Crise financière - Dernier chapitre pour Lehman Brothers

Goldman Sachs - le temps des châtiments


François Desjardins - Les honoraires du syndic, des conseillers financiers et des avocats ont coûté jusqu'ici 1,6 milliard, deux fois plus que pour Enron, et voici le sprint final. Lehman Brothers, la boîte d'investissement de Wall Street à laquelle on associe le début officiel de la crise financière en 2008, a émergé hier des procédures de faillite (chapitre 11) et versera environ 65 milliards à ses créanciers. Objectif: liquider ce qui reste.
Ce chèque colossal de Lehman — qui n'est plus que l'ombre d'elle-même car des activités ont été cédées à d'autres firmes dès septembre 2008 — ne représente qu'une portion des 450 milliards que réclamaient les créanciers, mais ouvre le dernier chapitre d'une faillite qui a été suivie d'une récession mondiale et qui a forcé une remise en question des pratiques du milieu financier.
«Notre objectif est d'offrir les meilleurs résultats possible pour nos créanciers, en continuant d'extraire la valeur des actifs, en réglant des réclamations contestées et autres conflits, et en gérant les dépenses de manière conforme à la vente d'actifs», a dit hier John Suckow, administrateur délégué au syndic Alvarez & Marsal et président de Lehman, dans un bref communiqué. Parmi les actifs à écouler figurent des propriétés immobilières, comme des hôtels.
Le «subprime»
Grossièrement surexposée à l'univers hypothécaire «subprime», caractérisé par les dossiers de crédit les moins reluisants, Lehman a longtemps été un des principaux rouages de la machine financière jusqu'à ce que la cupidité de ses dirigeants l'emporte. En 2008, la firme fait des pieds et des mains pour garder la tête hors de l'eau: licenciements massifs, vente d'actifs et autres mesures sont mis en oeuvre pour endiguer les pertes qui se chiffrent dans les milliards.
Ce dépôt de bilan historique pour Lehman, fondée en 1850 à une époque où le coton était une matière première de premier plan, a eu l'effet d'un électrochoc. Depuis, les autorités réglementaires et les banques centrales se préoccupent beaucoup du risque systémique, lequel fait référence à l'effet contaminant que la chute d'un établissement peut avoir sur les autres en raison des obligations qu'ils ont les uns envers les autres.
À ce chapitre, le G20 a mis sur pied en 2009 le Conseil de stabilité financière, aujourd'hui dirigé par Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada. Le Conseil, qui a pour mission de détecter des anomalies dans le système, travaille notamment avec le Fonds monétaire international.
Lorsque l'absence d'une aide directe de Washington a forcé Lehman à plier les genoux, le 15 septembre 2008, ses actifs s'élevaient à 639 milliards. Cela en faisait le plus gros cas de procédure de faillite de l'histoire américaine, loin devant le deuxième qu'est la banque Washington Mutual, tombée neuf jours plus tard, et WorldCom, en 2002.
Le plan de sortie de faillite de Lehman Brothers avait déjà été approuvé en décembre 2011 par un juge du tribunal des faillites à New York. «Cette faillite internationale est la plus grosse, la plus incroyablement complexe de l'histoire, avait alors affirmé le juge James Peck. Jamais je n'ai vu des créanciers aux vues divergentes faire des réclamations de 450 milliards pour ensuite reconnaître le bénéfice d'un compromis pragmatique et appuyer un plan unique.» En effet, un mois plus tôt, les créanciers de la firme avaient appuyé ce plan à hauteur de 95 %.
Et en qualifiant le dossier de «complexe», le juge Peck n'exagérait pas. Lorsque les créanciers ont donné leur approbation, les documents ont rappelé que Lehman avait déployé ses ailes dans une quarantaine de pays grâce à plus de 7000 entités distinctes.
75 procédures distinctes
La faillite a entraîné la mise en branle de plus de 75 procédures devant les tribunaux, cela générant une avalanche d'honoraires pour des avocats, des conseillers financiers et des administrateurs. L'agence Bloomberg a écrit la semaine dernière que Lehman Brothers Holdings Inc. a versé la somme de 20,3 millions à ses gestionnaires et consultants pour le seul mois de janvier 2012, tirée d'une réserve de 27,4 milliards.
Selon les documents juridiques relayés par Bloomberg, la firme de restructuration Alvarez & Marsal a facturé des honoraires de 512 millions depuis 2008, comparativement à 383 millions pour le cabinet d'avocats Weil Gotshal & Manges. Les avocats qui représentent des créanciers ont eux aussi une facture qui augmente.
En guise de comparaison, la faillite d'Enron, une fraude monumentale qui a marqué l'imaginaire américain au début des années 2000, avait entraîné une facture juridique d'environ 700 millions.
Le cas d'Enron, comme d'autres, avait notamment convaincu la classe politique du fait que les dirigeants d'entreprises devaient être tenus responsables directement des états financiers qu'ils dévoilent trimestre après trimestre. Cette prise de conscience, renforcée par des cas comme Tyco, WorldCom et autres, avait mené à l'adoption de la loi Sarbanes-Oxley.


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