Les garderies privées qui ont crié victoire après le jugement rendu cette semaine par la Cour supérieure devraient se garder d'un triomphe trop tapageur. Il n'y a là nul gain pour le libre choix des parents. Le juge a plutôt vu qu'une réglementation boiteuse a ouvert la voie à d'inacceptables entourloupettes cautionnées par des citoyens dépendants d'un réseau rongé par la pénurie.
Odieux. Il n'est pas de qualificatif plus seyant pour cet horaire atypique -- de 6h à 16h -- choisi par ces six garderies privées subventionnées comme le moment idéal pour octroyer les 10 heures de service de garde obligatoires rendues en échange de 7 $ par jour.
En dehors de ces 10 heures, chers parents, que les choses soient claires: récupérer son rejeton après 16h -- et cela même s'il n'a pas eu droit aux 10 heures de service subventionnées -- vous place en situation de retard. On vous demandera d'accepter «l'option des frais de retard» de 12 $ par jour -- 60 $ par semaine -- payée en sus du coût réduit quotidien de 7 $ par enfant.
Qui donc ces garderies veulent-elles berner en laissant croire que la majorité des parents peuvent disparaître du travail en plein après-midi pour aller récupérer leur marmaille? Hélas! Les garderies privées qui ont demandé aux parents de signer cette offre de service incongrue et de payer un «retard» bien orchestré ont trouvé une manière -- habile? détestable? abusive? -- de briser les interdits et de s'adonner gaiement à la surfacturation.
Voilà que le juge Kevin Downs a entendu les deux parties, épluché la loi, décortiqué les règlements qui s'y rattachent pour conclure que les garderies prétendument fautives avaient opté pour une «tarification pour les services additionnels non subventionnés» qui pouvait certes sembler «abusive» mais qui ne contrevenait en rien au règlement. Vlan!
Dommage que le juge se soit accroché au consentement des parents, sans déceler que derrière leur accord tacite à une telle surfacturation se cache tout simplement l'absence réelle d'un autre choix. Pour nombre de parents, la quête d'une place en garderie rime encore avec une périlleuse course à obstacles. Faute de mieux, pourquoi ne pas accepter l'«option des frais de retard»?
Mais le juge n'avait pas sitôt excusé la pratique en apparence douteuse qu'il levait aussi le voile sur le véritable problème: un règlement en totale discordance avec l'esprit de la loi. Celui qui interprète les textes doit-il pallier les failles de la loi? demande le juge, incisif. Le vrai verdict se trouve donc là: le mode de fonctionnement choisi par les garderies respecte la lettre du règlement mais bafoue l'esprit de la loi.
Le plaignant, personnifié par le Procureur du Québec, se retrouve donc Gros-Jean comme devant, soudain affublé du titre de coupable. Coupable d'avoir instauré de grands principes -- la conciliation travail-famille, l'égalité des chances, le respect des besoins des parents -- mais d'avoir omis de les honorer en s'enfargeant dans les virgules de ses règlements.
Faire appel de cette décision, comme l'a décrété hier Québec, risque de mener à une épuisante suite d'interprétations des lois et règlements qui pourrait ne rien changer. C'est pourquoi, comme l'a laissé entendre la ministre de la Famille, Michelle Courchesne, il faut redresser plutôt le règlement bancal -- préciser ce qu'est un horaire typique -- dans le but d'éviter les tromperies.
Au-delà des textes de loi, il faudra aussi plonger dans le coeur du problème et veiller à accélérer cette universalité rêvée. Si les garderies privées subventionnées pallient le manque de CPE, il y aurait peut-être lieu aussi d'ajuster leur subvention à la hausse. Quand la demande supplante l'offre, la porte est grande ouverte aux abus.
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machouinard@ledevoir.com
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