Je me souviens très bien comment je suis devenue indépendantiste. Ça a été un long processus qui s'est étendu sur plusieurs années. Je ne suis pas née indépendantiste, je le suis devenue. J'ai été élevée dans une famille où la responsabilité citoyenne avait de l'importance. Ça parlait politique souvent à table, même les jours de fête, et le ton était souvent élevé.
Les hommes et les femmes de la famille travaillaient presque tous pour des entreprises anglophones où les boss parlaient anglais seulement et où les ouvriers avaient intérêt à ne jamais répondre en français. Ils apprenaient vite à marcher le dos courbé malgré le fait qu'ils étaient grands et bien bâtis. C'est leur fierté qui était en souffrance, et ça, ça marque pour longtemps. Ce que ma famille a semé en moi, c'est le désir de «résistance», le besoin de redresser le dos, le goût de reprendre ce qui était à nous, comme le disait ma grand-mère.
J'ai apprivoisé l'idée de souveraineté doucement, sans personne pour me pousser dans le dos et j'ai su que ça allait devenir un engagement majeur dans ma vie en 1970, durant la Crise d'octobre, quand j'ai vu plusieurs de mes amis en prison et que j'ai eu peur qu'on vienne arrêter mes enfants. Je suis devenue aussi indépendantiste que j'étais féministe, ces deux choix étant devenus essentiels dans ma vie. J'avais tâté du CCF, j'avais voté libéral, Pierre Bourgault était mon ami d'âme, ça m'a aidée à me brancher.
J'ai continué d'écouter tout ce qui a été dit sur la souveraineté, les pour, les contre. Je n'ai jamais remis en question l'engagement que j'ai envers le Québec, ce pays que j'aime et que je vois mourir à petit feu. Je continue de penser que le problème reste entier tant qu'il n'aura pas été réglé, tant que nous n'aurons pas affirmé haut et fort que nous voulons un pays qui détienne tous les leviers nécessaires à son épanouissement et qui permettraient à ce peuple courageux que nous sommes de se faire entendre des autres peuples, parlant en son nom personnel et en français par-dessus le marché.
La valse-hésitation n'est pas ma tasse de thé. C'est pourquoi je réagis chaque fois qu'un «farouche indépendantiste» ramollit sous mes yeux. Êtes-vous toujours indépendantiste? Quand la question est posée, vous vous exposez à une quantité inimaginable de réponses toutes plus vagues les unes que les autres: Le peuple n'en veut pas... On ne peut pas continuer d'attendre qu'il soit prêt, il faut faire bouger le Québec... La souveraineté, c'est un peu dépassé, pensez à la mondialisation... Mettons la souveraineté en veilleuse, il y a tellement de choses à faire... La liste est longue, mais vous voyez le genre.
Je me pince chaque fois. Il m'arrive de me demander où ils étaient, tous ces «savants conseillers», au cours des 20 dernières années. Il est évident, dans tous les cas, qu'ils n'ont pas de suite dans les idées.
Les derniers sur la liste de ceux qui ne cessent de m'étonner se bousculent au tourniquet ces temps-ci. Comme des chevaux nerveux, ils sont sur la ligne de départ. Où vont-ils? Personne ne le sait vraiment. François Legault a lancé une sonde à l'eau il y a quelques jours. Elle a fait plouc! et s'est enfoncée dans l'eau. Joseph Facal a décidé de rester sur le bord de la patinoire. Il n'a même pas chaussé les patins. Qu'est-ce qu'il attend? Sûrement une patinoire assez grande pour son ego. Bernard Landry fait des pieds et des mains pour qu'on le reconnaisse. Et Lucien Bouchard est sorti de son mutisme pour reprendre son numéro d'humoriste...
Ces hommes qui ont affiché leurs couleurs quant à la souveraineté du Québec il y a déjà longtemps ont tous quitté la scène politique avec des trémolos dans la voix en affirmant qu'ils rentraient à la maison pour élever leurs enfants. Noble tâche s'il en est une. Personne ne s'attendait à les voir reprendre du service au moment où le premier ministre Charest est à 13 % d'appuis de la population, du jamais vu, et où des âmes malveillantes essaient de tirer le tapis sous les pieds de madame Marois. Surtout qu'ils reprennent du service avec une moue d'impatience quand on leur demande s'ils sont toujours souverainistes... Mystère et boule de gomme.
Selon l'adage, «politics make strange bedfellows.» Je ne traduis pas, car au Québec, c'est connu, tout le monde est bilingue. Sinon, vous pourrez refaire votre 6e année.
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