Désobéissance civile au service de la démocratie

Publié Cercle de la Presse 06 août 2012

Tribune libre

Avec l'invitation de M. Jean-François Lisée de «désobéir à M. Charest», le non-respect des injonctions dans divers établissements scolaires par les étudiants contre la hausse des droits de scolarité & les manifestations illégales contre la loi 78, la question qui se pose est quand la désobéissance civile (DC) devient-elle au service de l'essence de la démocratie ou contre. Essayons d'y répondre.
Mais qu'est que la DC? Tout comme l'obéissance aveugle, la DC arbitraire[1] est un comportement qui ne sert pas la démocratie. Le premier soutient la dictature et le deuxième génère le chaos.
Nous avons donc besoin d'une définition qui encadre l'utilisation de la DC. Voici celle que je suggère: «La DC est la violation délibérée, spécifique, de la loi, au nom d'un principe social essentiel. Elle devient non seulement justifiable, mais nécessaire quand un droit humain fondamental est menacé et quand les moyens légaux pour faire respecter ce droit sont inadaptés. Elle sert alors à combler la brèche qui sépare la loi de la justice, dans un processus infini de développement de la démocratie»[2].
Pour chacun des exemples suivants demandons-nous s'il y a un principe social en cause & si la DC est démocratique :
1) Manifestations illégales contre la loi 78.
Les manifestants arguent que la loi 78 restreint les libertés fondamentales telles que la liberté d'expression, de réunion pacifique et la liberté d'association. Comme ces libertés font partie de la charte des Droits et Libertés de la personne du Québec et plus, j'en conclus que le DC est démocratique.
2) Le non-respect des injonctions dans divers établissements scolaires par les étudiants contre la hausse des droits de scolarité.
Le montant des frais de scolarité (200$, 250$...) n'est pas un principe social. Pas plus que les taux de taxation. Dans cette situation, le droit fondamental est le droit à l'éducation, un droit fondamental de l'homme reconnu internationalement. Les questions qui se posent alors sont: est-ce que les frais de scolarité sont un obstacle au droit à l'éducation, y a-t-il un seuil à ces frais qui violerait ce droit[3]?
À mon avis, sans un référendum sur la question, il est impossible d'y répondre démocratiquement. Comme il s'agit d'un droit fondamental, la question ne peut être tranchée dans le cadre d'un programme électoral.
Un droit fondamental n'est pas négociable avec d'autres éléments. Avec les propositions actuelles des partis, il faut s'attendre à ce que ce conflit perdure après les élections, peu importe le gouvernement qui serait élu. Si la DC des étudiants porte sur le montant des frais de scolarités & que ses frais ne violent pas le droit à l'éducation, leur comportement est non-démocratique. Dans le cas contraire, il serait démocratique.
3) L'invitation de M. Jean-François Lisée de désobéir à M. Charest.
Désobéir M. Charest, pour la violation de quel(s) principe(s)? Corruption, collusion, élection non démocratique... Sans précision de la part de M. Lisée sur la raison de la proposition de désobéissance, je ne peux la qualifier. Je spécule que l'appel de M. Lisée est de ne pas voter pour M. Charest.
Michel Aubin
Cultivateur
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[1] Arbitraire dans le sens sans référence à des principes.
[2] Extrait de Disobedience and democracy: nine fallacies on law and order (1968)
[3] Notons que le droit à la santé est également un droit fondamental de tout être humain. Par conséquent les mêmes questions se posent avec la taxe santé entrée en vigueur en 2010.


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