Contre la loi sur la laïcité au nom des valeurs québécoises

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Les réseaux multiculturalistes paniquent car ils savent que le peuple soutient l'encadrement des signes religieux


La polarisation actuelle du débat sur la laïcité est propice à des excès de langage qui ont déjà causé des dommages au tissu social québécois et on peut penser que ce n’est malheureusement pas terminé. Même si cette loi était adoptée telle quelle, selon la volonté apparemment très déterminée du gouvernement et celle de la majorité des Québécois, il est tout à fait illusoire de penser que l’on pourrait « enfin tourner la page », pour reprendre l’expression du premier ministre Legault. Nous nous étonnons que plusieurs invoquent à cet égard l’exemple de la France (laissons de côté la Belgique et la Suisse), où la clarté jacobine du régime de laïcité n’empêche pas, en permanence, des déchirements et des dérives de toutes sortes. La polarisation, c’est aussi de croire que tout peut se trancher au couteau, que tout puisse se penser en noir ou blanc, et que les édits, injonctions et autres interdictions soient la meilleure recette d’un vivre-ensemble harmonieux.


Nous pensons que la société québécoise doit d’abord prendre exemple sur elle-même et miser sur ses propres réserves de bienveillance, d’empathie et de modération, plutôt que de s’inspirer d’autres modèles ou de se laisser distraire par ce que l’on pense de nous ailleurs au Canada et parfois ici même au Québec. Or, le projet de loi actuel a beau se réclamer d’une modération toute québécoise, il nous apparaît plutôt dangereusement diviseur, à partir de principes sur lesquels il est pourtant facile de s’entendre. Qui donc pourrait s’opposer aux principes de la séparation de l’Église et de l’État, à la neutralité religieuse de celui-ci, à l’égalité de tous les citoyens et citoyennes et à la liberté de conscience et de religion ? Qui donc peut s’opposer à ce que l’État québécois se déclare laïque, d’autant plus qu’il l’est déjà en grande partie dans les faits, à l’exception des subventions aux écoles privées et des crédits d’impôt accordés aux organismes religieux ? Les principes énoncés régissent en fait depuis des décennies la plupart des sphères de notre vie commune et sont inscrits dans des textes qui font loi et autorité.


On peut certes, à partir de ces mêmes principes, tirer des conséquences pratiques différentes ; mais est-ce jusqu’au point de les contredire en limitant ouvertement la liberté de religion ? Nous sommes particulièrement préoccupés par la conception de l’école qui sous-tend ce désir d’interdire aux enseignants, pour la plupart enseignantes, le port de signes religieux. Ici, ce sont les principes mêmes qui sont indéfendables : celui qui fait des enseignants des agents ou des représentants de l’État ; celui qui insinue gratuitement des intentions de prosélytisme dans un tel port ; surtout, celui qui justifie le recours à la disposition dérogatoire en faisant appel aux sentiments identitaires de la majorité. Il y aurait d’un côté ceux et celles qui défendent les droits collectifs et « l’affirmation nationale » et de l’autre, les défenseurs des droits individuels ; d’une part, la légitimité politique de la majorité et de l’autre, l’illégitimité de juristes non élus brandissant leurs chartes des droits forcément multiculturalistes.


Nous récusons vivement cette vision dichotomique qui oublie commodément qu’avant la Charte canadienne, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne a été votée démocratiquement par l’Assemblée nationale. Nous n’adhérons pas à une pensée identitaire qui suggère que la communauté nationale est affaiblie et appauvrie par les droits, le soin et la dignité qu’elle accorde aux personnes concrètes, et notamment aux minorités vulnérables, qui la constituent, quel que soit leur sexe, leur origine, leur condition physique, leurs croyances. Notre opposition à ce projet de loi, nous ne l’affirmons pas au nom d’un individualisme effréné, mais au nom même d’une vision positive de la nation québécoise, de sa culture, de sa réalité pluraliste.


Loin de partager la satisfaction et encore moins l’enthousiasme qu’ont exprimés un grand nombre de nos concitoyens en faveur de cette loi sur la laïcité, nous déplorons l’inégalité entre les sexes qu’elle institutionnalisera forcément dans les faits, en excluant de l’enseignement surtout les jeunes femmes musulmanes portant le voile. D’une manière plus insidieuse, l’esprit de cette loi ne pourra que confirmer une pensée du soupçon et de la méfiance déjà très répandue dans l’espace public, en suggérant que si des pratiques vestimentaires liées à une foi religieuse sont un mauvais exemple à donner aux enfants, elles ne sont peut-être pas la manière la plus conforme de vivre et de s’afficher au Québec. La majorité aura prévalu, mais à quel prix !









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Michel Seymour25 articles

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Michel Seymour est né en 1954 à Montréal. Très tôt, dès le secondaire, il commence à s’intéresser à la philosophie, discipline qu’il étudie à l’université. Il obtient son doctorat en 1986, fait ensuite des études post-doctorales à l’université Oxford et à UCLA. Il est embauché à l’université de Montréal en 1990. Michel Seymour est un intellectuel engagé de façon ouverte et publique. Contrairement à tant d’intellectuels qui disent avec fierté "n’avoir jamais appartenu à aucun parti politique", Seymour a milité dans des organisations clairement identifiées à une cause. Il a été l’un des membres fondateurs du regroupement des Intellectuels pour la souveraineté, qu’il a dirigé de 1996 à 1999. Pour le Bloc québécois, il a co-présidé un chantier sur le partenariat et a présidé la commission de la citoyenneté. Il est toujours membre du Bloc, mais n’y détient pour l’instant aucune fonction particulière.





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