La chronique de Bernard Landry

Déjà deux pays...

Élection fédérale 2008 - les résultats


La réalité devance toujours l'évolution du droit. En 1960, notre Code civil stipulait que la femme devait obéissance à son mari. J'ai épousé à l'époque une brillante juriste féministe et nous aurions eu honte de même songer à invoquer un texte aussi totalement déconnecté du réel.
De la même manière, les rapports juridiques entre le Québec et le Canada ne correspondent pas à la réalité. Le droit veut que le Canada soit un pays uni et le Québec, l'une de ses provinces. Cela n'est conforme ni à la justice ni à la réalité. Les dernières élections le confirment.
Le premier ministre a reçu 37,6 % d'appui au Canada et 21,7 % chez nous, où il a fait élire dix députés sur 75. Ce qui lui permettra quand même de gérer la moitié de nos impôts et taxes. Il va nous gouverner malgré ses attitudes rétrogrades, qui font de lui une curiosité dans le paysage sociopolitique québécois.
MÉMOIRE RÉCONFORTANTE
Depuis quinze ans déjà, notre nation a décidé qu'une solide majorité de ses élus à Ottawa serait formée d'indépendantistes. Quant au Parti libéral, celui du rapatriement unilatéral de la Constitution et des commandites avec son chef, l'homme de la partition et de la Loi sur la clarté, il a moins du quart des voix et un seul comté hors de Montréal. La mémoire du peuple est réconfortante.
Le temps n'est-il pas venu pour les Québécois comme pour les Canadiens, dans leur intérêt mutuel, de constater qu'en pratique, la fracture est déjà faite ? Le Québec forme une nation de-puis des siècles, c'était même le cas avant la conquête de 1760, et cette dernière tragédie nous en a rendus encore plus conscients.
Or, les nations qui peuvent être libres ont le devoir de l'être sous peine de sérieux problèmes de fonctionnement comme ceux que nous vivons.
Les sondages de toutes sortes, qu'il s'agisse de la guerre en Irak en passant par la vie amoureuse et jusqu'à la gastronomie, placent généralement la population du Québec plus près des habitants de l'Europe de l'Ouest que de ceux de Toronto et Calgary. Pour ne rien dire de Saskatoon et Moose Jaw...
La société Radio-Canada, qui est, malgré son nom et ses assises juridiques fédérales, la véritable radio-télévision publique nationale du Québec, jouit ici, en raison de sa qualité, de l'audience qu'elle mérite. CBC, son pendant canadien, est moins écoutée à Toronto que les grandes chaînes privées, américaines notamment.
SIÉGER À L'ONU
Les mentalités changent lentement. Nos aïeux étaient «canayens», puis canadiens-français. Nous sommes québécois. Malgré cette transformation majeure, les rapports juridiques avec le Canada non seulement n'ont pas évolué dans le même sens, mais ont régressé en raison d'une constitution imposée, incluant le multiculturalisme, et à cause de l'action de la Cour suprême.
L'Île-du-PrinceÉdouard est une simple province mais elle a le même statut que notre nation, pourtant formellement reconnue comme telle. C'est surréaliste ! Au nom de notre dignité et de nos intérêts c'est aux Nations Unies que nous devons siéger et non au Conseil de la fédération. Il faut que notre démocratie ajuste au plus tôt le droit à la réalité.


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