«Ai-je favorisé, aidé, influencé un quelconque fournisseur au SPVM? Jamais. Mes valeurs d’intégrité sont trop hautes pour ça», a lancé le directeur du Service de police de la Ville de Montréal, Yvan Delorme.
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
Jeanne Corriveau - Appelé à témoigner devant la Commission de la sécurité publique hier matin, le directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Yvan Delorme, a reconnu que le dossier de la firme de sécurité BCIA avait été entaché d'erreurs administratives. Mais le chef de police, qui quittera son poste en septembre prochain, s'est défendu d'avoir favorisé la firme qui a surveillé pendant plus de quatre ans le quartier général de la police avant de faire faillite la semaine dernière.
Pendant plus de deux heures, Yvan Delorme a défendu son intégrité et expliqué ce qui avait conduit le SPVM à confier à BCIA le soin de surveiller trois de ses immeubles. «Ai-je favorisé, aidé, influencé un quelconque fournisseur au SPVM? Jamais. Mes valeurs d'intégrité sont trop hautes pour ça», a-t-il lancé.
Détaillant de façon chronologique les différentes étapes du dossier, il a rappelé qu'à la suite d'un appel d'offres lancé en octobre 2003, l'agence Unique avait décroché le contrat. En difficulté financière, la firme a cédé son contrat à BCIA en 2006. La cession des droits a été endossée par Yvan Delorme et approuvée par le comité exécutif, mais n'a jamais été entérinée par le conseil municipal ou le conseil d'agglomération. De plus, la prolongation d'un an du contrat n'a jamais reçu l'aval du comité exécutif.
La situation s'est davantage embrouillée par la suite puisque la Ville a mis neuf mois pour octroyer un nouveau contrat en 2009. La firme Cartier, qui a obtenu le mandat, s'est rapidement désistée et la Ville a jugé plus avantageux de confier le contrat à BCIA, qui poursuivait la surveillance des immeubles à coups de bons de commande, que de relancer un appel d'offres. BCIA était le deuxième soumissionnaire conforme et son mandat n'a jamais été entériné par les élus.
Passé trouble
Le maire de l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Réal Ménard, a longuement interrogé M. Delorme sur la pertinence de confier la surveillance de ses immeubles à une entreprise dont le président, Luigi Coretti, avait fait deux faillites et faisait l'objet de poursuites pénales pour des salaires non payés. M. Delorme a rétorqué qu'en 2006, il ignorait ces faits et qu'il s'était fié à l'approbation donnée par le Service de l'approvisionnement de la Ville.
Le chef de police a également dû justifier les liens qu'il entretenait avec le patron de BCIA, Luigi Coretti. Il a reconnu s'être retrouvé à la même table que M. Coretti en 2005, à l'invitation de celui-ci, quelques mois avant de prendre la tête du SPVM. Mais il s'agissait d'une «connaissance professionnelle», a-t-il insisté.
M. Delorme semblait d'ailleurs avoir un emploi du temps fort chargé. «Depuis les cinq dernières années, c'est à deux ou trois soupers par soir ou présences à différents endroits que je me présente, sept soirs par semaine ou presque, pour pouvoir rencontrer les différents partenaires, a-t-il relaté. Je ne bois pas d'alcool et tous les gens qui me connaissent le savent. Jamais je n'ai été à un endroit où le vin coulait à flot.»
Le chef de police a par ailleurs affirmé qu'à sa connaissance, aucun membre de l'état-major du SPVM n'avait effectué de démarchage au profit de BCIA. Lors d'une séance à huis clos tenue en mai dernier, il aurait dit le contraire, selon Réal Ménard.
«La culture du secret»
Le responsable de la sécurité publique au comité exécutif, Claude Trudel, s'est dit satisfait des explications fournies par Yvan Delorme. «Le processus décisionnel à la Ville de Montréal est tellement bureaucratisé, complexe et long que ce genre de choses-là est arrivé, mais je souhaite que ça n'arrive plus», a indiqué M. Trudel.
«La culture du secret doit cesser», a pour sa part soutenu la chef de l'opposition, Louise Harel, qui espère que le prochain directeur de police sera choisi selon un processus clair et transparent.
Pour sa part, le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, s'est montré beaucoup plus sévère envers M. Delorme. «L'industrie de la sécurité privée, c'est, en bon québécois, une industrie broche à foin. On se passe les contrats de l'un à l'autre», a-t-il signalé. La confiance qu'a démontrée M. Delorme à l'égard de BCIA l'a conduit à faire preuve de complaisance dans ce dossier, a reproché M. Bergeron, qui voit maintenant d'un bon oeil le départ du chef de police.
Delorme nie avoir favorisé BCIA
Le chef du SPVM reconnaît que le dossier de la firme était entaché d'erreurs administratives
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