Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy se retrouve isolé, menacé par une motion de censure de l'opposition socialiste et lâché par ses alliés centristes de Ciudadanos, après la condamnation de son parti, le PP, dans un procès pour corruption.
Les jours au pouvoir de Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, semblent comptés. Le dirigeant du Parti populaire (PP) est visé par une motion de censure, après la condamnation la veille de son parti dans un vaste procès pour corruption.
La motion a été déposée le 25 mai par le Parti socialiste (PSOE), première formation d'opposition (85 députés), qui cherche ainsi à le renverser pour pouvoir former un gouvernement à sa place. Pour aboutir, cette motion devra être votée par 176 députés, une majorité absolue que le PSOE ne pourrait rassembler qu'en s'alliant à la gauche radicale de Podemos, qui lui a garanti son soutien, et aux petits partis nationalistes.
Le succès de cette motion est toutefois loin d'être garanti, les centristes de Ciudadanos, qui disposent de 32 députés, ayant annoncé qu'ils ne la voteraient pas. Il faut dire que le parti, qui était il y a encore peu allié au PP, espère lui aussi prendre le pouvoir et n'a pas l'intention de laisser le champ libre au PSOE. Loin devant dans les sondages, avec 29% des intentions de vote tandis que les trois autres grandes formations, Unidos Podemos, PP et PSOE, seraient au coude-à-coude, avec environ 19% des voix selon El Pais, Ciudadanos a exigé la tenue d'élections anticipées.
«La condamnation du gouvernement pour corruption a mis un terme à la législature», a lancé le chef de Ciudadanos Albert Rivera dans un tweet. «Nous avons besoin d'un gouvernement propre et fort qui affronte le défi séparatiste. Ou [Mariano] Rajoy convoque des élections ou bien le Congrès [la chambre basse] le fera», a-t-il déclaré, entérinant la fin de l'alliance avec le parti au pouvoir.
La condena por corrupción al Gobierno ha liquidado la legislatura. Necesitamos un gobierno limpio y fuerte que afronte el desafío separatista. Apoyamos la solución democrática: o convoca elecciones Rajoy o el Congreso con moción instrumental. El futuro lo deciden los españoles.
Preuves «confondantes» sur l'existence d'une caisse noire
Cette crise politique a éclaté au lendemain de la publication par la justice d'un arrêt concluant à un financement illicite du Parti populaire de Mariano Rajoy dans une vaste affaire de corruption, dont l’instruction avait duré sept ans et dont le procès avait commencé en octobre 2016.
Selon cet arrêt, une caisse noire existait bel et bien au sein du PP, alimentée notamment par des surfacturations d’événements politiques et des pots-de-vin en liquide dans l’attribution de marchés publics. Et ce pour une période allant de années 1990 au début des années 2010.
Lors du procès le 26 juillet dernier, Mariano Rajoy s'était évertué à démentir ces accusations, affirmant que son parti n'avait jamais reçu de dons en liquide de chefs d’entreprise. Le dirigeant avait toutefois pris le soin de préciser qu'il ne s’occupait pas des questions financières dans la formation conservatrice, mais uniquement des questions politiques, rappelle El Pais.
Mais le témoignage de Mariano Rajoy n'a pas paru «assez vraisemblable» aux juges, aux vues des preuves «confondantes» sur l'existence de la caisse noire. Et leur verdict a été sans appel, condamnant les chefs d’entreprise et surtout d’anciens responsables du PP à un total cumulé de 351 ans de prison pour les 29 accusés.
«Une sentence dévastatrice pour le PP et [...] qui nuit à la réputation de l'Espagne», a affirmé le leader du PSOE Pedro Sanchez, pour qui «la situation de crise institutionnelle [...] n'a qu'un seul responsable et il s'appelle Mariano Rajoy».