Éduquer pour la vie

Tribune libre

Il n’est pas anodin que le nouveau film de Denis Villeneuve, intitulé L’arrivée, s’ouvre sur une scène dans un campus universitaire où les rares étudiants qui se sont présentés à leur cours demandent à leur enseignante de se syntoniser à un réseau d’information. Face à la menace que découvre tout à coup l’humanité, symbolisée dans le film par la présence extra-terrestre, toute l’attention et tout le savoir sont désormais mobilisés pour la sauvegarde de la vie et de la civilisation humaine.
L’œuvre remarquable de science-fiction du cinéaste québécois devrait nous interpeller puisqu’elle rejoint ce que personne ne peut plus ignorer de nos jours : l’avènement de l’anthropocène marqué par une déstabilisation du climat et des écosystèmes, l’effondrement de l’économie basée sur les hydrocarbures et la montée des conflits sociaux alors que les ressources vitales de la planète s’amenuisent. Des montagnes de faits scientifiques nous démontrent que la poursuite du statu quo économique ambiant, associé à l’extractivisme, la consommation, la croissance et l’utilisation des énergies fossiles, mène directement à la destruction de l’humanité organisée et possiblement à la fin de la vie sur la Terre telle que nous la connaissons. Et cela au cours des quelques générations qui viennent. Dans certaines régions du globe, la montée du chaos est déjà bien amorcée.
Face à cette menace imminente, alors que nous disposons encore des ressources nous permettant d’effectuer une transition et une descente énergétique rapide ainsi qu’une modification de nos façons de se nourrir, se loger et se déplacer afin d’éviter le pire, comment se fait-il que le milieu de l’éducation continue encore d’ignorer le rôle fondateur qu’il peut jouer dans l’organisation du changement de culture que nous devons accomplir?
Les programmes scolaires actuels du système québécois sont comme une diète alimentaire visant à apporter tous les ingrédients nutritifs pour favoriser l’intégration sociale des jeunes. Avec l’importance accordée au développement des compétences et aux stratégies d’apprentissage, les chercheurs en éducation s’assurent que les éléments nutritifs sont bien absorbés. Les tests sont là pour le prouver. Tout ceci fonctionne bien lorsque les jeunes peuvent accéder à un travail et un milieu de vie leur permettant de s’épanouir. Or la perspective actuelle est tout autre. L’avenir des jeunes n’est plus assuré.
Si le film de Denis Villeneuve peut nous inspirer, c’est par la réflexion qu’il présente sur le langage. Au-delà de l’étroitesse des discours (médiatique, politique, scientifique), il faut retrouver une façon de communiquer entre nous qui tienne compte de notre origine commune et de notre devenir en tant qu’êtres vivants sur cette planète. Si nous souhaitons réussir à faire en sorte que nos jeunes aient un avenir viable, nous devons tenir compte de la réalité dans laquelle notre espèce évolue. Tout reste à faire pour instaurer à l’école et dans nos communautés les nouvelles façons de voir et d’agir pour nous détourner du mur vers lequel nous avançons imperturbablement. Pour cela il faut d’abord sortir de notre confort et accepter d’aller rencontrer « la bête », c’est-à-dire vaincre la peur de l’inconnu et du changement.
Louise Morand, Ph.D. Éducation
Le 7 janvier 2015


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