Impasse des négociations de paix israélo-palestiniennes

Des Églises de Palestine s'insurgent contre l'occupation

Proche-Orient - le chaos à l'horizon


Le mur de séparation entre Israéliens et Palestiniens en Cisjordanie: une des nombreuses vexations qu’ont à subir les Palestiniens, selon les Églises chrétiennes du Proche-Orient. Photo : Agence Reuters Abed Omar Qusini
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Des Églises chrétiennes du Proche-Orient viennent de lancer un appel international en vue de mettre fin à l'impasse des discussions de paix dans la région. Elles pressent les autorités politiques d'agir «sérieusement» dans ce conflit, et invitent les «Églises du monde» à ne plus se taire devant une injustice qui dure depuis des décennies.
Émise à Bethléem, vendredi, par une quinzaine de dignitaires de diverses confessions, cette déclaration intitulée «Un moment de vérité» critique le traitement fait aux Palestiniens et réclame la fin de l'occupation israélienne, tout en incitant chrétiens, musulmans et juifs à une réconciliation fondée sur leur foi commune.
D'une nette teneur théologique, cette déclaration dresse aussi le bilan du sort fait à la population: privation de liberté, mur de séparation, confiscation de terres, contrôle de ressources, humiliations quotidiennes, destruction de maisons, camps de réfugiés, milliers de prisonniers, jeunes réduits à l'émigration.
Notant que si la voie des négociations suivie par l'Autorité palestinienne n'a pas fait avancer le processus de paix, le choix de la «résistance armée» n'a pas fait non plus progresser les choses. «Israël s'en est servi comme prétexte pour accuser les Palestiniens d'être des terroristes, ce qui lui a permis d'altérer la véritable nature du conflit», écrivent les auteurs de la déclaration.
«Notre présence en tant que Palestiniens — chrétiens ou musulmans — sur cette terre n'est pas un accident, poursuit la déclaration. Elle a des racines profondes liées à l'histoire et à la géographie de cette terre, comme c'est le cas de tout peuple aujourd'hui qui vit sur sa terre. Une injustice a été commise à notre égard quand on nous a déracinés.»
Les signataires déplorent que des théologiens occidentaux veuillent donner «une légitimité théologique et scripturaire» à cette injustice. Le recours à l'Écriture sainte pour «justifier ou soutenir» des positions fondées sur l'injustice «transforme la religion en idéologie» et «prive la Parole de Dieu de sa sainteté, de son universalité et de sa vérité». (Des chrétiens fondamentalistes soutiennent, en effet, que l'antique «promesse» de Dieu aux Hébreux d'autrefois vaut toujours pour les Juifs d'aujourd'hui.)
Pour la désobéissance civile
Par contre, ils estiment que la mission de l'Église est d'élever la voix contre l'injustice. C'est ce que fait l'Église en Palestine bien que, écrivent-ils, «certains voudraient qu'elle reste dans le silence, isolée dans ses dévotions». Ils rappellent que la religion ne soutient ni ne défend «aucun régime politique injuste». Aussi doit-on tenir l'occupation, selon eux, comme «un mal auquel il faut résister».
Mais, citant l'exemple du Christ, on ne saurait, disent-ils, «résister au mal par le mal». Reconnaissant que «chaque citoyen doit être prêt à défendre sa vie, sa liberté et sa terre», ils proposent néanmoins de recourir à la désobéissance civile comme moyen de résistance pacifique. Ils appuient à cet égard «le boycottage économique et commercial de tout produit de l'occupation».
Ces chrétiens de Palestine disent faire pénitence pour s'être divisés entre eux et préoccupés de leurs «institutions» aux dépens de leur message. «Notre communauté est petite, mais notre mission est grande et importante, estiment-ils aujourd'hui. Le pays a un grand besoin d'amour.»
Aux musulmans, ils offrent donc un message d'amour et de convivialité, les appelant aussi à «rejeter le fanatisme et l'extrémisme». Leur message aux juifs: «Si, dans le passé, nous nous sommes combattus, et aujourd'hui encore nous ne cessons de nous combattre, nous sommes cependant capables d'amour et de vie ensemble, aujourd'hui et demain. Nous sommes capables d'organiser notre vie politique avec toutes ses complexités selon la logique et la force de l'amour, une fois l'occupation terminée et la justice rétablie.»
Entre-temps, ils invitent les Églises du monde à venir comprendre leur réalité. «Venez connaître les faits et découvrir les gens qui peuplent cette terre, Palestiniens et Israéliens.» Cet appel se présente aussi, «en l'absence de tout espoir», comme un «cri d'espérance». Sera-t-il entendu de la communauté internationale, déjà aux prises avec de multiples crises? Sera-t-il même entendu des Églises?
Une urgence internationale
Plusieurs Églises sont déjà engagées dans le dialogue au Proche-Orient. Mais quelques-uns subissent ailleurs des persécutions qu'elles dénoncent de plus en plus, notamment en pays musulmans, mais où elles sont parfois contestées en raison de leur prosélytisme, comme en Inde ou au Pakistan. Ou encore à cause de positions morales qu'elles prétendent dicter aux autorités, comme au Mexique.
Aux yeux du Vatican, toutefois, le retour de la paix en Terre sainte est une urgence internationale. S'adressant le mois dernier au comité permanent des Nations unies sur la décolonisation, le nonce et archevêque Celestino Migliore a plaidé en faveur d'une reprise «significative» des négociations en vue de résoudre le conflit israélo-palestinien.
La solution du conflit en Terre sainte, dit-il, ouvre la porte à la résolution de «maintes situations qui apportent le chaos dans la région du Moyen-Orient et ont de sérieuses implications à la grandeur du monde». Cette solution, pour être durable, devrait, à son avis, porter aussi sur le statut de Jérusalem et se préoccuper des «tragédies et difficultés qu'endurent actuellement les réfugiés».
Travaillant avec des donateurs et des collaborateurs de partout, une Mission pontificale pour la Palestine, fondée en 1949 comme agence temporaire, fournit encore aujourd'hui des programmes de santé, d'aide, de services sociaux et d'emploi aux Palestiniens réfugiés en Jordanie, au Liban, en Syrie et dans les territoires de Cisjordanie et de Gaza.
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redaction@ledevoir.com
Jean-Claude Leclerc enseigne le journalisme à l'Université de Montréal.


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