Le PQ exhume le cas Yvan Delorme

L'affaire Delorme-Normandeau



Québec — Il est «extrêmement étonnant» qu'un homme comme Yvan Delorme ait pu être reconduit par Québec à la tête du SPVM alors qu'il faisait l'objet d'une enquête pour ses rapports avec la firme de sécurité privée BCIA, juge le critique péquiste en matière de sécurité publique, Stéphane Bergeron. Est-ce parce que M. Delorme était «trop proche de certains dirigeants du gouvernement libéral»? s'est-il interrogé hier en Chambre, soulevant l'ire du leader parlementaire Jean-Marc Fournier. Ce dernier a crié à l'«insinuation» et au «salissage», mettant le député au défi d'aller répéter ses dires à l'extérieur de la Chambre, où il n'a pas l'immunité. Plus tard en journée, M. Bergeron publiait un communiqué reprenant ses interrogations.
Yvan Delorme a pris tout le monde par surprise lorsque, le 3 mai 2010, il a pris sa retraite à 47 ans, alors qu'il venait d'être reconduit quelques semaines plus tôt à la tête du SPVM. Pour Stéphane Bergeron, ce départ était déjà mystérieux; il l'est encore plus depuis que le Service des enquêtes internes du SPVM a confirmé à La Presse, mercredi, s'être penché sur les rapports entre la firme BCIA (aujourd'hui en faillite) et M. Delorme au cours de l'automne 2009 et de l'hiver 2010. Le chef de police avait accordé à BCIA, sans contrat ni sans appel d'offres, la surveillance du quartier général de la police.
M. Bergeron a tenté de savoir, hier, si le gouvernement avait fait des vérifications avant de reconduire M. Delorme dans ses fonctions. Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a répondu que c'était là un «renouvellement», c'était une «personne qui était déjà en poste», laissant entendre qu'aucune vérification n'avait été faite.
Presque un an après avoir éclaté, le dossier BCIA est venu hanter le gouvernement Charest, toute la semaine. M. Bergeron a aussi heurté le gouvernement hier en rappelant que l'ancien ministre de la Sécurité publique Jacques Dupuis — sous lequel le renouvellement de M. Delorme avait été confirmé — avait quitté la politique «quelques mois seulement après avoir été associé à une affaire nébuleuse de port d'armes impliquant BCIA». Le péquiste n'a pas manqué non plus de rappeler que le ministre Tony Tomassi a été expulsé du Conseil des ministres et du caucus libéral en mai 2010 parce qu'il avait utilisé une carte de crédit de BCIA.
Rapport explosif sur BCIA
Par ailleurs, le gouvernement refuse de rendre public un rapport explosif sur la fameuse firme. Effectué par des juricomptables de KPMG, c'est à partir de celui-ci que la Sûreté du Québec a décidé d'ouvrir une enquête — toujours en cours — sur l'entreprise controversée.
À la demande du Mouvement Desjardins, Investissement Québec (IQ) avait offert une garantie de prêt à BCIA de 2 millions, a rappelé l'opposition officielle en Chambre cette semaine, dans la foulée des révélations à la Ville de Montréal. La faillite de l'entreprise a fait perdre 1,2 million à IQ. C'est «à la lumière de la détérioration très rapide» des états financiers de l'entreprise, dont les «comptes clients» fondaient «comme glace au soleil», a expliqué mercredi le ministre du Développement économique, Clément Gignac, que la décision a été prise d'embaucher des juricomptables. Leur rapport a révélé des «anomalies assez troublantes» pour que la SQ déclenche une enquête, a-t-il soutenu.
S'agissait-il de «fraude», comme le ministre Gignac l'a affirmé au Salon bleu, mardi? À cette question, posée le lendemain par le critique péquiste Jean-Martin Aussant, le ministre Gignac a répondu en nuançant ses propos, soutenant qu'il aurait dû utiliser l'expression «apparence de fraude». Il a cependant indiqué que, dans sa pratique de comptable, il avait «rarement vu» une telle entreprise, profitable, dont 90 % des clients sont de nature institutionnelle — donc peu risqués — qui, en «l'espace de trois mois», voit ses «comptes clients» chuter de plusieurs millions de dollars. L'opposition a réclamé en vain le dépôt du rapport. Il est revenu sur le sujet hier au Salon bleu. Le ministre a expliqué qu'Investissement Québec refusait de le rendre public parce que c'était là «un élément de preuve important» et que sa divulgation «pourrait nuire très sérieusement à l'enquête» qui se déroule actuellement.


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