De l’obsolescence du Bloc québécois

Un discours nationaliste qui tergiverse finit par lasser. Finalement, il s’étiole et meurt. Est-ce cela que nous voulons ?

Tribune libre 2008


Combien de fois faudra-t-il le répéter ? Le Bloc québécois à Ottawa est dépassé et il n’a plus aucune raison d’être. Pire, il nuit à la cause de l’indépendance du Québec !
Créé par une dizaine de députés fédéraux déçus de l’échec de l’Accord du Lac Meech en 1990, le Bloc devint au fil des ans le chien de garde du Parti Québécois à Ottawa avec comme mission de veiller aux intérêts du Québec jusqu’à la tenue d’un deuxième référendum, tenu le 30 octobre 1995. On connaît la triste suite.
Depuis 13 ans, le Bloc fait du sur-place et ses représentants s’incrustent en se présentant comme la voix nationaliste extra-muros du Québec. Le problème, c’est qu’en jouant ainsi ce jeu politique, les députés du Bloc avalisent la fédération canadienne. Quel paradoxe : promouvoir la séparation du Québec et participer au jeu parlementaire fédéral en même temps. Ajoutons (sans rire) que depuis quelque temps, les députés fédéraux francophones de tous les partis se disent nationalistes eux aussi, y compris Stéphane Dion !
Voici les raisons qui m’autorisent à penser depuis plusieurs années que le Bloc québécois doit disparaître du paysage politique fédéral :
- D’abord, les souverainistes n’ont pas à participer à un Parlement canadien puisqu’ils prônent la séparation. On a même vu récemment, et c’est le comble, le chef du Bloc M. Gilles Duceppe réclamer l’ouverture d’une ronde de négociations pour inclure la reconnaissance de la nation québécoise dans la Constitution canadienne…
- Pousser le jeu d’aller « chercher tout ce qu’on peut à Ottawa avant la séparation » est un couteau à deux tranchants : restera-t-il des motifs de faire le pays ? Idem pour le vote dit « stratégique » en faveur du Bloc pour empêcher l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement Harper majoritaire. Puisque Gilles Duceppe passe son temps à dire que les conservateurs lui refusent tout et manque de souplesse, que fait-il dans cette galère ?
- Veux, veux pas, le gouvernement fédéral doit compter sur des députés provenant de toutes les provinces. Un Bloc manitobain ou terre-neuvien seraient ridicules. Un de leurs arguments préférés des bloquistes est de dire que les députés (libéraux ou conservateurs) élus au Québec ne défendent pas bien nos intérêts. Sans être cynique, c’est tant mieux. Cela prouvera une fois de plus que la fédération canadienne ne fonctionne pas pour nous, qu’on se retrouve encore et toujours à une voix contre dix, et cela stimulera l’adhésion à l’option souverainiste.
- Toutes les forces vives souverainistes devraient se regrouper à l’Assemblée nationale et sur le territoire québécois. Pour convaincre les indécis et les nationalistes mous, tous les ténors sont requis sur les tribunes provinciales. Il est illusoire de disperser les ressources humaines et financières sur deux fronts dont l’un ne nous apportera aucun vote référendaire. Diviser pour régner dit l’adage : en luttant sur les deux paliers de gouvernement, les souverainistes s’affaiblissent eux-mêmes.
- Depuis quelques semaines, plusieurs anciens députés du Bloc remettent en cause publiquement le bien-fondé de la présence de ce parti à Ottawa. Chercher l’erreur ! Comme dirait Jean Chrétien : « Que voulez-vous, le chef c’est le chef, et Duceppe y croit, lui. »
- Tous les analystes politiques observent que la cause nationale est en veilleuse au Québec, voire en recul. Pas étonnant, car pour monsieur Tout-le-monde, on a le PQ à Québec et le Bloc à Ottawa, pourquoi s’en faire ? On est gras dur puisqu’on a une double ligne de défense. Pourquoi craindre pour le français (particulièrement à Montréal) et notre culture ? Pourquoi craindre l’assimilation anglo-canadienne ou l’américanisation pure et simple d’ici 30 ou 50 ans ?
- On entend souvent : « il faut faire savoir au Canada anglais » que nous n’acceptons pas la Loi constitutionnelle de 1982 (que Québec ne l’a pas signée), ni l’affaiblissement de la Loi 101 par les jugements de la Cour suprême, ni la Loi sur la clarté du gouvernement Chrétien. Avons-nous vraiment à siéger à Ottawa pour argumenter sur ces trois points ? Qui devons-nous convaincre, les Ontariens ou les Québécois ?

- Comme Pauline Marois remet aux calendes grecques la question de l’indépendance, on risque de se contenter d’un autre « bon gouvernement » péquiste pour longtemps, si jamais le PQ prend le pouvoir ! Plus on parle du pays à venir du bout des lèvres et au conditionnel, plus la création de celui-ci se confond avec une visite du Père Noël. Au fil des ans, les gens qui ont connu le boom nationaliste des années 70 et 80 (ceux de ma génération) vieillissent et se démobilisent. Ces gens, nombreux, étaient pourtant la base première du mouvement souverainiste.
Un discours nationaliste qui tergiverse finit par lasser. Finalement, il s’étiole et meurt. Est-ce cela que nous voulons ?
Michel Jacques

Deux-Montagnes
22 septembre 2008


Laissez un commentaire



5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    23 septembre 2008

    M. Michel Jacques écrit : «Comme Pauline Marois remet aux calendes grecques la question de l’indépendance, on risque de se contenter d’un autre « bon gouvernement » péquiste pour longtemps, si jamais le PQ prend le pouvoir !»
    Mme Marois n'a jamais remis la question d'indépendance aux calendes grecques. S.v.p.. lire cette phrase lentement, 2 ou 3 fois, pour vous en imprégner correctement : Mme Marois n'a jamais remis la question d'indépendance aux calendes grecques.
    Mme Marois a simplement dit qu'elle ne s'obligeait pas à tenir un référendum dans un premier mandat. Sous-entendre qu'elle ne veut pas en perdre un autre mais...si les conditions le permettent, elle en tiendra un avec plaisir, M. Jacques. Ce n'est pas de sa faute si les conditions favorables ne sont pas réunies depuis 1995. S'il devait arriver que la chose ne soit jamais favorable, faudrait pas en arriver à un découragement collectif. Si les Québécois n'en veulent pas en assez grand nombre, faudra faire contre mauvaise fortune, bon coeur ou tomber en dépression.
    Espérer sans se décourager, voilà la réponse.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 septembre 2008

    @ M. Michel Jacques
    Vous dites :
    « Toutes les forces vives souverainistes devraient se regrouper à l’Assemblée nationale et sur le territoire québécois. Pour convaincre les indécis et les nationalistes mous, tous les ténors sont requis sur les tribunes provinciales. Il est illusoire de disperser les ressources humaines et financières sur deux fronts dont l’un ne nous apportera aucun vote référendaire. Diviser pour régner dit l’adage : en luttant sur les deux paliers de gouvernement, les souverainistes s’affaiblissent eux-mêmes. »
    Pour bien défendre une citadelle, il faut occuper le terrain autour. Ce n'est seulement qu'en cas d'extrême limite qu'il faut se replier dans la citadelle, et encore, on y risque le siège qui nous prive de ravitaillement. La seule issue reste les renforts qui pourraient venir de l'extérieur.
    En se repliant au Québec, en quittant les sièges qu'on occupe au Parlement du Canada, nous ne ferions pas autrement qu'assurer notre siège, repliés que nous serions dans notre citadelle. C'est ce que René Lévesque voulait... une grave erreur, elle a permis à Pierre Elliott Trudeau de justifier son rapatriement en comptabilisant les sièges qu'il occupait au fédéral et à l'Assemblée nationale. Son argument se tient, la députation d'un peuple n'est pas rien.
    Même si la France refuse certaines mesures de l'Europe, ses député(e)s siègent au Parlement européens. Le fait de siéger dans une autre enceinte n'empêche pas les peuples d'être souverain, ni l'État souverain du peuple souverain de l'être, souverain. Dans notre cas, nous sommes un peuple souverain, un peuple qui désire l'État souverain, seules les menaces de représailles l'empêche de se décider maintenant.
    Le Canada doit s'apprivoiser au choc que représente le fait de ne plus être propriétaire du territoire du Québec ni propriétaire du peuple du Québec. Le peuple du Québec aurait pu choisir de forcer le peuple du Canada à s'apprivoiser à cette nouvelle donne, après avoir créé l'État souverain du Québec. Cet apprivoisement à parfaire, se fait d'un événement à l'autre, d'une avancée à l'autre. Il cesse dès que l'appui à la souveraineté baisse. Il reprend, dès que l'appui à la souveraineté se manifeste de manière forte, comme ce fut le cas après le référendum de 1995. Cet apprivoisement pourrait se faire sous le choc de la création de l'État souverain du Québec. Mais il peut se faire avant. On s'attend au Canada à ce que se confirme lors du prochain scrutin l'effritement des appuis à la souveraineté que promettent les fédéralistes de la Art-Peur, et qu'annonce le retrait de l'échéancier référendaire par le PQ. Le recul du Bloc ne ferait que confirmer cette promesse des Conservateurs. Au contraire, le maintien de ses acquis, voire l'avancée du Bloc québécois, contredirait cette attente et constituerait un nouveau choc relançant cet apprivoisement nécessaire. Par petite touche, sans brusquerie, avec détermination et constance. Le seul moyen d'apprivoiser quelqu'un.
    Le peuple du Québec a plutôt choisit non pas le choc, mais un lent et constant apprivoisement, afin de permettre au peuple du Canada de s'apprivoiser à la réalité qu'impose l'existence du peuple souverain du Québec, distinct qu peuple du Canada. Le peuple souverain du Québec à choisit, à tort ou à raison, de faire en sorte que cet apprivoisement se fasse avant la fondation de l'État souverain du Québec et non pendant et après. Ce qui est sans doute très sage. Cette stratégie permet de minimiser l'impact du choc, minimiser les mouvements d'impatience qui pourraient perturber le changement de régime.
    Le Bloc québécois participe à cet apprivoisement. Le peuple du Canada est à même de constater que tout cela se fera démocratiquement, dans le respects, dans le calme, dans l'honneur et la fierté, aux yeux du peuple du Canada et aux yeux du monde. Dans l'ordre, dans le calme, dans le respect de la démocratie, contre personne, sans hargne ni haine. Lorsque le peuple souverain du Québec exigera des États qui prétendent le gouverner à bon droit, qu'ils lui soumettent l'Acte qui les fonde, les constitue et les gouverne, lorsque le peuple souverain du Québec créera nommément et démocratiquement l'État qu'il désire, sans menace, sans blâme, il obtiendra l'appui des autres nations du monde qui auront constaté que tout cela se fait dans le respect de l'État, le respect de la démocratie, le respect de la souveraineté des peuples. Le Bloc québécois à Ottawa démontre à la face du monde, le bien-fondé et la valeur démocratique de cet exercice. Se replier au Québec ne ferait que nous priver de cet outil essentiel d'ouverture sur le monde et d'accès au monde, d'ici-là, et pendant le processus menant à la création de l'État du peuple souverain du Québec, outil que la présence forte du Bloc québécois à Ottawa constitue.
    Le Bloc québécois souverainiste, en exprimant démocratiquement le vote souverainiste au sein de la place forte du Canada, est notre meilleure espoir d'obtenir des appuis extérieurs, car ses député(e)s officiellement en déplacement dans le monde, permettent de démontrer l'étendue de l'espace qu'occupe le peuple du Québec autour de sa citadelle, montre que nous occupons bien l'espace autour de manière à la bien défendre. Cela démontre aussi que la souveraineté est en marche, qu'elle est bien installée dans ses marques, démocratiques. Plus le Bloc québécois fera le plein du vote souverainiste, plus la démonstration sera éloquente, au yeux du Canada, aux yeux du monde.
    Ce que vous proposez n'a de sens que dans l'optique canadianisatrice qui n'espère qu'une manifestation de recul de la souveraineté pour s'endormir et refuser d'envisager ne serait-ce que la possibilité qu'un jour ce peuple souverain du Québec se donne un État qu'il désire et approuve nommément et directement. Ce qui ne pourra aider en rien à l'avancement de l'appui à la souveraineté du Québec que vous souhaitez. Au contraire. Le temps qu'on perd quand le Canada ne se prépare pas à l'éventualité de l'avènement de la souveraineté, c'est du temps perdu pour que cette souveraineté advienne dans le calme et la sérénité. Vous proposez ni plus ni moins le chaos, l'improvisation, le désordre. Toutes choses qui ne pourraient qu'affaiblir le peuple souverain du Québec, en le livrant corps et biens à telles misères, ce qu'il redoute le plus, et avec raison. Il sait depuis la Conquête, à quel point l'affrontement et le désordre sont délétères. Ce qu'il désire c'est vivre en paix avec ses voisins, qu'il sait supérieurs en nombre. Ce qu'il désire c'est exister en paix en tant que peuple pacifique, démocratique et souverain. Le Bloc québécois lui permet de faire avancer sa cause, pacifiquement, démocratiquement et souverainement.
    Le Bloc doit faire le plein du vote souverainiste. Le Bloc a décidé de le faire, la majorité des souverainistes y adhère. L'affaire est entendue. Il n'y a plus place à la discussion, c'est trop tard. Si des souverainistes tiennent à engager le débat à cet égard, il est trop tard pour le faire maintenant, à quelques jours du scrutin. S'ils tiennent à faire ce débat, qu'ils se rallient maintenant, quitte à revenir à la charge après les élections. Un débat pourra alors se tenir, et si au terme de ce débat, la majorité décident de rapatrier le Bloc au Québec, alors nous parleront d'une même voix pour le faire.
    Vous parlez de « diviser pour régner... » qu'utiliserait les canadianisateurs. Vous êtes donc contre la division qui nous affaiblit, si cela est vrai, ralliez-vous maintenant et sans délais. Si vous tenez à ce qu'un débat se fasse sur l'utilité du Bloc, il sera toujours temps de le faire dans des circonstances qui permettraient qu'un consensus en cette faveur puisse poindre. Le consensus actuel contredit vos appels à la division. Ralliez-vous. Les souverainistes doivent aller voter, doivent appeler au vote en bloc pour le Bloc. Point final !

  • Archives de Vigile Répondre

    23 septembre 2008

    Au temps de la Nouvelle-France, nos gens disséminés un peu partout en Amérique ont servi la colonie à maintes reprises, une telle entreprise territoriale ayant besoin d'éclaireurs postés au loin, question d'éviter les mauvaises surprises.
    Le Bloc Québécois, ce Corps expéditionnaire que l'on envoie dans les Pays-d'en-Haut, devrait prendre exemple sur ceux que nous avions l'habitude d'expédier au temps de la Nouvelle-France: apprendre les dialectes des différentes tribus, demeurer dans leurs wigwams ou à proximité, établir des alliances, vivre et s'habiller comme eux, respecter leurs dieux et leurs shamans, rire de bon coeur de leurs farces, leur raconter de belles histoires sur la force et la grandeur du Québec, ramener des pelleteries ($) et prévenir les mauvais coups, c'est-à-dire les invasions.

    Si le Bloc se comportait de cette façon, il contrôlerait bientôt lui-même le pont-entre-le-Québec-et-le-Canada que les Libéraux ont tenu pendant quasi toute l'histoire du pays mais qu'ils sont en train de perdre aux mains des Conservateurs.
    En Amérique, les vrais durs, ce ne sont pas les Canadiens mais les Américains.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 septembre 2008

    "Pousser le jeu d’aller « chercher tout ce qu’on peut à Ottawa avant la séparation » est un couteau à deux tranchants : restera-t-il des motifs de faire le pays ?" (Michel Jacques)
    La survie du English Canada (ROC) dépend de l'indépendance du Québec.
    ll n'a jamais été plus évident que l'uniformisation multiculturelle fédérale qui ne fait que dénationaliser et relativiser l'identité canadian dans un stupide espoir d'unir un Québec pourtant incompatible avec c'elle-ci, affaibli le nationalisme english-canadian de Harper face à l'impérialisme "dénationaliseur" de l'oligarchie du Nouvel Ordre Mondial.
    Si le Bloc servira encore à quelque chose, c'est bien à marteller cette réalité dont la prise de conscience prend de l'ampleur dans le ROC.
    La constitutionalisation de la réalité nationale québécoise serait un affaiblissement au nationalisme english canadian et le maintient de la politique actuelle du multiculuratisme démoralisé (sans morale ni valeurs communes) l'affaiblie tout autant sinon plus.
    Le Bloc doit se faire le défenseur des deux nations en prônant leur mutuelle indépendance et leur survie.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 septembre 2008

    Vous prônez l'absentéisme à Ottawa pour faire l'indépendance ? Expliquez-moi comment votre méthode va assurer la souveraineté du Québec. Magiquement, parce qu'il n'y a plus de députés du Bloc au fédéral la population va se lever en bloc derrière vous pour réclamer le pays de la nation québécoise? Si je votais conservateur je tiendrais les memes propos que vous.