La pandémie de COVID-19 entraîne aussi des impacts sur le monde interlope. Toutefois, le crime organisé a déjà commencé à s’adapter aux contrecoups de cette crise pour continuer à tirer profit des lucratifs marchés illicites à Montréal et ailleurs au Québec.
La drogue plus chère
Le marché des stupéfiants, qui est le plus lucratif du crime organisé québécois, tourne au ralenti et les prix vont grimper, d’après des sources du Journal.
Des quantités importantes de cocaïne arrivent habituellement au pays par transport routier en provenance des États-Unis, et ainsi, la fermeture de la frontière canado-américaine décrétée le 18 mars par le gouvernement Trudeau complique la vie des importateurs, selon la criminologue Anna Sergi.
« On peut s’attendre à des difficultés, des délais et des changements dans l’acheminement des drogues. Mais pas au point de connaître des pénuries. Beaucoup de drogues continueront d’arriver par voie maritime et par courrier », a estimé la professeure à l’Université britannique d’Essex, qui a aussi mené des travaux de recherche à Montréal.
Même si nos sources n’observent pas de rareté sur le marché, elles confirment que le prix du kilo de cocaïne transigé par les grossistes a néanmoins grimpé de 40 % depuis la pandémie, pour dépasser les 60 000 $.
Des hausses du prix des stocks écoulés par les petits revendeurs sont donc à prévoir. Il est même possible que les prix restent plus élevés même quand la crise sera passée, le temps que les réseaux comblent leurs pertes.
La fermeture des bars a fait fléchir la demande, mais les trafiquants restent occupés en offrant le service de livraison à domicile, d’après les policiers.
Le populaire marché de la méthamphétamine risque aussi d’être touché puisque les produits chimiques servant à fabriquer cette drogue de synthèse sont importés de la Chine, le premier pays frappé par la COVID-19 en décembre.
Marchés légaux infiltrés
La crise de la COVID-19 pourrait offrir au crime organisé de nouvelles ouvertures pour infiltrer des marchés de l’économie légale qui seront en émergence ou en demande.
Nos sources mentionnent que des secteurs, comme la santé et l’alimentation, seront attrayants pour les organisations criminelles voulant y blanchir leur argent sale. De plus, des groupes tentent déjà de profiter d’une demande accrue de certains produits de consommation pour se livrer à de la contrefaçon.
À preuve, depuis le début du mois, les agents frontaliers américains du Texas, à la frontière avec le Mexique, ont saisi 200 caisses de bouteilles de javellisant que les contrebandiers avaient dilué avec de l’eau et tenté de passer aux États-Unis.
Prêts usuraires en hausse
Les effets dévastateurs de la pandémie sur l’économie et le marché de l’emploi pourraient profiter à la mafia montréalaise et aux autres factions criminelles qui trempent dans le prêt usuraire ou le shylocking.
« En raison des liquidités importantes dont il dispose, le crime organisé qui s’implique dans cette activité est favorisé par le contexte économique actuel », croit la criminologue Anna Sergi.
Selon elle, des entrepreneurs pris à la gorge se tournent vers cette solution rapide, même si de tels prêts en argent comptant doivent être remboursés à des taux d’intérêt élevés qui font boule de neige à mesure que les semaines passent.
Les Hells au télétravail
Les Hells Angels, qui contrôlent le marché québécois de la drogue et prélèvent une « taxe » de 10 % sur toutes les recettes, se font tranquilles et discrets en cette période de confinement. La dernière fois qu’ils se sont réunis, c’était au début de mars pour fêter le 23e anniversaire de fondation de leur chapitre South, en Montérégie. Vont-ils renoncer à leurs habituelles démonstrations de visibilité dans la province alors que les policiers peuvent punir tout rassemblement par des contraventions de 1000 $ ? Leur première sortie officielle à moto, appelée la First Run et qui est obligatoire en vertu des règlements internationaux de la bande de motards, est prévue pour le 9 mai prochain.
Paris sportifs sur la glace
Rien ne va plus avec le réseau illégal de paris sportifs de la mafia montréalaise, paralysé par la suspension des matchs de la Ligue nationale de hockey (LNH) et des autres circuits de sport professionnel en raison de la pandémie. À Montréal, l’opération Colisée de la GRC avait permis d’établir que le réseau clandestin de paris sportifs du clan Rizzuto avait généré des mises totalisant 390 millions $ et un profit net de 26,8 millions $ entre décembre 2004 et novembre 2005, malgré la grève des joueurs de la LNH durant cette période. En décembre dernier, la Police provinciale de l’Ontario a aussi démantelé un réseau de paris illégaux lié aux motards et dont les profits annuels dépassaient 25 millions $.