ est une valeur de référence: pour qu'un constructeur atteigne cette amende, il faudrait qu'il ait dépassé de 100 % son quota d'émissions d'ici cinq ans.
Line Beauchamp a promis qu'il y aura «des échanges entre fonctionnaires fédéraux et provinciaux pour essayer de trouver» où M. Prentice a pris ses informations.
L'opposition en colère
À Ottawa, la sortie de Jim Prentice lui a valu des critiques sévères de l'ensemble de l'opposition. «C'est aberrant, a jugé le chef libéral, Michael Ignatieff. Les Canadiens de partout savent que le Québec est un leader sur la question environnementale. Depuis quatre ans, le gouvernement conservateur n'a rien fait et il croit qu'il peut donner des leçons?»
Selon M. Ignatieff, c'est là une «très mauvaise façon de gérer une fédération. Nous avons besoin d'une concertation fédérale-provinciale, pas d'une bagarre. Je ne comprends absolument pas la démarche.»
Au Bloc québécois, Gilles Duceppe a lancé qu'en «matière d'environnement, c'est le laxisme qui est productif pour Stephen Harper, parce que ça profite aux pétrolières. Quand le Québec en fait davantage, au lieu de se faire encourager, il se fait insulter par le ministre des pétrolières». M. Duceppe estime que M. Prentice «cherche à faire peur aux gens. Quand il dit que ça va coûter 5000 $ de plus, c'est complètement faux».
Chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair a pour sa part dit n'avoir «jamais vu un ministre de l'Environnement reprocher à une province de trop en faire pour protéger l'environnement. Ça dépasse l'entendement. [...] M. Prentice est le pantin idéal pour Stephen Harper. Il peut faire ce qu'on lui demande de faire et dire que ceux qui veulent protéger l'environnement sont des imbéciles. C'est du jamais vu, et ça va rester dans les mémoires», croit-il.
Pour sa part, le lieutenant de M. Harper au Québec, Christian Paradis, a indiqué en matinée que M. Prentice a soulevé des «questions qu'il faut se poser», notamment si l'imposition d'amendes pourrait entraîner un exode des acheteurs.


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