Choisir son combat!

Laïcité — débat québécois

La progression des islamistes en Tunisie, en Lybie, au Maroc et en Egypte, avec l'instauration fort probable de la charia, suscite des inquiétudes dans les opinions publiques occidentales. Voilà pourquoi le téléjournal de Radio Canada a jugé bon, le 22 novembre dernier, de consacrer un reportage de trois minutes sur la charia. Trois personnes ont été approchées dont l'imam de la mosquée de Brossard.

La journaliste Azeb Wolde-Giorghis a retenu des propos de l'imam Foudil Soulemane que la charia commande de couper la main aux voleurs parce que selon lui «ça sert de leçon aux autres et ça crée une société et une ambiance où il y a la paix et la justice». L'imam nuance cependant : «pas à celui qui vole pour manger mais seulement à ceux qui ont de l’argent et qui volent». Et pour enfoncer le clou l'imam justifie la lapidation des femmes par le fait qu'elle existe dans la charia et que c'est ''pour créer une société saine, pure, claire, équilibrée et balancée. C'est pour éviter des crimes, des malentendus..''.

Puisque les musulmans du Québec, dans leur majorité, ne partagent pas de telles convictions, ils ne devraient pas attendre qu'on leur tende le micros pour les condamner. Les musulmans et les imams du Québec devraient s'en dissocier publiquement. En ne le faisant pas, ils assument une part de responsabilité dans l'amalgame et la stigmatisation qui les affectent, particulièrement depuis le 11 septembre 2001.

De la même manière quand des québécois de cultures chrétiennes dénoncent les déclarations anti-avortement du cardinal Marc Ouellet, les musulmans du Québec ne devraient pas se taire quand un imam tient des propos qui portent atteinte aux valeurs communes de tous les québécois quelques soient leurs religions et leurs origines. On appelle cela, affirmer son appartenance citoyenne.

Cela étant dit, condamner les propos de l'imam ne suffirait pas pour réaffirmer l'état de droit. Il faudrait peut-être aussi se demander comment on en est arrivé à ce qu'un imam puisse tenir des propos sortis tout droit du moyen-âge et ce avec un sentiment d'impunité total.

Ce qui m'indigne tout autant que les propos de cet imam, c'est cette ambigüité savamment entretenue par une certaine élite québécoise (intellectuelle et politique) sur la question de la laïcité. L'héritage de la commission Bouchard Taylor s'avère un boulet dont nous n'avons pas encore mesuré toutes les conséquences. Dans son rapport, cette commission a prôné l'adoption d'une laïcité ouverte ce qui est presque le contraire de la laïcité.

Une laïcité ouverte garde les portes grandes ouvertes à la religion au sein même de l'espace civique. C'est dans l'esprit de cette ''ouverture'' multiculturaliste que le cours ''Ethique et culture religieuse a été instauré au primaire et au secondaire. Un cours ou on inculque aux enfants ''un respect absolu de toutes les religions'' selon le philosophe Georges Leroux. C'est dans ce même esprit que l'imam Foudil Soulmane s'est confié en toute quiétude avec des propos qui mettent la loi divine au dessus de l'État de droit. D'ailleurs, je n'ai pas entendu aucun défenseur de la laïcité ouverte, comme Daniel Weinstock, condamner les propos de l'imam.

La charia peut-elle cohabiter avec la démocratie? C'est à cette question complexe que le reportage du téléjournal a essayé d'esquisser une réponse. Devant une question aussi importante, je me suis demandé pourquoi la journaliste a choisi cet imam et non pas un autre ? Du moins pourquoi n'a t-elle pas inclus le point de vue différent d'un autre imam? J'en connais des plus éclairés, à Montréal, qui auraient simplement rappelé que la charia est un cadre de lois qui a évolué au fil du temps et il est impossible qu'un pays aussi moderne que la Tunisie ramène des pratiques aussi barbares que la lapidation des femmes ou de couper les mains des voleurs. Ce n'est pas parce que la loi du talion existe dans l'ancien testament qu'elle a force de loi chez les chrétiens.

D'ailleurs, dans ce même reportage, la journaliste Khadija Darid, rappelle le cas de la Turquie, pays officiellement laïque et gouverné par des islamistes. L'intervention de Khadija dans le reportage dure 14 sec. La partie consacrée aux propos de l'imam occupe presque la moitié du reportage!

Évidemment, en trois minutes on ne fait pas le tour d'un sujet aussi vaste qui fait l'objet de plusieurs interprétations au sein même des pays musulmans. Avec quelques minutes de plus, le reportage aurait peut-être rappelé que le Canada entretient des relations diplomatiques avec l'Arabie Saoudite ou couper la main d'un voleur et décapiter un tueur sur la place publique est une pratique courante.

Un reportage un peu plus long et plus audacieux aurait rappelé que les pays de l'OTAN, dont le Canada, ont militairement aidé en Libye ceux qui ont annoncé leur intention d'adopter la charia. Le Canada vient de contribuer à l'implantation d'un régime islamiste en Libye. Voyant cela, notre imam de Brossard s'est peut-être senti encouragé, par la politique étrangère canadienne, à tenir de tels propos, aussi condamnables soient-ils.

Avant Foudil Soulemane, il y a eu le cas du imam Saïd Jaziri, devenu une attraction médiatique jusqu'à son expulsion en Tunisie. Aujourd'hui, j'entends des voix réclamer du gouvernement québécois la poursuite en justice de Foudil Soulemane.

Sans sous-estimer la gravité des propos du imam Foudil, je me dissocie de cette démarche contreproductive qui consiste à s'arrêter sur l'arbuste qui cache la forêt. Dans un contexte ou la crispation identitaire n'épargne pas le Québec, une chasse aux sorcières par la justice contribuera davantage à la stigmatisation du musulman qu'à la fondation d'une charte de la laïcité.

Le respect de la dignité humaine ainsi que l'égalité entre les hommes et les femmes sont des valeurs universelles. L'adoption d'une charte de la laïcité consacrera ces valeurs auxquels beaucoup de québécois issus de l'immigration, dont je suis, sont très attachés et ce bien avant leur arrivée au Québec.

Le combat pour la laïcité au Québec date du temps des patriotes. Il n'a pas attendu l'arrivée du imam Foudil Soulemane. Ça serait une erreur de la poursuivre à partir de la peur de l'autre et de sa religion. Toutes les religions au Québec ont leurs intégristes.

Ne nous trompons pas de combat.

Mohamed Lotfi

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Journaliste et réalisateur de l'émission radiophonique Souverains anonymes avec les détenus de la prison de Bordeaux





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5 commentaires

  • Pierre Grandchamp Répondre

    5 décembre 2011

    En conclusion, on me permettra de parler de Mme Fatima Houda-Pépin, vice présidente de l'Assemblée nationale du Québec et députée de La Pinière. Elle est d'origine maghrébine.
    A ce sujet, il faut rappeler ses interventions lorsqu'il fut question d'instaurer la loi de la charia en Ontario. Et cela s'est passé il y a environ 6-7 ans.
    Elle parle le même langage que Djemela Benhabib (voir message ci-haut)pour dénoncer, au Québec même, l'islam politique
    Tiré du livre de Fabrice de Pierrebourg (maintenant journaliste à LA PRESSE):"Montréalistan Enquête sur la mouvance islamiste"..p.98-99:
    "Sur le site internet de l'imam Abou H.(un imam de Montréal), on trouve 2 longues diatribes menées à fond de train contre Fatima Houda- Pépin(..) Elle mène un combat acharné et courageux contre l'islam radical et
    extrémiste, "réductionnisme", véritable "cancer" qui gangrène la communauté musulmane. Une semaine après le démantèlement d'une cellule de présumés terroristes à Toronto, elle s'en est prise notamment aux
    imams "formés à l'étranger, pour promouvoir au Québec et au Canada un islam de l'étranger qui n'a aucun rapport avec la réalité et les contextes purement québécois et proprement canadiens". Et la députée de conclure:" Tant et aussi longtemps qu'on laissera des gens ici faire des endoctrinements et lancer des messages de haine à l'encontre des autres pcq ils sont d'une autre religion, d'une autre culture, d'une autre idéologie, nous aurons des problèmes"-Fin citation

  • Pierre Grandchamp Répondre

    5 décembre 2011

    Henri Boulad est un catholique égyptien....Un des pays musulmans où des chrétiens ont été assassinés....et, au moins, une église détruite.

    A voir son entrevue sur:http://www.youtube.com/watch?v=lziFltTZdrs
    Le résumé de l'entrevue:
    Pour lui, l'Occident se laisse prendre dans le piège du "politiquement correct"...
    La liberté religieuse est un mythe pour l'islam radical.Il n'est pas contre les musulmans.Ce qui l'inquiète:la radicalisation de l'islam..Par une minorité radicale et bornée.Ou bien l'islam se réforme ou bien on se dirige vers une conflagration. Le Père Boulad est un père Jésuite égyptien.Il ne tient pas pas un discours de
    chrétien mais celui d'un homme..
    Il y a un plan de conquête de l'Occident déclaré par eux..
    Dans 100 ans l'Occident sera musulman...si ça continue comme ça. Un islam négateur des droits de la femme, droits de l'homme, de la liberté de croire ou
    pas croire, liberté de religion,etc..
    Il y a 57 pays musulmans. "Cite m'en un seul où la liberté religieuse existe"-Henri Boulad chrétien égyptien-....UN SEUL! Sociétés totalisantes,totalitaires
    Même la Turquie qui se prétend laïque....Pas UN SEUL de ces pays accepte la liberté religieuse.Depuis 14 siècles, l'islam relie le religieux au politique et au social:société totalisante, totalitaire..
    Pour l'islam si vous n'êtes pas musulman, vous êtes un imposteur, un impie. VOus êtes un citoyen de seconde zone..
    Depuis 40 ans, il y a un réveil d'un islam pur et dur. Cet islam est incompatible avec une société pluraliste.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 décembre 2011


    Dans son ensemble, c'est une excellente analyse!
    Par contre, M. Lotfi termine son texte avec une approche digne de la laïcité ouverte et du relativisme culturel dont la commission Bouchard-Taylor serait très fière...
    «Le combat pour la laïcité au Québec date du temps des patriotes. Il n’a pas attendu l’arrivée du imam Foudil Soulemane. Ça serait une erreur de la poursuivre à partir de la peur de l’autre et de sa religion. Toutes les religions au Québec ont leurs intégristes.
    Ne nous trompons pas de combat.»
    La conclusion vient contredire tout le reste de l'analyse.
    C'est plutôt décevant car le reste du texte était excellent!
    L'imam Soulemane est responsable d'une importante mosquée à Brossard fréquentée par des milliers de fidèles. Le message émanant de cette mosquée est de loin plus virulent que celui de l'église catholique de chaque petit village au Québec.
    Il ne faut pas tomber dans le relativisme de Bouchard-Taylor car il y a «intégristes» et intégristes...
    Il est donc vrai qu'il ne ne faut pas se tromper de combat...

  • Pierre Grandchamp Répondre

    3 décembre 2011

    Il n'y a pas que l'imam de Brossard. Fabrice de Pierrebourg dans son livre "Le Montréalistan Enquête sur la mouvance islamiste" parle notamment d'un imam extrémiste dans le quartier St-Michel..
    Écoutez! Il est difficile pour nous de croire à "islamiste modéré". Qu'il suffise de rappeler une récente conférence devant avoir lieu à l'Université Concordia et dénoncée par notre Assemblée nationale...qui eut lieu, finalement, dans une mosquée de l'Ouest de Montréal. Et cette femme
    "islamiste modérée" qui était allée démontrer sa "modération" à Hérouxville et qui a été arrêtée récemment
    ,à l'aéroport de Montréal,pour trafic d’armes. Sans parler
    de * crimes d'honneur*..
    Djemela Benhabid, dans son dernier livre, dénonce la montée de l'islam politique, notamment ici au Québec.
    http://lejournaldemontreal.canoe.ca/journaldemontreal/actualites/national/archives/2011/09/20110914-074000.html
    «Ils sont de plus en plus présents, ici, dans pratiquement toutes les régions. Ils s'affichent de plus en plus. Leurs objectifs sont avoués. Il faut lire les livres qu'ils distribuent dans leurs librairies, leurs centres culturels. Ce sont des horreurs», dit-elle.
    Mieux financés
    Selon Mme Benhabib, les islamistes politiques, bien que minoritaires, sont mieux structurés et mieux financés que la plupart des musulmans. Ce sont eux, dit-elle, qui ouvrent des centres communautaires musulmans et qui s'en servent pour propager leur doctrine.
    «Le problème principal des Arabes et des musulmans au Québec, c'est le chômage, la difficile intégration au marché du travail. Si ces centres communautaires avaient réellement à coeur les intérêts de ces gens, ils les aideraient à s'intégrer dans la société d'accueil. Au lieu de cela, on leur enseigne le Coran et l'arabe. Ce n'est pas avec ça qu'ils vont se trouver du travail», dit-elle.
    De la «provocation»
    Ce sont eux aussi, accuse-t-elle, qui cherchent sans cesse à provoquer des situations conflictuelles avec la société d'accueil, «notamment en faisant des demandes d'accommodements raisonnables».
    «Bien sûr, ces crises servent leurs intérêts. Ils placent les musulmans en position de victimes pour pouvoir mieux les jeter dans les bras de l'islamisme politique. C'est une évidence», soutient-elle.
    http://www.cyberpresse.ca/place-publique/editorialistes/mario-roy/201109/06/01-4431805-la-fin-des-illusions.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_BO40_editoriaux_199_accueil_POS1

    "Peut-être l'événement fondateur du XXIe siècle aura-t-il été, non pas le massacre du 9/11, mais l'affaire des caricatures danoises de Mahomet. Quel symbole, en effet, de la capitulation de l'Occident sur le terrain de ses valeurs fondamentales! Car le chantage a fonctionné. Peu de médias ont osé reprendre les caricatures (même l'Université Yale les a omises dans un bouquin sur le sujet!) Et ceux qui l'ont fait, comme le Charlie Hebdo en France ou le Western Standard au Canada, ont été poursuivis par une justice occidentale atteinte de masochisme caractérisé."

  • Archives de Vigile Répondre

    3 décembre 2011

    C'est un excellent article dont je partage tous les propos: de l'intervention de la communauté musulmane contre la charia promue par cet imman, empêcher la chasse aux sorcières pour éviter de stigmatiser l'intégriste et l'adoption d'une charte de la laïcité.
    Hélàs, même les progressistes comme Québec solidaire n'ont pas compris le message de la laïcité pour faire primer l'état de droit.