Par: Luc Desjardins - Bon lundi! Gilles Duceppe a été le premier député élu du Bloc québécois à siéger à
Ottawa. Avant lui, les députés du Bloc provenaient de désaffections des partis libéral et conservateur. C’était dans le contexte post-Meech, cette période où une entente devait rapporter le Québec dans le giron constitutionnel canadien dans l’honneur et la fierté. Au fil des années, au gré du départ des chefs successifs, Duceppe a gravi les échelons et est devenu le chef de cette formation politique. Un parti politique voué, faut-il le rappeler, à la séparation politique du Québec. Le Bloc québécois a subi un cuisant revers aux dernières élections. Lui qui avait, d’une élection à l’autre depuis sa fondation, réussi à faire élire la grande majorité des députés du Québec à la Chambre des communes. Le Bloc a non seulement été quasiment évincé - il n’a fait élire que quatre députés - mais son chef a aussi été battu dans son comté.
Ce qui fait que Duceppe est, aujourd’hui, un peu amer. Dans sa première entrevue depuis l’élection, il a fait part de ses états d’âme, notamment en y allant d’une déclaration percutante. Sans la souveraineté politique, le Québec est voué, dans un avenir pas trop lointain, au même sort que celui des Acadiens et autres francophones du Canada. Peut-être a-t-il raison.
Le poids politique du Québec à la Chambre des communes se réduit avec les mouvements démographiques récents au Canada. Il est actuellement d’environ 24 %, mais on prévoit qu’il pourra atteindre seulement 18 % d’ici une décennie ou deux. C’est que la migration de la population se fait surtout vers l’Ontario et l’Ouest canadien, une réalité dictée par les forces de l’économie. Le Québec est ainsi condamné à voir son poids politique s’affaiblir de plus en plus. D’ailleurs, c’est déjà le cas puisque pour la première fois, un gouvernement majoritaire a été élu au Canada sans une forte présence de députés du Québec. Et, de toute façon, Stephen Harper aurait obtenu sa majorité même si le Québec n’avait élu aucun député conservateur. C’est une nouvelle réalité pour le Québec. Une réalité que certaines provinces de l’Ouest ont déjà connue sous les gouvernements majoritaires libéraux du passé et qui a généré un fort sentiment d’aliénation là-bas, il est bon de noter.
Il se peut que le sort du Québec au sein du Canada soit scellé et que son influence sera de plus en plus marginale dans les institutions fédérales. Dans ce contexte, la question de la souveraineté politique du Québec se posera bientôt à nouveau avec une tout autre acuité.
C’est cette marginalisation du Québec que Robert Bourassa et Brian Mulroney avaient voulu contrer avec l’Entente du Lac Meech. Cette entente prévoyait notamment que le Québec, afin de consacrer son statut de société distincte au sein du Canada, se verrait octroyer à tout jamais
25 % des sièges à la Chambre des communes. On a bien vu que le reste du Canada n’a pas accepté les concessions accordées au Québec. Et, en même temps, le Québec a aussi rejeté ce projet de modification constitutionnelle pour des raisons opposées. Dans le camp des opposants à Meech, on retrouvait le Bloc québécois et Gilles Duceppe.
Gilles Duceppe nous a habitués à une pensée pragmatique lors de son passage à la tête du Bloc québécois. Son intégrité et sa franchise lui ont même permis d’acquérir un certain respect auprès des Canadiens. Je me souviens particulièrement l’avoir entendu répéter que «la politique du pire est la pire des politiques». Je veux bien croire que cette formule laconique a bien servi ses intérêts à Ottawa. Il se voulait pragmatique. Mais dans le domaine constitutionnel, je soupçonne que les souverainistes du Québec n’ont d’autre choix que d’adhérer à la politique du pire. Pour eux, toute tentative de modification constitutionnelle qui avantagerait le Québec - comme le faisait Meech - doit être repoussée parce que cela démontrerait que le fédéralisme canadien peut fonctionner. Ce qui, par ailleurs, les éloignerait de leur objectif premier de faire la souveraineté du Québec. En rejetant Meech, les Gilles Duceppe de ce monde ont aussi rejeté une formule de protection du poids politique du Québec à la Chambre des communes.
Aujourd’hui, en clamant que le Québec va devenir une simple minorité semblable aux Acadiens et autres francophones du pays s’il reste dans le giron politique canadien, Gilles Duceppe vient confirmer ce qu’il savait déjà lorsque son parti a rejeté l’entente du Lac Meech. Ils ont, dans ce cas, joué à la politique du pire. Et, dans le contexte du déclin du poids démographique du Québec dans l’ensemble canadien, c’est effectivement la pire des politiques pour l’avenir du Québec.
Entre-temps, les Acadiens du Nouveau-Brunswick auront profité des débats entourant Meech pour faire adopter dans la Constitution du Canada une protection de l’égalité des deux communautés linguistiques de la province. En fait, les Acadiens d’ici auront été les seuls gagnants de tout cet épisode de négociations constitutionnelles. Ce qui ne veut pas dire pour autant que notre défi démographique ne soit pas aussi inquiétant que celui du Québec. Nous aussi, notre poids politique risque de s’effriter avec les années. D’où toute l’importance de recourir aux tribunaux pour faire respecter nos droits lorsqu’ils sont bafoués. Et bonne semaine!
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